Agroécologie Temps de lecture 10 min
Des indicateurs de la qualité des sols au service des politiques publiques
Les sols assurent des fonctions essentielles aux écosystèmes terrestres, à notre sécurité alimentaire et à notre santé. Des indicateurs manquent aujourd’hui pour outiller les politiques publiques soucieuses du bon fonctionnement et de la protection des sols. Une étude coordonnée par INRAE et restituée le 20 novembre dernier fournit un corpus d’informations étayées et partagées pour évaluer la qualité des sols. Explications et perspectives.
Publié le 15 janvier 2025

En France, environ 20 000 ha d’espaces naturels, agricoles ou forestiers sont artificialisés chaque année.
Des indicateurs à un système d’indication
Une cinquantaine d’indicateurs ont été sélectionnés par les auteurs de l’étude pour suivre la qualité et la santé des sols. Ils se rapportent à une fonction des sols ou à un type de dégradation et sont associés à un référentiel d’interprétation qui précise la méthode de mesure ou de calcul utilisée et les valeurs de référence (valeurs d’existence et seuils) auxquelles le résultat doit être comparé.
Le système d’indication intègre également une série de choix qui relèvent en grande partie des utilisateurs de l’évaluation. Il questionne la finalité de cette évaluation (élaboration d’un document d’urbanisme, zonage de parcelles agricoles en vue d’une opération de remembrement…) qu’il convient d’expliciter afin de sélectionner les indicateurs et choisir le référentiel d’interprétation, la maille de suivi (spatiale et temporelle) et l’opportunité d’agréger ou non différents indicateurs pour rendre l’évaluation plus lisible.
Les livrables de l'étude
Les résultats de l’étude « Préserver la qualité des sols : vers un référentiel d’indicateurs » sont disponibles sous forme de 3 documents :
Cousin I. (coord.), Desrousseaux M. (coord.), Angers D. et al. (2024). Préserver la qualité des sols : vers un référentiel d’indicateurs. Rapport d’étude, INRAE (France). 780 pages - DOI 10.17180/qnpx-x742 .
Cousin I. (coord.), Desrousseaux M. (coord.), Leenhardt S. (coord.) et al. (2024). Préserver la qualité des sols : vers un référentiel d’indicateurs. Synthèse du rapport d’étude, INRAE (France). 126 p. DOI 10.17180/k4j0-m162 - Version feuilletable ici
Cousin I., Desrousseaux M. et Leenhardt S. (2024). Préserver la qualité des sols : vers un référentiel d'indicateurs. Résumé du rapport d'étude. INRAE (France). 10 p. DOI 10.17180/h37a-4n09
Résumé IndiQuaSols pdf - 4.84 MBVoir également
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Préserver la qualité des sols, une question de droit
En droit, le rôle fondamental des sols n’est pas reconnu et ceux-ci ne bénéficient pas de la même protection que celle octroyée à l’air ou l’eau. Pourtant, « en matière d’environnement, la notion de qualité des sols est essentielle », ponctue Maylis Desrousseaux, une des deux pilotes scientifiques de l’étude. « Elle constitue un objectif que l’on vise ou que l’on restaure », complète-t-elle.
Si dans certains textes il existe bel et bien des indicateurs, ils ne sont pas mentionnés comme tels ou bien ne font que rarement référence à l’altération des fonctions du sol. Ce sont des standards liés à sa fertilité, à son absence de toxicité ou à sa stabilité… qui renvoient essentiellement à leurs qualités d’usage. En absence d’harmonisation de ces standards, le tout est laissé à la libre appréciation des acteurs de terrain. Ceci crée des disparités au niveau territorial et a fait naître un besoin d’arbitrage au niveau de l’État et des collectivités territoriales. De même au niveau juridictionnel où les juges sont fréquemment saisis de la question de l’interprétation de la qualité des sols dans différents contentieux alors même qu’ils sont dépourvus de toute expertise objective susceptible d’alimenter leur réflexion.
Des indicateurs pour accompagner la restauration écologique des sols
Lorsqu’un écosystème est trop dégradé, il peut bénéficier d’une restauration écologique ou d’une renaturation.
La restauration écologique est le processus qui assiste le rétablissement d’un écosystème qui a été dégradé, endommagé ou détruit (SER, 2004).
La renaturation d’un sol ou désartificialisation, consiste en des actions ou des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé (loi Climat & résilience, 2021).
Inscrit dans un pas de temps long, le suivi et l’évaluation du processus de restauration privilégient les fonctionnalités de l’écosystème, s’intéressant notamment aux propriétés des sols. Le processus de renaturation nécessite de suivre et d’évaluer, sur un pas de temps plus ou moins long, les paramètres chimiques, physiques et biologiques de ces sols, pour apprécier l’évolution du niveau de fonctions écologiques qu’ils rendent.
Ris-Orangis : PLU et qualité des sols
Des approches croisées de cartographie et d’investigations sur le terrain ont permis à la commune de Ris-Orangis, en Île-de-France, de définir une stratégie « Zéro artificialisation nette ». Inscrite dans les documents d’urbanisme de la ville, elle identifie les espaces à préserver ainsi que les potentiels de renaturation et de densification à l’aune de l’analyse de la qualité des sols.
La qualité et la santé des sols, objets d’une gouvernance territoriale
À quelle échelle serait-il intéressant de mettre en œuvre une gouvernance partagée de la qualité et de la santé des sols ?
Les travaux traitant de la gouvernance de la qualité et de la santé des sols mentionnent actuellement un déploiement à l’échelle locale ou régionale. La mise en œuvre d’une telle gouvernance en France pourrait s’appuyer sur des instances existantes ou de nouvelles instances de coordination à même de gérer de manière intégrée la qualité et la santé des sols.
« L’approche globale de la qualité des sols doit permettre de réunir l’ensemble des usagers autour de cet enjeu », ajoute Isabelle Cousin, une des deux pilotes scientifiques de l’étude. « Le véritable défi est que les différentes parties prenantes s’accordent sur ce que sont les sols, ce qu’ils font, ce qu’ils valent et ce qu’ils devraient être. »
Les modes de représentation, de connaissance, d’action ou encore d’interaction autour de la qualité/santé des sols varient selon les catégories d’acteurs (usagers des sols, experts et décideurs publics). Au sein de chacune d’elles, existe également une diversité de conceptions et d’attentions qui s’explique par des déterminants sociaux et des réseaux de circulation des normes et des valeurs. Plus encore, chaque acteur envisage la qualité/santé des sols en fonction de ses principales préoccupations. « Des terrassiers ou des agriculteurs irrigants ne seront pas attentifs aux mêmes critères de qualité », détaille Adrien Baysse-Lainé, un des auteurs de l’étude. Toutefois, un indicateur transversal à plusieurs mondes sociaux ou politiques permet, tout en étant porteur de sens différencié, que ces mondes communiquent.
UNE ETUDE MENEE PAR LA DEPE
Cette étude interdisciplinaire est basée sur une analyse de la littérature scientifique mondiale (1 800 références dont 1 500 articles publiés dans des revues à comité de lecture). Elle a mobilisé 19 expertes et experts scientifiques de différentes disciplines (pédologie, agronomie, écologie, économie, sociologie, droit…) issus de 10 organismes de recherche. Le cadre méthodologique des études a été appliqué.