Pourquoi protéger les cultures ? Quelle place pour les pesticides ?

Des repères pour comprendre les raisons de l'expansion de l'utilisation de pesticides de synthèse, l'étendue de leurs impacts sur la santé globale et les stratégies pour s'affranchir de leurs usages.

Les pesticides de synthèse ont été de plus en plus utilisés à partir de la période d’après-guerre

Les ravageurs, parasites et plantes indésirables (qualifiées de « mauvaises herbes » ou d’ « adventices ») causent d’importantes pertes de récolte. Certains peuvent également compromettre la qualité sanitaire, l’aspect visuel, voire même le stockage des matières premières agricoles. Pour limiter ces dégâts, l’utilisation des pesticides a accompagné le développement de l’agriculture. Aux côtés des substances minérales, comme les formulations à base de cuivre ou de soufre employées depuis plus d’un siècle, s’est développé l’usage de pesticides de synthèse issus des innovations de l’industrie chimique.

Le Grenelle de l’environnement et les plans Ecophyto qui ont suivi ont imprimé un virage

Au fil du temps, des améliorations importantes ont été faites pour une meilleure sélectivité de ces produits, et une meilleure efficacité à des doses (grammage) plus faibles. Les pesticides  ont été de plus en plus utilisés à partir de la période d’après-guerre afin de garantir la progression des rendements et la qualité sanitaire pour alimenter les populations, avec un développement de l’agroalimentaire et des filières privilégiant les circuits longs. Mais il est désormais avéré que les pesticides ont des impacts sur les écosystèmes (eau, sol, air, biodiversité) et la santé humaine. Ceci est à l’origine de préoccupations croissantes de la société et suscite l’intérêt pour des systèmes alternatifs moins consommateurs en pesticides et engrais de synthèse : agriculture biologique, permaculture ont été des modèles précurseurs. Le Grenelle de l’environnement et les plans Ecophyto qui ont suivi ont imprimé un virage encourageant le choix de modèles de production plus durables. Les recherches montrent que l’agroécologie propose des solutions et un cadre pouvant permettre d’accompagner cette transition.

Le système, à la fois force et verrou

En même temps que notre agriculture nous permettait de retrouver une souveraineté alimentaire et devenir un pays exportateur, la population agricole s’est drastiquement réduite au profit d’autres secteurs demandeurs de main d’œuvre. Ce paradoxe apparent a été résolu par l’augmentation de la productivité du travail agricole, qui a fait appel à une mécanisation importante, à l’innovation variétale et aux pesticides et engrais de synthèse. Cette évolution s’est également traduite par une augmentation conséquente de la taille des exploitations et des parcelles agricoles. Le paysage agricole en a été transformé : le remembrement des parcelles a supprimé des haies et réduit l’habitat des auxiliaires naturels des cultures, les régions agricoles se sont spécialisées dans des productions souvent plus intensives, avec une organisation en filières depuis l’approvisionnement jusqu’à la transformation, et une séparation géographique des productions animales et végétales. Ceci révèle combien les choix techniques et l’organisation des acteurs sont liés. Il s’agit d’un élément essentiel, à la fois pour l’efficacité globale de la chaîne alimentaire, mais qui contribue aujourd’hui à une forme de verrouillage socio-technique autour d’un système prépondérant.

Cultiver et protéger sans pesticides

Quelques dates, d’hier à aujourd’hui

Pourquoi faut-il protéger les cultures ?

Une question sanitaire

IXe siècle : le « mal des ardents » se répand en Europe. Au XIIe siècle, il provoque plusieurs dizaines de milliers de morts. Le pain, nourriture de base, est alors majoritairement produit à partir de farine de seigle. En temps de disette, les plus démunis sont souvent trop affamés pour jeter le grain contaminé et toxique. L’origine de la maladie n’est identifiée qu’en 1777 : en cause l’ergot du seigle, un champignon pathogène dont la principale toxine, l’ergovaline, est un analogue du LSD.

> Aujourd'hui, les mycotoxines affectent plus de 70 % de la production agricole mondiale (sur pied ou durant le stockage). Produites par des champignons tels que les moisissures, elles peuvent avoir de graves conséquences sur la santé des animaux ou des humains qui les consomment. La fusariose sur céréales est particulièrement surveillée en France pour cette raison.

 

Sécurité alimentaire

1845 : un parasite, le mildiou de la pomme de terre, dévaste cette culture en Irlande, il s’ensuit une famine qui a entraîné la mort de plusieurs centaines de milliers de personnes et déclenché une vague d’émigration sans précédent, notamment vers les Etats-Unis. La démographie irlandaise n’est jamais revenue à son niveau d’avant la crise du mildiou.

> Aujourd'hui, la pomme de terre, aujourd’hui 4e culture vivrière au monde, reste exposée à plus de 60 parasites et ravageurs.

 

Crises dans les filières et la société

1864 : le phylloxera, un insecte qui s’attaque aux racines des vignes, se diffuse en Europe et provoque une crise viticole majeure, tous les cépages étant très sensibles. Les difficultés à trouver une parade entraînent la reconversion d’une grande partie des vignobles français et fragilisent une part importante de la population qui en vit, en désorganisant l’activité économique de plusieurs régions. La pénurie de vin laisse place à la vente de vins frelatés et marque le début de la réglementation contre les fraudes.

> Aujourd'hui, nos cépages sont greffés sur des vignes porte-greffes qui leur permettent de résister au phylloxera. Toutefois, cette culture reste l’une des plus traitées pour la protéger des attaques du mildiou et de l’oïdium. D’autres parasites causant les « maladies du bois » ne trouvent pas de parade phytochimique depuis le retrait de l’arsenite de sodium.

 

1955-70 : la chrysomèle du maïs, insecte originaire d’Amérique centrale, envahit progressivement l’Amérique du Nord, au point de devenir le principal ravageur du maïs. Dans le cas de fortes attaques, les larves de ce ravageur surnommé « l’insecte à un milliard de dollars » peuvent entraîner 80 % de perte de rendement dans les exploitations. A partir de 1992, ce ravageur est introduit en Europe où il est classé organisme de quarantaine et où son extension est étroitement surveillée.

Pertes économiques

> En avril 2020, favorisé par les conditions météorologiques, un puceron, Mysus persicae, connaît un développement spectaculaire sur les jeunes plantes de betterave sucrière en France, 1er pays producteur européen de sucre. En piquant les plants pour se nourrir, il inocule les virus de la jaunisse, ce qui compromet le développement des betteraves avec des pertes qui ont atteint 28 % de la récolte nationale. Afin de juguler ces pertes, les producteurs demandent à rétablir l’usage de néonicotinoïdes (NNI), qu’ils considèrent être le seul traitement à même de contenir une infestation de cette ampleur. Or, ces produits sont interdits depuis 2018 en France en raison de leurs impacts sur les abeilles et plus largement sur l’ensemble des insectes. Devant cet arbitrage difficile pour la société, les parties-prenantes doivent discuter pour trouver le meilleur compromis à court terme et à long terme. Un plan national de recherche et innovation pour des alternatives opérationnelles aux néonicotinoïdes contre la jaunisse de la betterave sucrière est lancé en septembre 2020, mobilisant les recherches d’INRAE et bénéficiant des avancées du projet Aker.

> Aujourd'hui, comme hier, les atteintes d’une année peuvent affecter deux récoltes successives. Par exemple, les fruits du caféier se forment sur les rameaux de l’année précédente. Les pertes de récolte dues aux maladies et ravageurs peuvent donc être primaires (réduisant la production de l’année) ou secondaires (se manifestant l’année suivante). Les premiers résultats obtenus dans le cadre d’un projet INRAE réalisé au Costa Rica permettent d’évaluer les pertes primaires à 43 % et les pertes secondaires à 37 %.

 

Pourquoi vouloir s’affranchir autant que possible des pesticides de synthèse

Atteintes à la biodiversité

En 1962, l’ouvrage de la biologiste Rachel Carson, « Silent spring » ou « Le printemps silencieux » sensibilise le grand public aux dommages causés par des pesticides de la famille chimique des organochlorés - alors largement utilisés, à mesure de leur concentration dans la chaîne alimentaire (chaque prédateur accumulant les pesticides présents dans ses proies)

Impacts of plant protection products on biodiversity and ecosystem services

> Aujourd'hui 19 pesticides « historiques » (interdits depuis de nombreuses années) sont encore présents dans les milieux marins, jusqu’à 3 000 m de profondeur pour le DDT (source Expertise scientifique collective INRAE-Ifremer). En effet, une fois répandues sur les cultures, et les espaces verts, ces substances peuvent se diffuser dans l’air, les sols et les eaux et gagner la mer et les poissons que nous consommons. Elles peuvent avoir des impacts sur les organismes de tous ces milieux. Elles se diffusent dans la chaîne alimentaire et certaines substances sont mêmes retrouvées dans le lait maternel (source INRAE).

Effets sur la santé environnementale : fonctions et services écosystémiques

Même si les substances actuelles, issues d’autres familles chimiques, sont moins toxiques et moins rémanentes (c’est à dire plus vite disparues de notre environnement) que les organochlorés, elles ont des impacts nombreux et durables sur les sols, l’eau, l’air, la biodiversité et potentiellement la santé humaine.
> Les insecticides par exemple ont un impact avéré sur le déclin des insectes, et sur les services qu’ils assurent : pollinisation, épuration, alimentation d’autres animaux.

 

 

 

Effets sur la santé publique

1962 : En Guadeloupe et en Martinique, un organochloré employé durant 20 ans, jusqu’en 1993, pour lutter contre le charançon du bananier, contamine, à des niveaux divers, plus de 90 % de la population des deux îles (étude Kannari de 2018). Le chlordécone, persistant dans les sols, contamine de nombreuses denrées alimentaires locales, animales et végétales, expliquant l’imprégnation de la population dans son ensemble.
> En 2019, l'Institut national du cancer a lancé un programme de recherche sur le lien entre exposition au chlordécone et risque de cancer de la prostate dans les Antilles. En Guadeloupe, une grande cohorte mère-enfant baptisée TIMOUN (« enfant » en créole) évalue l’impact sanitaire des expositions au chlordécone sur le déroulement de la grossesse et le développement pré- et postnatal (1 042 femmes suivies avec leurs enfants depuis leur grossesse). L’exposition prénatale au chlordécone ou postnatale via la consommation alimentaire est associée à l’âge de 7 mois à des effets négatifs sur le développement cognitif et moteur des nourrissons (source Inserm).
Par ailleurs, plusieurs cohortes sont progressivement constituées pour suivre le lien entre santé et exposition aux pesticides. Par exemple Agrican, mise en place en 2005, suit l’état de santé de 180 000 agriculteurs en France, comparés à la population générale. Elle confirme des liens entre pesticides et certains cancers en identifiant les métiers et les pratiques les plus exposés (cf volet 2).
Les travaux menés grâce à la cohorte Nutrinet Santé ont mis en évidence des corrélations entre exposition aux pesticides à travers l’alimentation et cancer du sein chez la femme ménopausée.

 

Mieux saisir les termes du débat

Mieux gérer la santé des plantes, avec des stratégies alternatives

Les pesticides qui tuent l’agresseur ou le concurrent devenu trop envahissant ne sont pas l’unique solution. Plusieurs autres leviers peuvent être mises en œuvre, avec moins d’impact sur l’environnement et la santé : rendre les plantes génétiquement résistantes, stimuler leurs défenses naturelles, réduire la pression des bioagresseurs, éviter ou circonscrire la diffusion des ravageurs et parasites, perturber leur reproduction… Pour élaborer les meilleures stratégies, il faut bien connaître la plante, ses agresseurs et ses prédateurs, et leurs interactions. Et, au final, la meilleure stratégie (efficace, respectueuse de l’environnement, durable) va souvent combiner différents leviers pour garder un temps d’avance sur les agresseurs… car ces derniers, mis en difficulté, vont aussi mobiliser leurs meilleurs atouts pour évoluer, résister, survivre et faire perdurer leur espèce ! C’est le jeu de l’évolution : à la suite d’une mutation favorable, un parasite peut contourner la résistance d’une plante, surtout si cette résistance repose sur une base génétique étroite. L’agriculteur doit alors mobiliser de nouveaux moyens pour continuer à protéger efficacement ses cultures. Et certains d’entre eux peuvent dépasser son cadre personnel d’action et d’organisation…

  • Prévenir Surveiller/Anticiper/Prophylaxie

Anticiper les attaques permet d’intervenir à petite échelle plutôt qu’à grande échelle. La mise au point d’outils de diagnostic est essentielle dans ce cadre. « Dépister, tracer, isoler » est aussi un grand principe de la protection des plantes !
L’épidémiosurveillance, réalisée en coordination avec les pouvoirs publics, permet un suivi actualisé de la diffusion sur le territoire de la présence d’un parasite ou d’un ravageur. Certains d’entre eux font l’objet de mesures de quarantaine.
Les mesures prophylactiques (« gestes barrière ») sont essentielles dans toutes les pratiques d’échange de matériel végétal et de production de semences et plants : inutile de propager en même temps virus, bactérie, champignon ou insecte hébergé dans ce matériel !
A l’échelle d’un champ, un autre levier est de réduire les stocks d’inoculum : par exemple, les graines de plantes indésirables, les œufs et larves d’insectes ravageurs ou encore les spores de champignons pathogènes présents dans le sol ou les résidus de récolte.

  • Limiter les conditions favorables au développement des organismes indésirables

L’alternance des cultures dans le temps, la diversification des cultures à l’échelle d’un territoire ou les cultures associées dans un même champ sont des solutions efficaces et durables. Sans cela, le risque est grand d’assurer dans les cultures gîte et couvert sur le long terme pour bon nombre d’organismes indésirables qui pourraient ainsi croître et faire des dégâts toujours plus coûteux à contrecarrer.
Toutes les pratiques qui permettent de décaler le cycle de la culture par rapport à celui du parasite sont utiles : par ex. choisir des variétés plus tardives ou plus précoces pour avoir un cycle décalé par rapport à un parasite associé. Ou encore, pratiquer un travail du sol intermédiaire qui fait germer les graines des espèces indésirables et les détruire de manière non chimique avant la mise en place de la culture…

  • Résister aux bioagresseurs

Développer les résistances génétiques des plantes vis-à-vis des maladies et stimuler leur immunité sont des voies sans cesse explorées. Les recherches et les travaux de sélection variétale s’attachent à construire des résistances le plus durables possibles. Pour cela, on essaie de combiner plusieurs sources de résistances. Mais un autre levier essentiel repose dans la façon d’utiliser les variétés résistantes sur le terrain : il s’agit d’optimiser l’implantation d’une variété résistante à l'échelle d'un paysage cultivé pour maintenir sa résistance durablement efficace, en évitant d’offrir des « boulevards » aux ravageurs et parasites.

  • Lutter contre les agressions et concurrences

Des moyens alternatifs peuvent être mobilisés : produits de biocontrôle, désherbage mécanique, électrique ou manuel par exemple.

  • Coopérer en s’appuyant sur les services offerts par la nature

L’environnement de la culture et la structure du paysage qui l’entoure sont particulièrement importants du fait de la biodiversité qu’ils hébergent. Ils favorisent ainsi la présence de prédateurs et parasites naturels des espèces indésirables, ouvrant la voie à l’expression des phénomènes de régulation naturelle. Par exemple, associer deux cultures laisse beaucoup moins de chances aux plantes adventices de se développer (manque d’espace). Eviter de laisser le sol nu en implantant une culture intermédiaire est aussi une option intéressante pour cela, tout en ayant d’autres vertus vis-à-vis par exemple de la rétention de nitrate ou la valorisation énergétique par méthanisation.

  • Reconcevoir en coordonnant les actions et les acteurs

La « meilleure » solution pour une protection durable des cultures est de mobiliser conjointement différents leviers, ce qui appelle souvent à une organisation commune des acteurs à l’échelle d’un territoire ou d’une filière de production, depuis la production de semences jusqu’au consommateur. La diversification, conduisant à la production de nouveaux produits agricoles, n’est possible que s’il existe une transformation agroalimentaire et un marché pour ces produits. C’est pour cela que nous parlons d’une re-conception des systèmes.

Le choix des mots

Des termes forgés à partir de deux visions, comme en témoigne leur étymologie :

Pesticides : dérivé de l’anglais « qui tuent les ravageurs/fléaux », lui-même dérivé du latin (« caedere » (tuer) et « pestis » (fléau)). Le terme désigne différentes familles de produits pour lutter contre les organismes indésirables. Ils regroupent les produits phytopharmaceutiques, les biocides et les antiparasitaires à usage humain (ex. les traitements contre les poux) et vétérinaire. Par définition ce sont des substances actives sur le vivant d’où parfois des effets non souhaités (effets sur des organismes non intentionnels) sur d’autres organismes cibles.

Produit phytopharmaceutique : produit dont l’étymologie souligne qu’il « soigne les plantes », à l’image d’un médicament. Leur usage – et plus largement celui des différentes familles de pesticides - est réglementé, via notamment l’octroi d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). Les produits phytopharmaceutiques sont définis dans la réglementation comme des préparations destinées à protéger les végétaux et les produits de culture. Selon leur cible, on parle par exemple de fongicides (contre les champignons parasites), d’insecticides (contre les insectes) ou d’herbicides (contre les plantes indésirables dans les cultures).

Aujourd'hui, ces termes ont une définition bien précise dans la réglementation (voir aussi notre lexique).

Vrai/faux

La réglementation permet à chacun d’utiliser les produits autorisés
Faux ! > tout usage ou stockage par les particuliers au jardin ou à la maison est dorénavant interdit, depuis la Loi Labbé
> les usages professionnels sont réglementés et surveillés : les réglementations françaises et européennes autorisent un usage. Les pouvoirs publics collectent des données sur l’utilisation réelle et ses impacts (cf. partie 2). Ils contrôlent l’application de la réglementation.

 

Le glyphosate, 1er herbicide utilisé en France et dans le monde, a transformé/simplifié le travail des agriculteurs, leur permettant d’exploiter des surfaces plus importantes

Vrai ! > s’en passer a aussi un coût économique, en partie en raison de la réorganisation du travail que cela occasionne pour les agriculteurs. (Voir aussi The Conversation, Pour en finir avec les pesticides, il faut aussi des agriculteurs dans les champs)
> en agriculture de conservation, le choix de ne plus travailler le sol, rendu possible grâce aux herbicides tels que le glyphosate, n’est pas un choix de facilité mais un choix fait par  l’agriculteur pour mieux protéger la vie de ses sols,  favoriser le stockage de matière organique dans les horizons superficiels du sol et économiser l’énergie liée au labour..

 

Les produits issus de l’agriculture biologique ne nécessitent aucun traitement
Faux ! > l’agriculture biologique mobilise tous les moyens dits « naturels » pour maintenir la santé de ses cultures.
> l’agriculteur bio accepte des pertes de récolte dues aux dégâts des maladies, ravageurs et mauvaises herbes souvent plus importantes qu’en agriculture conventionnelle
> malgré cela, ses cultures peuvent être exposées à des risques ou des attaques trop fortes pour ne rien faire. Il utilise alors des produits chimiques naturels, à base de cuivre ou de soufre, ou de biocontrôle pour maîtriser la situation. Tout recours à un pesticide de synthèse entraîne une sortie de la reconnaissance « agriculture biologique ».

 

 L’une des causes de l’effondrement des colonies d’abeilles est l’usage massif des pesticides (NNI en particulier)
Vrai ! > ce n’est pas la seule cause, mais c’est une cause avérée. La mortalité peut être indirecte : ex. les NNI qui désorientent l’abeille, incapable de retrouver la ruche.

 

Les pesticides peuvent se retrouver dans nos assiettes et dans l’air que nous respirons
Vrai ! > oui, c’est pour cela qu’ils sont réglementés et que les usages sont strictement encadrés
> une pharmacovigilance dédiée (phytopharmacovigilance) est assurée par l’Anses (cf. partie 2)

L’efficacité d’un pesticide est bonne une fois pour toutes
Faux ! > avec les usages massifs et répétés, on finit par sélectionner des maladies, ravageurs ou adventices résistants, sur lesquels le pesticide perd son efficacité : INRAE et l'Anses ont participé à un état des lieux mondial.
Dans le cas du glyphosate par exemple, à l’échelle mondiale : 1 cas de résistance d’adventice était rapporté en 1996, 6 de plus l’étaient entre 1996 et 2000 ; 43 de plus entre 2000 et 2005 ; 112 de plus entre 2005 et 2010 ; 105 de plus entre 2010 et 2015 ; 59 de plus entre 2015 et 2019. 51 espèces sont ainsi concernées dans 30 pays (données)

 

Lexique

Pesticide de synthèse : ce terme désigne les produits issus des innovations de l’industrie chimique, pouvant être inspirés du vivant ou créés par synthèse chimique. La molécule active (substance active) est commercialisée sous forme d’une formulation (associant des adjuvants comme des anti-mousse, diluants ou agents mouillants) qui en facilite l’application et renforce l’efficacité.

Pesticide naturel : ce sont les pesticides, pour certains employés depuis l’Antiquité, de source naturelle. Leur origine peut être minérale comme le cuivre et le soufre (fongicides), ou organique, comme la roténone (insecticide) extraite des racines de plantes tropicales.
Biocide : Les produits biocides sont des substances ou des préparations destinées à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes jugés nuisibles (champignons, bactéries, virus, rongeurs, insectes…). L’action du produit peut être chimique ou biologique (ex : utilisation de microorganismes bénéfiques). Ils sont à usages domestiques, professionnels ou industriels (source Anses).

Préparation naturelle peu préoccupante (PNPP) : les PNPP ne sont pas des produits phytopharmaceutiques en tant que tels mais ils peuvent être utilisés pour un usage phytosanitaire. Une des plus connues est le purin d’ortie. Ce sont soit des substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale non génétiquement modifiées, à usage biostimulant, soit des substances de base qui sont des substances à intérêt phytosanitaire mais dont l’utilisation principale est autre que la protection des plantes (ex : denrées alimentaires).

Produit de biocontrôle : le biocontrôle désigne l’ensemble de leviers qui protègent les plantes par des mécanismes à l’œuvre en milieu naturel. Ils comprennent les macro-organismes invertébrés (insectes, nématodes, etc.), les micro-organismes (virus, bactéries, champignons, levures, etc.) qui s’attaquent aux assaillants des cultures, les médiateurs chimiques (comme les phéromones ou les kairomones) qui vont piéger, détourner, perturber les assaillants, ainsi que les substances naturelles.
S’ajoutent à ces catégories de produits : le biocontrôle par conservation – qui consiste à promouvoir l’action des organismes auxiliaires déjà présents dans l’environnement, par des pratiques ou aménagements des parcelles ou des paysages - et le biocontrôle par acclimatation - qui vise à établir de façon pérenne un auxiliaire exotique pour réguler durablement les populations d’une espèce envahissante.

Les organismes de quarantaine sont des organismes nuisibles pour l’économie, pour leur impact sur la société et/ou l’environnement et qui ne sont pas encore présents dans la zone menacée, ou présents avec une distribution restreinte. Ils font l'objet d'une lutte officielle et le périmètre géographique concerné est la zone de quarantaine. La liste dressée par la Commission européenne en octobre 2019 inclut 20 organismes de quarantaine identifiés comme constituant une priorité absolue pour les États membres de l’UE. Parmi ceux-ci figurent la bactérie tueuse d’olivier, Xylella fastidiosa, le scarabée japonais, le longicorne asiatique, la bactérie du verdissement des agrumes ou encore la maladie des taches noires des agrumes.

La quarantaine est le confinement officiel de végétaux ou de produits végétaux soumis à la réglementation phytosanitaire, pour contrôle et recherche, ou pour inspection et/ou analyses ou traitements ultérieurs. Elle regroupe l'ensemble des activités qui visent à prévenir l'introduction et/ou la dissémination d'organismes de quarantaine ou à les combattre officiellement. On utilise des stations de quarantaine qui sont des centres officiels servant à la détention de végétaux ou produits végétaux soumis à la quarantaine.

 

Rédaction : Nicole Ladet

Pilotes scientifiques : Thierry Caquet, directeur scientifique Environnement - Christian Huyghe, directeur scientifique Agriculture - Guy Richard, directeur des Expertises, prospectives et études

Avril 2021