Agroécologie 6 min

Préserver la qualité des sols : vers un référentiel d’indicateurs - Résultats d’une étude collective

COMMUNIQUÉ DE PRESSE - INRAE restitue ce mercredi 20 novembre une étude sur la qualité des sols réalisée par un collectif de 19 chercheurs issus de 10 organismes de recherche et d’enseignement supérieur français et canadien dans le cadre d’un colloque ouvert au public et aux parties prenantes, après plus de deux ans de travaux. L’étude, financée par l’Ademe, l’OFB et les ministères en charge de l’Environnement et de l’Agriculture, dresse un état des lieux des connaissances scientifiques disponibles sur les indicateurs qui peuvent être mobilisés en appui des politiques publiques sur la préservation de cette ressource fondamentale. L’étude clarifie les différentes dimensions qui constituent la qualité et la santé des sols, liste une cinquantaine d’indicateurs qui permettent de les évaluer, et présente la manière dont on peut les mobiliser dans tous les secteurs.

Publié le 20 novembre 2024

© INRAE - Bertrand Nicolas

Le rôle majeur que jouent les sols dans le fonctionnement des écosystèmes continentaux est de mieux en mieux mis en évidence et pris en compte. Depuis quelques décennies, les préoccupations concernant la préservation et la restauration de leur bon état écologique montent en puissance. En effet, l’essentiel des secteurs d’activités humaines (agriculture, industries, immobilier, loisirs…) reposent sur différentes utilisations des sols, ce qui génère des tensions entre ces usages et des dégradations des sols. Ainsi, 60%[1] des sols de l’UE seraient actuellement dégradés. Des initiatives ont été récemment réactivées au niveau européen, pour instaurer un cadre sur la surveillance et la préservation de la qualité des sols. A une échelle plus locale, différentes propositions basées sur l’idée d’un diagnostic de la qualité du sol émergent, dans l’objectif de guider les décisions prises par les acteurs. A l’appui de ces instruments de gouvernance et de prise de décision, des ressources scientifiques sont attendues pour objectiver et partager une évaluation commune de cette qualité.

Afin de faciliter la prise en compte de la qualité des sols dans l’évaluation et la mise en œuvre des politiques publiques, le Groupement d’intérêt scientifique sur les sols (GIS Sol) a mis en évidence le besoin de rassembler les ressources scientifiques disponibles pour caractériser cette qualité, identifier et tester les principaux indicateurs mobilisables et les méthodes associées.

L’état des lieux des connaissances disponibles réalisé dans le cadre de l’étude permet d’identifier les difficultés que pose l’évaluation de la qualité des sols, et les ressources mobilisables pour y faire face : adopter un langage commun, mesurer et interpréter les indicateurs, et co-élaborer le système d’indication avec les acteurs.

Adopter un langage commun

La qualité des sols comporte de multiples dimensions comme la fertilité, la santé, la biodiversité, les services écosystémiques rendus, ou à l’inverse les dangers liés à leur dégradation (érosion, pollution, perte de matière organique, etc.). Ces dimensions sont diversement perçues par les acteurs suivant leurs activités, préoccupations et influences sociales. Il est ainsi difficile de s’accorder sur ce qu’est un sol de bonne qualité. En outre, la valeur économique des terres et leur gestion foncière ne tiennent que très rarement compte de la qualité écologique des sols. La localisation et la proximité des infrastructures urbaines sont généralement les critères prépondérants.

Dans le cadre de l’étude, six fonctions écologiques des sols sont proposées : supporter la biodiversité, entretenir la structure du sol, réguler l’eau, réguler les contaminants, fournir des nutriments à la biocénose[2], stocker du carbone. Elles forment une base intéressante d’évaluation à plusieurs titres :

  • Elles couvrent l’ensemble des services écosystémiques et des types d’usages des sols. Ainsi, elles permettent de ne pas focaliser l’attention sur une seule dimension de la qualité (comme la capacité à fournir de la biomasse ou la capacité d’infiltration de l’eau par exemple).
  • Elles nécessitent de convenir entre acteurs de l’importance relative accordée aux différentes fonctions, et d’expliciter un tel débat.

Or, tous les types de sols (argileux, sableux, etc.) ne présentent pas le même potentiel pour réaliser toutes les fonctions. C’est pourquoi un sol sera considéré comme en bonne santé lorsque les fonctions sont réalisées à hauteur du potentiel que présente le type de sol considéré.

Mesurer et interpréter les indicateurs

Une cinquantaine d’indicateurs permettant d’évaluer les différentes fonctions des sols ont donc été rassemblés à partir du corpus scientifique analysé3. En termes d’opérationnalité, près de la moitié sont jugés comme matures, souvent intégrés dans des bases de données, et ayant fait leur preuve depuis près de 20 ans. Un quart est encore en maturation car non encore standardisé du point de vue des méthodes à mettre en œuvre et un autre quart est encore en développement, encore au niveau de la recherche. Un élément de l’évaluation de l’opérationnalité des indicateurs est leur accessibilité via des bases de données. La grande majorité des indicateurs étudiés sont mesurés par le Réseau de Mesure de la Qualité des Sols (RMQS).

Mesurer un indicateur ne suffit pas à évaluer la qualité d’un sol. D’une part, il faut positionner la valeur obtenue dans un référentiel d’interprétation, pour conclure sur la plus ou moins bonne qualité du sol en question. Ce référentiel s’appuie sur les bases de données consolidées à partir des programmes de mesure et de suivi déployés sur le territoire. A ce titre, la France dispose d’un système national de surveillance qui permet de conférer aux indicateurs sélectionnés une bonne opérationnalité technique. La qualité du système français de gestion des données sur les sols est d’ailleurs saluée par les sources internationales.

D’autre part, il faut comprendre les interrelations entre différents indicateurs pour pouvoir analyser les déterminants de la situation observée, et envisager des mesures correctrices.

Enfin, une stratégie adéquate doit être établie en fonction de la finalité de l’évaluation, en ce qui concerne notamment la complémentarité entre les indicateurs utilisés, leur éventuelle pondération, les protocoles d’échantillonnage et de mesure ou bien encore le traitement statistique et/ou cartographique des résultats. L’articulation de l’ensemble de ces éléments constitue le système d’indication.

Co-élaborer le système d’indication avec les acteurs

Évaluer la qualité/santé des sols d’un territoire implique d’associer les usagers des sols et les scientifiques tout en clarifiant les objectifs d’une telle évaluation (adaptation au changement climatique, préservation de la biodiversité, souveraineté alimentaire, etc.). L’inclusion des acteurs dans l’élaboration, la réalisation et l’interprétation du suivi favorise une perception partagée de la qualité et de la santé des sols.

Les études analysant les modalités de gouvernance soulignent, quel que soit le niveau (national, régional, communal), l’importance d’une articulation entre des objectifs directeurs communs sur la préservation et la restauration de la qualité des sols, et une déclinaison localement appropriée de l’élaboration du système d’indication.


[1] EUSO (European Union Soil Observatory) - https://esdac.jrc.ec.europa.eu/esdacviewer/euso-dashboard/

[2] Ensemble des êtres vivants qui peuplent un habitat donné.

[3] Le comité d’experts a analysé plus de 1 800 sources de la littérature scientifique et technique nationale et internationale.

Consulter la synthèse

Comme toute étude pilotée par la Direction de l’Expertise scientifique collective, de la prospective et des études d’INRAE, les travaux permettent un état des lieux des connaissances scientifiques par l’analyse d’un large corpus de sources issues de la littérature académique et, si besoin, d’un recours à la littérature grise (rapports, textes juridiques…). L’étude « Préserver la qualité des sols : vers un référentiel d’indicateurs » répond au besoin identifié dans le cadre du GIS Sol de rassembler et tester les ressources scientifiques disponibles en appui aux politiques publiques. Elle a été conduite en interaction avec les financeurs dans le cadre d’un Comité de suivi, et avec un Comité consultatif d’acteurs réunissant les principales parties prenantes concernées par le sujet.   

Références

Isabelle Cousin (coord.), Maylis Desrousseaux (coord.), Sophie Leenhardt (coord.), Denis Angers, Laurent Augusto, Jean-Sauveur Ay, Adrien Baysse-Lainé, Philippe Branchu, Alain Brauman, Marie-Caroline Brichler, Nicolas Chemidlin Prévost-Bouré, Claude Compagnone, Claire Froger, Raphaël Gros, Carole Hermon, Julie Itey, Catherine Keller, Bertrand Laroche, Virginie Lelièvre, Sybille de Mareschal, Germain Meulemans, David Montagne, Guénola Pérès, Nicolas Saby, Emmanuelle Vaudour, Jean Villerd, Cyrille Violle (2024). Préserver la qualité des sols : vers un référentiel d’indicateurs. Synthèse du rapport d’étude, INRAE (France).

 

resume_indiquasols_INRAEpdf - 5.31 MB

Service Médias et opinion INRAE

Contacts scientifiques

Isabelle Cousin pilote scientifiqueUnité de recherche Info&Sols

Maylis Desrousseaux pilote scientifiqueEcole d'Urbanisme de Paris

Sophie Leenhardt Cheffe de projet Direction de l'expertise scientifique collective, de la prospective et des études

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