Agroécologie 7 min
Durabilité de l’alimentation des truites : des ingrédients diversifiés et des animaux mieux adaptés
L’ajout d’ingrédients alternatifs (insectes, microalgues, levures) aux aliments d’origine végétale et l’utilisation d’une lignée sélectionnée pour ses performances de croissance avec des aliments végétaux améliorent les performances de croissance et le fonctionnement métabolique des truites arc-en-ciel en élevage.
Publié le 29 avril 2024
Mise en place de politiques de pêche responsable, demande croissante des consommateurs en produits aquatiques : le développement d'aliments durables et efficaces pour l'aquaculture, qui fournit 50 % de la consommation de poissons et crustacés, devient pressant.
Les ingrédients végétaux représentent au moins 90 % des aliments des poissons d’élevage, y compris des espèces carnivores comme la truite arc-en-ciel. Cependant, ces aliments ne sont pas encore assez performants pour garantir un juste revenu aux aquaculteurs. Ils peuvent être améliorés en sélectionnant des protéines végétales de haute qualité, ou en incluant des ingrédients alternatifs qui répondent aux besoins nutritionnels des poissons, tout en garantissant la rentabilité de l'élevage, la préservation de l'environnement et en respectant les attentes des consommateurs.
De nombreux travaux de recherche ont été menés pour évaluer l'efficacité d'une large gamme d'ingrédients alternatifs aux végétaux, depuis les ingrédients unicellulaires jusqu'aux sous-produits animaux.
L'objectif de cette étude était de tester la pertinence de l'utilisation d'un mélange de levures, de microalgues et d’insectes, pour alimenter des lignées de truites sélectionnées ou non sur leurs performances de croissance avec les régimes végétaux, avec une évaluation des performances et des effets sur le métabolisme des poissons.
Des truites arc-en-ciel ont été nourries avec différents régimes : 3 régimes à base de plantes uniquement (P1, P2, P3) et ces mêmes régimes complétés avec des insectes (I), de la spiruline (S) et de la levure (L). Ces régimes expérimentaux, à base de végétaux, ont été comparés à des régimes de type commercial comprenant des ingrédients marins* dans deux expériences distinctes. La première expérience (Expérience A) consistait à comparer au témoin commercial COM-A, l’effet de deux régimes végétaux (P1 et P2) et leur contrepartie complétée, P1ISL, P2ISL, sur une lignée non sélectionnée. La seconde expérience (Expérience B) consistait à tester un autre régime végétal (P3) et sa contrepartie complétée P3IY, comparés au témoin commercial COM-B, sur une lignée sélectionnée, adaptée à un régime à base de plantes, comparée à une lignée témoin non sélectionnée.
Dans l'expérience A, le régime complété par le mélange a permis de compenser l'altération des performances de croissance des poissons nourris avec le régime uniquement à base de plantes, en rétablissant l'indice de conversion alimentaire **.
Dans l'expérience B, la lignée sélectionnée a montré de meilleurs performances de croissance avec les régimes à base de plantes et supplémentés par rapport à la lignée non sélectionnée. L’analyse du métabolome*** plasmatique dans ces deux expériences a démontré une stabilité des niveaux relatifs des métabolites chez les poissons nourris avec des régimes à base de plantes (supplémentés ou non), avec une accumulation d'acides aminés et un taux moindre de glucose, par rapport à ceux nourris avec des régimes commerciaux.
Les deux stratégies testées ont permis d'améliorer les performances de croissance des poissons nourris avec des régimes à base de plantes, même si elles n'atteignent pas toujours celles des poissons nourris avec un régime incluant des matières premières d’origine marine. Les analyses du métabolome plasmatique mettent donc en évidence une "signature métabolique" spécifique des aliments végétaux, y compris supplémentés (accumulation d’acides aminés vs déplétion de glucose) dans le plasma par rapport aux aliments marins. La supplémentation des régimes végétaux par des mélanges d’ingrédients alternatifs, ainsi que la sélection génétique, modifient le profil des métabolites. L’hypothèse est que cette modification métabolique est liée aux altérations du fonctionnement du système digestif, notamment en lien avec le microbiote. Cela montre l’intérêt d’une analyse du métabolome plasmatique dans le cadre du développement d’une alimentation durable pour les poissons d’élevage.
*contenant farines et huiles de poissons
**Indice de conversion alimentaire : l'I.C. est le rapport entre la quantité d'aliment distribué et le gain de masse du poisson. Plus il est bas, plus le gain de masse que permet l'aliment est important.
***Le métabolome correspond à l'ensemble des métabolites (sucres, acides aminés, acides gras, etc…) retrouvés dans un échantillon biologique, et leur concentration.
Ce travail a été soutenu par le projet FUI NINAqua (Nouveaux Ingrédients pour de Nouveaux Aliments Aquacoles) et MetaboHUB. Simon Roques a été financé par "Phileo by Lesaffre" et l'ANRT.
Roques, S.; Deborde, C.; Skiba-Cassy, S.; Médale, F.; Dupont-Nivet, M.; Lefevre, F.; Bugeon, J.; Labbé, L.; Marchand, Y.; Moing, A.; Fauconneau, B., 2023. New alternative ingredients and genetic selection are the next game changers in rainbow trout nutrition: a metabolomics appraisal. Scientific Reports, 13 (1): 16 https://dx.doi.org/10.1038/s41598-023-46809-2