Pourquoi y-a-t-il du cadmium dans les sols et comment le retrouve-t-on dans l’alimentation ?

Dans une lettre ouverte au gouvernement publiée dans les médias en juin, les Unions régionales des professionnels de santé-Médecins Libéraux (URPS) alertent sur notre exposition au cadmium, un métal toxique, présent dans les sols et qui contamine de fait notre alimentation. Le point sur les recherches INRAE sur le cadmium.

Publié le 10 juillet 2025

© INRAE / Christophe Maitre

> Qu’est-ce que le cadmium ? 

Le cadmium est un métal lourd dont les propriétés chimiques sont proches de celles du zinc : il est mou, brillant, et blanc. On l’utilise notamment pour la fabrication de batteries, de pigments, d’alliages, de revêtements de pièces métalliques ou encore comme stabilisateur pour certaines matières plastiques. Présent dans les sols et de fait dans notre alimentation, son ingestion peut occasionner certaines pathologies.  

>  D’où vient le cadmium présent dans nos sols ?

Le cadmium est naturellement présent dans les sols. Certaines activités humaines peuvent augmenter sa concentration, comme l’agriculture et les industries de métallurgie. 
 

> Pourquoi certains sols contiennent plus de cadmium que d’autres ? 

Teneurs en cadmium total (dont seule une partie peut être absorbable par les plantes) des sols français mesurés dans des sites du Réseau de Mesure de la Qualité des Sols (RMQS) du Gis Sol dans les 30 premiers centimètres de sol (2013). Le Gis sol est un groupement d’intérêt scientifique dont INRAE est membre.


Le cadmium est un des éléments chimiques présents dans la roche à partir de laquelle le sol s’est formé, la roche-mère. Lorsque cette roche se dégrade, elle libère le métal dans le sol. Les sols qui se situent sur des roches calcaires comme en Champagne, en Charente ou dans le Jura ont des fortes teneurs naturelles en cadmium. C’est le cas également dans les sols des Causses. 
La teneur en cadmium des sols peut également être modifiée par les activités humaines, par exemple via les retombées atmosphériques dues à la pollution industrielle et urbaine depuis plus d’un siècle. Mais la principale source anthropique d’apport de cadmium aux sols provient de l’utilisation d’engrais minéraux phosphatés pour l’agriculture.  En 2007, l’ADEME a estimé la contribution des sources de cadmium entrant sur les sols agricoles à 54 % pour les engrais minéraux, 25 % pour les déjections animales, 14 % pour les retombées atmosphériques, 5 % les boues et composts et enfin 2 % pour les amendements calciques et magnésiens.

> Pourquoi y-a-t-il du cadmium dans les engrais minéraux ?

Avec l’azote et le potassium, le phosphore est un élément nutritif majeur des plantes. Il est apporté aux cultures agricoles par des « engrais de synthèse phosphatés » qui sont fabriqués à partir du phosphate naturel de calcium qui contient plus ou moins de cadmium. Il est considéré comme une impureté que les procédés classiques de fabrication d’engrais ne permettent pas d’éliminer du produit final. En France l’engrais minéral est majoritairement importé du Maroc et de la Tunisie où le phosphate de calcium est naturellement riche en cadmium.

> Comment le cadmium du sol se retrouve-t-il dans l’alimentation ?

Le cadmium n’est pas un élément essentiel pour la croissance des plantes et les racines de ces dernières l’absorbent "par erreur" en même temps que certains éléments nutritifs comme le zinc, le fer, le manganèse. Une fois absorbé, le cadmium se distribue dans les différentes parties de la plante et se retrouve donc dans les parties consommées en alimentation humaine et animale. La contamination des cultures par le cadmium du sol sera d’autant plus importante que ce métal sera biodisponible pour la plante, c’est à dire qu’il sera fortement présent dans la solution du sol sous une forme chimique absorbable par les racines. La capacité d’une culture à accumuler le cadmium dépend en outre de l’espèce et de la variété.

Chez les animaux, le cadmium ingéré par l’alimentation est distribué dans leur organisme mais surtout dans les reins et le foie dans lesquels il s’accumule et s’élimine très lentement. Certaines espèces bioaccumulent particulièrement le cadmium dans leurs organes. C’est le cas pour les équins, c’est pour cette raison que depuis 2019, la consommation d’abats de cheval est interdite.

> Quels aliments contiennent du cadmium ?

Certains aliments, comme les algues, les champignons ou encore les abats, concentrent particulièrement le cadmium. Cependant leur contribution à l’exposition alimentaire totale des individus est faible car ils sont globalement peu consommés. D’autres aliments, comme les céréales (et de ce fait le pain, les pâtes, etc.) ou les pommes de terre présentent une plus faible concentration en cadmium mais étant fortement consommés contribuent davantage à l’exposition de la population au cadmium.

"Les concentrations les plus élevées sont observées dans les abats, les mollusques bivalves, les graines de tournesol et le cacao en poudre. Les aliments les moins contaminés sont la viande issue des animaux d’élevage, les chairs de certains poissons (cabillaud, truite, merlu), le miel, les fruits, le lait et les boissons alcoolisées."

C’est ce qu’a observé le groupe de travail en charge de de l’état des lieux de la surveillance du cadmium en France, INRAE & Acta en 2023 (Voir encadré)

Ces observations sont conformes à celles de l’étude de l’exposition alimentaire au cadmium 

Comment évolue la concentration de cadmium dans l’alimentation en France ?

En 10 ans, entre 2010 et 2020, les concentrations en cadmium sont restées stables pour l’ensemble des aliments évalués, sauf pour le blé dur pour lequel on observe une baisse significative.  C’est ce que montrent les résultats d’une étude sur la surveillance du cadmium dans la chaîne alimentaire portée par INRAE et l’Acta en 2023. 

Surveillance du cadmium dans la chaîne alimentaire

En 2020, un groupe de travail au sein de la plateforme surveillance de la chaîne alimentaire (SCA) a été constitué pour réaliser un état des lieux de la surveillance du cadmium en France. Le groupe, copiloté par INRAE et l’Acta et composé de 15 membres (autorités, professionnels, agences sanitaires, instituts de recherche et instituts techniques), a rendu en octobre 2023 le bilan de ses travaux. 11 dispositifs de surveillance se sont portés volontaires pour partager leurs données de surveillance du cadmium collectées entre 2010 et 2019. La mutualisation de ces différents jeux de données a permis d’obtenir une base recensant près de 75 000 résultats d’analyse, issus de la surveillance publique et privée, couvrant l’alimentation humaine (82 %) et animale (18 %). 
Le groupe de travail a également émis 18 recommandations pour améliorer le système de surveillance du cadmium dans la chaîne alimentaire, notamment pour améliorer la qualité des échantillonnages, des méthodes, des données récoltées et des collaborations entre dispositifs de surveillance.

Voir le rapport

> Quelles solutions pour diminuer la pollution et notre exposition au cadmium ?

INRAE mène des projets de recherche pour explorer plusieurs pistes pour limiter l’apport de cadmium dans les sols, pour dépolluer les sols fortement concentrés en cadmium, et sélectionner des plantes moins accumulatrices de ce métal lourd. 

  • Limiter l’usage d’engrais de synthèse, une solution déjà en place depuis 1980

Si limiter l’usage d’engrais contenant du cadmium semble être une solution évidente pour ne pas risquer d’enrichir les sols avec ce contaminant, le problème réside surtout dans le fait que le cadmium ne se dégrade pas et qu’il « sort du sol » très lentement. Ainsi, même sans apport nouveau d’engrais phosphaté, les cultures sont contaminées par la présence de ce métal dans le sol, d’origine très majoritairement naturelle. L’apport d’engrais de synthèse a été réduit de 70 % depuis les années 1980. Selon les types de sols, l’absence d’apport de phosphore n’entraîne pas nécessairement une baisse de rendement car les cultures sont capables de mobiliser le phosphore disponible accumulé dans les sols. Certaines espèces cultivées, comme le lupin blanc ou le sarrasin, permettent de mobiliser le phosphore fortement lié à la phase solide des sols et ainsi d’augmenter sa disponibilité pour les différentes cultures de la rotation.

  • Dépolluer les sols… grâce aux plantes, une voie encore en exploration 

Certaines plantes ont la capacité naturelle d’hyperaccumuler des métaux lourds. Une voie possible pour diminuer la pollution au cadmium est de les utiliser pour dépolluer les sols. Le Laboratoire Sols et Environnement (LSE) a identifié une espèce hyperaccumulatrice de ce métal, la crucifère sauvage, Noccaea caerulescens, présente en France. Des expérimentations sur sols pollués ont montré que malgré son fort potentiel d’accumulation, la plante ne produit pas assez de biomasse pour permettre une dépollution dans un temps raisonnable. Pour autant, les scientifiques sont parvenus à définir la plante idéale pour dépolluer qu’il conviendrait de développer par les généticiens et sélectionneurs pour que cette voie de dépollution soit efficace sur les sols agricoles. Des procédés d’extraction du cadmium de ces plantes est à l’étude.

 

  •  Développer et sélectionner des variétés de plantes à cultiver peu accumulatrices de Cadmium

Sélectionner des variétés qui accumulent le moins de cadmium apparaît comme la voie la plus prometteuse. Chez le blé dur, les scientifiques Canadiens ont déjà identifié un gène qui favorise la rétention du cadmium dans les racines si bien que ce contaminant est moins exporté vers les graines qui en contiennent donc environ 2 à 3 fois moins. En France, plusieurs variétés de blé possédant ce gène ont été identifiées. Pour aller plus loin, le projet de recherche ANR B-SWheat piloté par l’unité de recherche INRAE Interactions Sol-Plantes-Atmosphère (ISPA) et en partenariat avec Arvalis et les sélectionneurs Florimond Desprez et RAGT s’intéresse à trouver des moyens de sélectionner des variétés de blé qui accumulent le moins possible de cadmium (mais aussi moins d’arsenic, de nickel et de plomb) tout en préservant le rendement ainsi que les teneurs en fer et en zinc des grains, deux éléments importants en particulier pour les régimes végétariens. Le projet a déjà permis d’analyser les teneurs en contaminants et en oligoéléments de 140 variétés de blé dur et 300 variétés de blé tendre et d’identifier des caractères génétiques intéressants. 

L’unité ISPA INRAE conduit également deux autres projets sur la problématique du cadmium chez le lin oléagineux (Casdar METALLIN porté par Linéa semences, obtenteur de variétés de lin) et le projet ComTour, sur la contamination tournesol.

Bléssûr : un outil pour prédire le risque de dépasser les seuils autorisés en métaux lourds dans le blé dur

En France, environ 5 % des parcelles de blé dur produisent des récoltes qui dépassent le seuil actuel autorisé (0.18 mg Cd/kg de grains), ce pourcentage ayant été jusqu’à plus de 15% dans certaines régions lorsque la combinaisons variétés utilisées + sols à risque étaient très défavorables. L’unité de recherche ISPA d’INRAE et Arvalis, institut de végétal, ont développé l’outil « Bléssûr » qui permet de prédire la non-conformité d’une future récolte de blé dur vis-à-vis du cadmium afin de permettre aux producteurs d’anticiper les mesures préventives nécessaires. A partir des données de l’analyse de terre qui renseignent sur la disponibilité du Cadmium du sol et en fonction de la variété de blé cultivée, Bléssûr permet de détecter 82 % des cas réels de non-conformité. L’outil en ligne et accessible à tous.



 

Contacts

Christophe N'Guyen

Directeur de recherche

UMR ISPA, Bordeaux

Thibault Sterckeman

Ingénieur de recherche

Laboratoire sol et environnement, Nancy

Helene Bernard

Coordinatrice de la plateforme Surveillance de la chaîne alimentaire

Laberca, Nantes

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