Agroécologie 7 min

Mêler agroécologie et résilience hydrique pour des systèmes alimentaires durables en Afrique

Comment accompagner l’engagement des territoires dans une trajectoire de développement agroécologique conciliant résilience hydrique, sécurité alimentaire et qualité nutritionnelle ? Coordonné par le Cirad et INRAE, le projet MAHDIA vise à articuler les enjeux agricoles, alimentaires, environnementaux et de santé des régions de Meknès au Maroc, Kairouan en Tunisie et Fatick au Sénégal. En association avec l’Institut national agronomique de Tunisie (INAT), l’École nationale d’agriculture de Meknès (ENAM), l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA) et l’Institut Agro Montpellier, le projet vient de recevoir un financement d’1 million d’euros du Ministère français de l’Europe et des Affaires Etrangères en France.

Publié le 18 avril 2024

illustration Mêler agroécologie et résilience hydrique pour des systèmes alimentaires durables en Afrique
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MAHDIA - Mêler Agroécologie et résilience Hydrique pour des systèmes alimentaires Durables grâce à l’Intelligence collective et à l’Accompagnement des territoires

Alors que les effets du dérèglement climatique se traduisent par des sécheresses structurelles dans de nombreux pays africains de part et d’autre du Sahel, l’agroécologie offre des réponses aux conditions de stress hydrique dans les territoires et à leurs conséquences agricoles et alimentaires.  « La transition agroécologique relie la production agricole - et ses contraintes liées à l’accès aux ressources naturelles - aux enjeux d’alimentation et de nutrition pour les consommateurs, en intégrant la notion de valorisation des produits agroécologiques », explique Sami Bouarfa, directeur adjoint du département Aqua à INRAE et co-porteur du projet.

MAHDIA a ainsi vocation à concevoir et mettre en application une démarche participative pour développer des plateformes territoriales qui rassemblent les différents acteurs des systèmes alimentaires des territoires d’application : agriculteurs, transformateurs, distributeurs, restaurateurs, autorités locales, jusqu’aux consommateurs. À cette fin, le projet s’appuiera sur la notion de « produit d’intérêt territorial » faisant le lien entre les enjeux agricoles, alimentaires, environnementaux, culturels et de santé.

Trois unités mixtes de recherche qui associent le Cirad et INRAE à Montpellier sur la gestion de l’eau, l’innovation et les systèmes alimentaires sont mobilisées (G-EAU, Innovation et MoISA). Une première selon Sami Bouarfa, « on arrive à avoir une articulation entre l’approche des systèmes alimentaires et les conditions de production. Le cadre de l’agroécologie et des sciences alimentaires nous permet de décloisonner la science, c’est essentiel pour répondre aux enjeux environnementaux, agricoles et alimentaires, ces 3 piliers de la recherche menée à INRAE. »

Un financement d’1 million d’euros sur 2 ans et demi vient d’être accordé au projet, fruit d’un travail en co-construction entre les partenaires (Maroc, Tunisie, Sénégal et France). L’Institut national agronomique de Tunisie (INAT), l’École nationale d’agriculture de Meknès (ENAM) et l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA) seront rejoints par d’autres partenaires issus des 4 pays impliqués.

Des produits d’intérêt territorial définis avec l’ensemble des acteurs, du producteur au consommateur

« Notre objectif avec MAHDIA est de lancer des activités autour de quelques produits dans une dynamique territoriale, pour avoir des prises concrètes sur les systèmes alimentaires, et plus tard élargir ce travail à d’autres produits et d’autres actions de développement de plus long terme, par exemple des labellisations, des circuits logistiques, de la commande publique. Ces produits représentent des supports de réflexion concrets pour les différents acteurs car ils disposent d’une valeur pour chacun, en tant que producteurs et consommateurs, et posent des questions de ressources en eau, d’alimentation et d’agriculture durables », explique Olivier Lepiller, coordinateur du projet et chercheur du Cirad à l’UMR MoISA de Montpellier.

Le projet associe des acteurs territoriaux comme les villes et les collectivités, ainsi que l’ensemble des acteurs des systèmes alimentaires des 4 régions concernées, centrées autour d’un bassin de consommation urbain et d’un territoire nourricier. Ensemble ils identifieront des produits clés, comme l’huile d’olive et la fève au Maghreb ou le mil et le niébé au Sénégal. « C’est un bon compromis entre l’approche filière et l’approche territoriale, en nous intéressant à un panier de produits dans une région donnée, ce qui nous permettra de réfléchir de manière systémique en allant au plus concret. », explique Sami Bouarfa.

Ces produits seront le support d’activités de valorisation socioéconomique qui pourront prendre des formes variées définies par des projets multi-acteurs, des expositions artistiques citoyennes, des programmes pédagogiques avec des écoliers ou encore des évènements festifs et culturels.

Des plateformes territoriales multi-acteurs à impact pour répondre aux attentes sociétales

MAHDIA est construit comme une véritable expérimentation sociale, avec des espaces de concertation identifiés dans chaque région afin de tester et nourrir l’idée de produit d’intérêt territorial. MAHDIA travaillera avec des acteurs qui œuvrent déjà autour des questions alimentaires, des porteurs d’initiatives existantes dans les différents pays comme l’Institut national de la consommation en Tunisie et ses « caravanes de l’alimentation » qui visent à sensibiliser les scolaires à l’alimentation transformée.

Au Sénégal, la « grande caravane » agroécologique organisée par le réseau DyTAES Dynamique pour une transition agroécologique au Sénégal – a sillonné le pays en 2019 et en 2022 afin de recueillir des avis et recommandations sur les avancées politiques en matière d’agroécologie et les problématiques rurales. Pour en savoir plus 

L’idée de MAHDIA est d’arriver à des plateformes territoriales, ces laboratoires vivants, espaces ouverts de la recherche et de l’intervention territoriale qui permettent un ancrage territorial et un lien fort aux attentes sociétales.

Pour Olivier Lepiller, « ces plateformes territoriales multi-acteurs pourraient par la suite préfigurer une instance de gouvernance multi-acteur des systèmes alimentaires à l’échelle territoriale donnant une vraie place aux consommateurs. Ceux-ci sont encore trop considérés comme passifs et non sous l’angle de leur citoyenneté et de leur pouvoir d’agir sur les systèmes alimentaires ». L’objectif est de s’appuyer sur des dispositifs existants pour faire des consommateurs un acteur politique, en continuité avec le Pacte de Milan. En octobre 2015 à Milan, à l’occasion de l’exposition universelle « Nourrir la planète, énergie pour la vie », plus de 100 villes du monde entier avaient signé le Pacte de politique alimentaire urbaine de Milan (MUFPP), un accord non contraignant pour des politiques alimentaires urbaines pour les villes, par les villes.

La méthode URBAL, qui vise à faire une évaluation participative et multi-acteur des chemins d’impact d’initiatives dans le domaine de l’alimentation durable, permettra aux parties prenantes de co-évaluer les résultats des actions menées dans MAHDIA et de s’assurer que la suite du projet soit le fruit de ce travail collectif multi-acteur.

Des dynamiques de partenariats internationaux à l’origine du projet

INRAE et Cirad développent depuis longtemps des collaborations scientifiques au Maghreb sur les sujets eau et agriculture, structurées autour du dispositif en partenariat Sirma, réseau de compétences réunissant une soixantaine de chercheurs, enseignants et doctorants autour des dynamiques des systèmes irrigués au Maghreb. Implanté en Méditerranée occidentale, son objectif est de constituer un pôle d’excellence dans le domaine de la formation et de la recherche sur les agricultures irriguées dans des situations de transitions politico-économiques au Maghreb.

Un programme prioritaire international initié sur les transitions agroécologiques sous contrainte hydrique pour des systèmes alimentaires durables a été initié par INRAE en 2019 pour y intégrer les enjeux d’alimentation. Une école-chercheurs s’est ainsi déroulée à Kairouan en Tunisie fin 2022 en association avec l’IRESA, le Cirad et l’IRD. Elle a réuni des scientifiques d’Algérie, de France, du Maroc et de Tunisie pour construire des questions de recherche interdisciplinaires à l’interface entre les 3 enjeux d’agroécologie, d’eau et d’alimentation. Elle avait pour objectif de travailler collectivement sur le concept de laboratoire d’innovation territoriale.

Le lancement de l’initiative TSARA, visant à Transformer les systèmes alimentaires et l’agriculture par une recherche en partenariat avec l’Afrique et comptant aujourd’hui 26 membres issus de 14 pays en Afrique et en Europe, a permis au projet de changer d’échelle en intégrant des partenaires du Sénégal. Un séminaire tenu à Meknès au Maroc réunissant des chercheurs et des acteurs territoriaux des 4 régions impliquées dans MAHDIA (dont des acteurs de la métropole de Montpellier) a mis en évidence une communauté d’intérêt pour relier les questions d’agroécologie et d’alimentation dans un contexte de stress hydrique à des échelles territoriales pertinentes. Ce séminaire a également fait émerger le concept de produit d’intérêt territorial pour relier ces questions via la co-construction de plateformes territoriales. Faisant face aux mêmes défis, les collègues de Tunisie, du Maroc et du Sénégal ont marqué une forte volonté de collaborer dans le cadre de la démarche MAHDIA.

Pour Sami Bouarfa, ce sont les partenaires tunisiens qui ont été les premiers à vouloir travailler sur ce lien entre agroécologie et alimentation, du fait des problématiques agricoles liées aux conditions climatiques. « Pour les partenaires français, le projet MAHDIA est également une véritable opportunité d’enrichissement scientifique sur des enjeux qui touchent la France comme le reste du monde. »

 

 

Ariane LelahRédactrice

Contacts

Sami Bouarfa Directeur adjoint du département Aqua, INRAE

Olivier Lepiller Coordinateur du projet et chercheur du Cirad

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