Entre nature et sociétés, des choix à la carte

Économiste de l’environnement, Léa Tardieu s’intéresse aux services rendus par la nature pour que les interactions entre l’humain et l’environnement soient mieux prises en compte dans les projets d’aménagement du territoire. Un domaine qu’elle explore sur fond de modélisation et de cartographie.

Publié le 19 juin 2025

© INRAE, Christophe Maitre

Chargée de recherche INRAE, Léa Tardieu se partage entre 2 structures : l’unité Information spatiale au service des territoires et de l’environnement à Montpellier et le Centre international de recherche sur l'environnement et le développement de Nogent-sur-Marne, et 3 domaines : l’économie, l’aménagement du territoire et l’écologie. Un grand écart qu’elle accomplit avec brio.

Sur quoi travaillez-vous au quotidien ?

Léa Tardieu : Mes travaux visent à mieux prendre en compte les services rendus par la nature dans les décisions d’aménagement du territoire.  L’idée est d’évaluer les pertes ou les gains sociaux qui résultent des effets des politiques ou des projets d’aménagement sur ces services écosystémiques, afin que les décideurs puissent prendre des décisions éclairées. Pour réaliser ces évaluations, je produis divers types d’indicateurs : soit biophysiques, soit de demande en m’intéressant aux préférences associées à ces services (par exemple dans le cas de services récréatifs), soit de coûts.

Et concrètement, comment cela se traduit-il ?

Léa Tardieu : J’exploite les systèmes d’informations géographiques et réalise des modélisations spatiales afin de représenter les résultats. Pour cela, je combine souvent de la cartographie de données environnementales et socioéconomiques. Celles-ci sont issues de statistiques nationales ou bien récoltées par enquêtes. Elles traduisent les besoins ou préférences des sociétés vis-à-vis des différents services écosystémiques. Je modélise aussi les préférences des individus pour la mise en place de mesures de conservation de la biodiversité, par exemple dans le cas des politiques de réduction de la pollution lumineuse. En effet, l’éclairage artificiel nocturne est aujourd’hui au cœur de nombreuses réflexions, économiques, environnementales, sociétales ou encore urbanistiques.

D’autres le diraient avec des fleurs, Léa le dit avec des cartes. « Je fais vraiment beaucoup de cartes » confie-t-elle avec un sourire amusé.

Comment vos recherches prennent-elles place dans la société ?

Léa Tardieu : Je suis en interaction constante avec les acteurs et actrices de l’aménagement du territoire ou de l’environnement, des ministères aux communes en passant par les associations ou les citoyens. L’évaluation et la cartographie des services rendus par la nature constitue un outil d’aide à la décision qui permet de définir si une politique ou un projet est efficient.

Dans le cas de la pollution lumineuse, nous accompagnons la métropole de Montpellier depuis 2021 dans la conception et le suivi de son plan lumière et ce travail constitue un exemple concret des solutions que nos travaux apportent en réponse aux enjeux sociétaux actuels.

Je suis régulièrement invitée à diffuser la méthode, l’expérience et les résultats de ces travaux dans des sphères décisionnaires, comme récemment par l’Office parlementaire des d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).

On évalue dans une perspective de choix, cela constitue un outil d’aide à la décision publique.

Et demain ?

Léa Tardieu : Nous poursuivons, avec 2 doctorantes, nos travaux sur la pollution lumineuse et sur la cartographie interactive et participative de la multifonctionnalité des sols pour les décisions d’aménagement.
Je m’investis également dans la question de la justice environnementale en lien avec les services écosystémiques et l’aménagement du territoire. Nous terminons, avec 3 collègues, un travail sur la distribution des aires d’accueil des gens du voyage et leur surexposition aux désaménités* environnementales.

Un peu de vocabulaire

Dans le domaine de l’économie urbaine et de l’environnement, une aménité désigne tous les avantages qui améliorent le bien-être humain (par ex. une bonne qualité de l’air, une température agréable, une belle vue paysagère, etc.) et la désaménité, ceux qui les détériorent (par ex. pollution de l’air, chaleur urbaine, etc.).

À l’échelle de l’Europe, je participe, avec d’autres collègues INRAE, à un projet d’envergure, BioAgora. Il a pour ambition de développer un nouveau service scientifique pour la biodiversité et de faire le lien entre les résultats de la recherche sur la biodiversité et les besoins des politiques publiques. Il s’inscrit complètement dans la transition écologique portée par le pacte vert pour l’Europe et la stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030.

L'excellence des travaux de Léa Tardieu lui a valu le Laurier INRAE Jeune chercheuse 2024.

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Catherine Foucaud-Scheunemann

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