Les technologies numériques et robotiques au service de l’agroécologie

Leur mission ? Développer des agroéquipements et des robots capables de travailler de façon autonome en milieux naturels pour réaliser des travaux agricoles, ainsi que des systèmes d’information pour collecter des données pour suivre les pratiques. Leurs recherches ? Penser des algorithmes permettant aux technologies de s’adapter aux différentes conditions de sol, de typologie de champs ou encore de conditions climatiques. Entretien avec Roland Lenain, directeur, ainsi que Frédéric Chabot et François Pinet, directeurs adjoints de l’unité Technologies et systèmes d'information pour les agrosystèmes.

Publié le 02 décembre 2025

© INRAE

Technologie et agroécologie, c’est vraiment compatible ?

Roland Lenain : C’est même indispensable ! Cela peut sembler paradoxal mais l’usage des nouvelles technologies peut rendre possible le développement d’une agriculture traditionnelle sans pénibilité. En effet, se passer de produits phytosanitaires implique d’être plus précis dans les pratiques agricoles. Il faut surveiller davantage les cultures, intervenir plus fréquemment et de façon très précise. Cela implique pour l’agriculteur des tâches pénibles, répétitives et parfois irréalisables sur de grandes surfaces. C’est là que le numérique et la robotique peuvent être utiles. À l’unité Technologies et systèmes d'information pour les agrosystèmes (TSCF), on conçoit des robots capables de mener ces tâches. Par exemple, on a créé un robot capable d’identifier les mauvaises herbes et de les arracher. Pour certaines fermes en agriculture biologique, l’usage des robots permet tout simplement de maintenir leur activité. Nous avons aussi des drones, capables de recueillir des informations sur l’état du sol et des cultures dans des zones difficilement atteignables ou éloignées de la ferme. Au total nous avons développé une dizaine de robots au service de l’agroécologie.

Avez-vous d’autres champs de recherches que la robotique ?

François Pinet : Les robots c’est la partie la plus visuelle de nos travaux ! Mais on ne s’arrête pas là, nous avons tout un volet de nos recherches qui est centré sur le recueil et l’analyse de données et sur le développement d’algorithmes. Nous concevons des systèmes d’information qui gèrent les très grandes quantités de données nécessaires aux suivis des cultures et à l’étude des impacts environnementaux des pratiques agricoles. Ces données sont collectées grâce à des réseaux d'objets connectés dans les champs, souvent enterrés. Les systèmes d’information conçus par l’unité servent aussi à partager les connaissances et les retours d’expérience sur les outils pour l’agroécologie entre chercheurs, conseillers et agriculteurs. Un autre volet concerne l’optimisation d’agroéquipements existants, que ce soit sur l’épandage, le semis, l’impact des machines sur le sol ou encore les technologies de désherbage et de gestion des adventices.

Comment sont conçues toutes ces innovations ?

Nous menons des recherches théoriques au service de problématiques concrètes.

Frédéric Chabot : On expérimente ! Mais avant cela, on traduit les besoins et contraintes des agriculteurs ou des équipementiers en potentielles solutions techniques, puis on conceptualise, on modélise… et on fabrique des solutions concrètes qui peuvent prendre plusieurs formes : algorithmes, réseau de capteurs, innovations sur des machines existantes, prototypes robotiques. Et là on peut enfin expérimenter ! Première étape :  on qualifie et on quantifie les performances des agroéquipements sur des infrastructures de tests et des bancs d’essai. Ensuite, on a un terrain de jeu de 110 hectares où on peut tester grandeur nature ces solutions et les confronter à la réalité de terrain et éventuellement ajuster leurs fonctionnalités. Au sein de ces 110 hectares, notre « roboterrium », un terrain dédié à l’expérimentation en robotique, nous permet de tester la coopération entre robots, l’interaction robots-milieux naturels ou encore l’interaction entre les humains et les robots. Il est d’ailleurs indispensable que les robots que l’on développe ne présentent aucun risque pour les humains ! Ce terrain expérimental a une autre vertu : la possibilité de montrer toutes ces innovations à différents acteurs du milieu agricole : entreprises, chercheurs, conseillers et agriculteurs.  

Comment vos innovations sont-elles utilisées par le milieu agricole ?

Roland Lenain : L’unité a à cœur de produire des recherches applicables sur le terrain en développant une culture très prégnante de transfert et d’innovation. Pour cela, nous avons de nombreuses collaborations avec des acteurs socio-économiques, que ce soit à travers des projets partenariaux, des collaborations directes avec des industriels, ou la réalisation d’expertises et d’essais, ce qui représente le tiers de nos ressources. Nous sommes également impliqués dans 3 « laboratoires communs » (LabCom ANR) avec des entreprises ; et nous avons également un laboratoire partenarial associé, I-Smart, avec l’entreprise Sherpa Engineering. Tous ces dispositifs nous permettent de faire de la science d’excellence et appliquée aux problématiques des entreprises, donc des utilisateurs finaux. Résultat, de nombreuses innovations sont aujourd’hui commercialisées par des entreprises de machinisme agricole et sont déjà dans les champs. 

La robotique agricole, une voie d’avenir ?

Roland Lenain : Aujourd’hui les recherches en robotique agricole connaissent un plein essor du fait d’une demande accrue du terrain. En témoigne le lancement en 2022 du Grand défi Robotique agricole financé à hauteur de 21 millions d’euros sur 5 ans dans le cadre de France 20230. L’État a confié le pilotage du Grand défi Robotique agricole à l’association RobAgri, regroupant 85 acteurs du monde industriel, scientifique et agricole engagés dans le développement de la filière robotique française.

En 2022 toujours, nous avons inauguré l’AgroTechnoPôle, une plateforme de recherche et d’innovation qui associe entreprises et laboratoires de recherche, pour lever des verrous techniques scientifiques rencontrés par différents acteurs agricoles en associant des compétences en recherche, en ingénierie et en formation. La force de cette plateforme réside à la fois dans un mélange de compétences diverses et complémentaires mais aussi dans le fait qu’elle est au service de tous les acteurs agricoles : constructeurs, équipementiers, instituts techniques, formateurs, scientifiques.

Qui aurait pu imaginer au début des années 2000 que robotique et numérique rimeraient un jour avec agriculture agroécologique ? Un groupe d’irréductibles scientifiques, à Montoldre dans l’Allier et sur le campus universitaire des Cézeaux, près de Clermont-Ferrand, qui a su percevoir le potentiel des nouvelles technologies au service d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement. Voici leur histoire.

L’unité TSCF en bref

  • Lieux : Pôle scientifique et universitaire des Cézeaux à Aubière (63) et site de recherche et d’expérimentation de Montoldre (03)
  • 70 agents
  • 3 plateformes de recherche
  • 6 bancs d’essais
  • 12 prototypes de robots
  • 110 hectares de parcelles expérimentales 

Contacts

Roland Lenain

Directeur de l'unité TSCF

Frédéric Chabot

Directeur adjoint de l'unité TSCF

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