Agroécologie 2 min

Persistance des résidus de pesticides dans les sols : intérêt d’une surveillance nationale

COMMUNIQUÉ DE PRESSE - À la différence de ce qui est fait pour les milieux aquatiques et l’atmosphère, la surveillance de la contamination des sols par les pesticides n’existe pas à l’échelle du territoire. Or des travaux récents de chercheurs INRAE, en collaboration avec l’université de Bordeaux, montrent qu’un grand nombre de substances, en quantité importante, y persistent sous forme de résidus. Des résultats parus dans la revue Environmental Science & Technology.

Publié le 24 mai 2023

illustration Persistance des résidus de pesticides dans les sols : intérêt d’une surveillance nationale
© Pixabay

La contamination de l’environnement par les résidus de pesticides fait depuis de nombreuses années l’objet d’une surveillance pour les milieux aquatiques et l’atmosphère. Ce n’est pas encore le cas pour les sols. Or les quelques études récentes européennes, impliquant notamment INRAE et l’Ifremer, laissent entrevoir la présence de nombreuses substances dans les sols et les risques pour la biodiversité qui en découlent. 
Afin d’approfondir ces premiers résultats, des chercheurs d’INRAE ont collaboré avec des scientifiques de l’université de Bordeaux dans l’objectif d’évaluer la contamination par les pesticides de près d’une cinquantaine de sols, prélevés dans toute la France métropolitaine.

En se basant sur le Réseau de mesures de la qualité des sols (RMQS), ils ont pu mesurer la persistance de ces substances et les risques associés pour la biodiversité des sols.

Résultat : 98 % des sites étudiés présentent au moins 1 substance. Au total, 67 molécules différentes ont été retrouvées, majoritairement des fongicides et des herbicides.
Les parcelles de grandes cultures sont les plus contaminées, avec jusqu’à 33 substances différentes retrouvées dans un seul site, et une moyenne de 15 molécules dans les sols. Plus inattendu, dans les sols sous forêts, prairies permanentes, en friche ou en agriculture biologique depuis plusieurs années, plus de 32 pesticides différents ont été détectés, à des concentrations majoritairement plus faibles que pour les sites en grandes cultures. 
Les molécules les plus fréquemment détectées sont le glyphosate et l’AMPA, son métabolite principal, présents dans 70 % et 83 % des sols prélevés. Des fongicides de la famille des triazoles (époxiconazole) ou des fongicides inhibiteurs succinate deshydrogénase (SDHI) sont également retrouvés dans plus de 40 % des sites, tout comme des insecticides de la famille des pyréthrinoïdes comme la téfluthrine[1]. Si la majorité des substances recherchées sont utilisées uniquement en agriculture conventionnelle, quelques molécules peuvent cependant être utilisées en agriculture biologique, comme les pyréthrinoïdes.
Si les herbicides contribuent le plus aux concentrations totales en pesticides retrouvées dans les sols, le risque majeur estimé pour les vers de terre est dû aux insecticides et aux fongicides. Les risques de toxicité chronique pour ces vers de terre sont modérés à forts pour toutes les parcelles cultivées.

Ces travaux de grande ampleur démontrent une persistance inattendue des molécules de pesticides dans l’environnement, bien au-delà de leur temps de dégradation théorique et à des concentrations supérieures à celles escomptées[2]. Ces résultats soulignent un besoin accru de surveillance des sols, qui pourrait s’appuyer sur le réseau national RMQS, en place depuis plus de 20 ans.

Comment mesure-t-on les résidus de pesticides dans les sols ?

47 sites du RMQS ont été échantillonnés par les partenaires régionaux du programme, dans toute la France entre 2019 et 2021, à une profondeur de 0-20 cm en se basant sur le protocole mis en place sur le réseau (Jolivet et al., 2018). Ce sont principalement des sols cultivés (grandes cultures, vignes et vergers) mais aussi des sols supposément non traités (prairies, forêts, friches). 111 substances, priorisées par l’Anses sur la base des usages et du comportement dans l’environnement, ont été recherchées dans les prélèvements de sols par le laboratoire LPTC de l’université de Bordeaux et le Laboratoire d’analyse des sols d’Arras du centre Hauts-de-France d’INRAE. Ce projet, dénommé Phytosol, a été financé par l’Anses via une convention de recherche (2018-CRD-17_PPV18) et par le GIS Sol (www.gissol.fr).

Référence
Froger C., Jolivet C., Budzinski H. et al. (2023). 
Pesticide Residues in French Soils: Occurrence, Risks, and Persistence. Environmental Science & Technology, 57, 20, 7818-27, DOI: 10.1021/acs.est.2c09591

 


[1] Les concentrations attendues ont été calculées à partir des informations sur les traitements phytosanitaires effectués sur les parcelles fournis par les agriculteurs (date d’application et doses appliquées), en utilisant les temps de dégradation théoriques. 


[2] Les temps de dégradation théoriques de 90 % des concentrations initiales des molécules dans les sols (DT90) sont les suivants : glyphosate 170 jours ; AMPA 1 000 jours ; époxiconazole 2 960 jours ; téfluthrine 160 jours.

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