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Les sols : des réservoirs d’eau temporaires essentiels pour les végétaux

Encore insuffisamment pris en compte, les sols sont au cœur de nombreuses fonctions : sources de matériaux, lieux de stockage de carbone, réservoirs de biodiversité… Ils représentent également un maillon essentiel du cycle de l’eau, à la fois filtre et réservoir. Rencontre avec Isabelle Cousin, physicienne du sol et coordinatrice du projet RUEdesSOLS.

Publié le 25 septembre 2020

illustration Les sols : des réservoirs d’eau temporaires essentiels pour les végétaux
© INRAE

En quoi les sols jouent-ils un rôle important dans la gestion des ressources en eau ?

Le sol assure 2 grands rôles au sein du cycle de l’eau : transfert et stockage.

Isabelle Cousin : Le sol assure 2 grands rôles au sein du cycle de l’eau. Il partage l’eau de pluie (ou d’irrigation) en 2 flux : l’eau qui ruisselle à sa surface et l’eau qui s’infiltre en profondeur. Il régule ainsi le transfert de l’eau entre l’atmosphère, les nappes souterraines et les cours d’eau. Par sa capacité de stockage, il sert aussi de réservoir d’eau pour les plantes. En effet, un sol en bon état peut stocker temporairement de l’eau qui est soit à disposition des plantes (flux d'eaux vertes), soit transférée vers des nappes souterraines ou des cours d’eau (flux d'eaux bleues). Pour préserver ces fonctions essentielles des sols, on recommande de les couvrir par de la végétation, celle-ci pouvant être vivante (culture, enherbement) ou morte (résidus de culture, copeaux de bois). Ainsi, on limite la dégradation de leur surface par « encroûtement » en plus de stimuler l’activité biologique et de favoriser le stockage de carbone.

Cycle de l'eau à l'échelle du sol

Les eaux vertes regroupent les eaux de pluies stockées temporairement dans le sol sous forme d’humidité. Elles peuvent être prélevées par les plantes. Elles retournent à l’atmosphère par évaporation ou par transpiration de la plante.

 

Les eaux bleues correspondent à l'ensemble des eaux douces de surface et souterraines. Une partie est captée pour les usages domestiques et agricoles (irrigation, élevage).

 


Qu'appelle-t-on réservoir utilisable ?

I. C. : Le réservoir utilisable en eau (aussi appelé réserve utile, RU) est une propriété hydrique du sol. On la mesure pour déterminer la quantité d’eau que le sol peut stocker et restituer à la plante. Elle est intrinsèquement liée à la nature du sol et au couvert végétal qui lui est associé (prairie, forêt, culture…).

Le sol, un réservoir utilisable en eau avec des évaluations divergentes.

Pourquoi était-il nécessaire d’associer agronomes et pédologues pour redéfinir cette donnée ?

RU : un terme polysémique, utilisé par quantité d’acteurs.

I. C. : Le RU est un terme polysémique, utilisé par quantité d’acteurs : pédologue, agronome, hydrologue, aménageur... Lorsqu’un pédologue calcule un RU, il cherche à estimer une capacité maximale du sol à stocker l’eau en fonction de certaines de ses propriétés (profondeur, teneur en argile, teneur en carbone…). C’est une donnée indépendante de la météo ou de la culture, qui représente un potentiel théorique de stockage. L’agronome, quant à lui, s’intéresse à une quantité d’eau réellement accessible à la plante. Le réservoir associé dépend donc de la profondeur d’enracinement de la culture, et son niveau de remplissage varie au cours du temps.

Cette subtilité sémantique peut avoir une incidence importante. Les différents acteurs, n’ayant pas exactement la même définition du RU, utilisent des méthodes variées de calcul. Cela conduit à des évaluations différenciées entre les disciplines. C’est pourquoi dans le cadre du projet RUEdesSOLS, nous avons décidé de croiser nos approches entre scientifiques de différentes disciplines et conseillers techniques. Sur chacun des sept sites expérimentaux, nous avons suivi la teneur en eau du sol en champs cultivés (approche agronomique) et analysé, en parallèle en laboratoire des échantillons de sols (approche pédologique). Cela nous a permis de confronter nos méthodologies d’évaluation du RU. L’ensemble des données récoltées nous a permis de proposer des valeurs de références du RU à l’échelle de la parcelle et des territoires. Des données de télédétection nous ont aidé à spatialiser les résultats. Parmi les résultats phares de notre projet, nous avons ainsi pu cartographier pour la première fois le RU des sols, à la résolution de 90 mètres, sur l’ensemble du territoire français.

En quoi est-ce un enjeu de connaître ce paramètre et sa fiabilité ?

L’objectif est que l’ensemble des acteurs puisse utiliser les données à bon escient.

I. C. : L’enjeu est de pouvoir, par exemple pour l’agriculteur, ajuster les pratiques d’irrigation. Et cet enjeu est d’autant plus prégnant que le sol est de faible épaisseur, et présente un faible RU. Il convient en ce cas de l’évaluer avec précision. Lorsque le sol est très épais, et le RU assez élevé, la précision sur la valeur a moins d’importance. Outre le raisonnement de l’irrigation, un enjeu est également de choisir les couverts végétaux les plus adaptés dans le cadre de l’agroécologie. Au-delà de ses applications agricoles, cette donnée est également utilisée dans des applications météorologiques, par exemple pour la simulation de crues ou de sécheresse. Lorsque nous avons créé notre carte du RU à la résolution de 90 mètres, nous n’avions pas partout l'ensemble des propriétés des sols pour évaluer le RU, nous avons donc associé un degré d’incertitude à nos estimations. L’objectif étant que l’ensemble des acteurs puisse utiliser les données à bon escient et être informé sur le fait que ce RU n'est pas toujours une donnée précise.

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Sarah-Louise FilleuxRédactrice

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Isabelle CousinPhysicienne du solUnité de recherche Science du Sol

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