Agroécologie 3 min

Biocontrôle Éléments pour une protection agroécologique des cultures

PARUTION - Cet ouvrage en présente un panorama exhaustif et explique les fondements théoriques et les applications pratiques du biocontrôle.

Publié le 27 février 2020

illustration Biocontrôle Éléments pour une protection agroécologique des cultures
© INRAE

Protéger les cultures par des moyens naturels, non chimiques, est une nécessité pour la transition vers une agriculture respectueuse de l’environnement. Un effort de recherche et développement sans précédent est aujourd’hui mis en œuvre dans le domaine du biocontrôle, qui rassemble des approches basées sur l’usage d’organismes vivants et de produits d’origine biologique.

On cherche maintenant à reconstruire des équilibres biologiques à l’échelle des paysages cultivés

L’histoire du biocontrôle débute à la fin du XIXe siècle avec les premiers travaux sur la lutte biologique, qui utilise les ennemis naturels des insectes nuisibles. Puis les progrès scientifiques en écologie, en génomique, en modélisation, vont étendre les possibilités. On cherche maintenant à reconstruire des équilibres biologiques à l’échelle des paysages cultivés. En manipulant leur sens olfactif, on attire les insectes dans un piège, ou on brouille la piste qui les conduit au partenaire sexuel. En étudiant le microbiote végétal, on espère améliorer la santé des plantes. On découvre également que certaines molécules synthétisées par des microorganismes ou par des végétaux sont utilisables en biocontrôle.

Au sommaire, sept grandes parties :

La lutte biologique : bases théoriques et applications

Stimuler les régulations naturelles dans les paysages agricoles

Utilisation des microorganismes

Les biopesticides d’origine végétale

Médiateurs chimiques et lutte contre les insectes bioagresseurs

Les conditions de succès du biocontrôle et de son déploiement à large échelle

Le biocontrôle est-il une méthode de protection durable ?

Coordination éditoriale

Xavier Fauvergue est directeur de recherche à INRAE. Il travaille sur la biologie de l’invasion et les fondements théoriques de la lutte biologique.

Chargé de recherche à INRAE, Adrien Rusch est écologue et développe des projets sur la protection agroécologique du vignoble contre les arthropodes.

Chargé de recherche à INRAE et microbiologiste, Matthieu Barret étudie le rôle fonctionnel du microbiote des plantes.

Directeur de recherches à INRAE pathologiste et épidémiologiste de formation, Marc Bardin s’intéresse à l’utilisation des antagonismes microbiens pour le développement du biocontrôle.  

Agronome de formation et directrice de recherche à INRAE, Emmanuelle Jacquin-Joly travaille sur le fonctionnement et l’évolution des récepteurs olfactifs chez les insectes.

Thibaut Malausa est directeur de recherche à INRAE, spécialiste de la biologie des populations et de la lutte biologique. Il anime un consortium public-privé dédié au développement du biocontrôle.

Épidémiologiste de formation, Christian Lannou est directeur de recherche et actuellement responsable du département Santé des Plantes et Environnement à INRAE.

Editions Quae, coll. Savoir faire – 376 pages, 27 février 2020 – 35 euros

EXTRAITS

• Notre connaissance historique de l’utilisation d’extraits de plantes comme produits pesticides est fragmentaire. Nous savons cependant qu’en Europe cette pratique avait cours il y a plus de 3 000 ans dans la lutte contre des ectoparasites et pour la protection des denrées stockées (Pavela, 2016). Les fleurs de chrysanthèmes et les plantes aromatiques étaient alors les principales sources de ces extraits. Plus tard, avec le développement de l’agriculture, une plus grande diversité de pesticides botaniques a été utilisée dans la lutte contre les ravageurs des cultures. Le premier produit commercial d’origine végétale a été la nicotine. Elle fut utilisée à partir du xviie siècle contre des coléoptères du prunier. La roténone, une molécule extraite de nombreuses Fabaceae, fut également largement utilisée comme insecticide en agriculture à partir de 1850. Cependant, ces pratiques sont devenues anecdotiques au moment de la Seconde Guerre mondiale avec la découverte des pesticides issus de la chimie de synthèse. Depuis, la mise en évidence des effets non intentionnels de cette génération de pesticides nous conduit à remettre des pratiques ancestrales à l’honneur et à y trouver l’inspiration pour le développement de nouvelles méthodes ou de nouveaux produits.

Les biopesticides d’origines végétales peuvent être classés en deux catégories :

– ceux qui ne sont pas disponibles dans le commerce : c’est-à-dire des extraits directement élaborés par les agriculteurs à partir de plantes locales (...)

– les extraits produits industriellement et commercialisés comme biopesticides : ils sont nombreux mais les plus fréquents sont issus de l’assemblage de matières actives d’origines végétales avec des co-formulants.

Au début du XXIe siècle, malgré la mise en évidence des effets indésirables des pesticides de synthèse et un engouement particulier de la recherche pour la thématique des biopesticides d’origine végétale, ces derniers ne représentent que 5 % du marché des biopesticides, qui eux-mêmes ne comptent que pour 8 % du marché global des pesticides en 2014 (https://geo.data.gouv.fr/fr/, consulté le 10 octobre 2019).

(...) D’autres difficultés spécifiques aux biopesticides d’origine végétale limitent également la croissance de leur marché, telles que l’approvisionnement en matériel végétal, le processus et le rendement d’extraction, le développement de formulations très spécifiques et complexes. Autant de verrous conceptuels et techniques qui doivent être levés pour optimiser l’utilisation de ces biopesticides d’origine végétale, toujours dans une approche plus respectueuse de la santé et de l’environnement (voir le chapitre 14). Dans ce chapitre, nous décrirons chacune de ces substances actives après un bref rappel des aspects réglementaires dont elles dépendent.

Au sein d’une communauté, plusieurs types d’interaction entre organismes s’organisent sous forme de réseaux. Dans le cadre de la régulation naturelle des bioagresseurs, les réseaux qui nous intéressent principalement sont les réseaux dits « antagonistes », c’est-à-dire ceux profitant à certaines espèces au détriment des autres, par exemple les réseaux trophiques, qui incluent un ensemble de proies et de prédateurs, et les réseaux « parasitaires », qui incluent des interactions hôtes-parasitoïdes ou des interactions hôtes-pathogènes.

(...) Au sein de chaque niveau trophique, différents types d’interactions entre espèces ou entre individus de la même espèce peuvent s’établir. Tout d’abord, il peut y avoir des interactions indirectes entre espèces via des processus de compétition pour les ressources (par exemple ressource en eau, lumière, éléments minéraux, proies) qui sont des interactions négatives entre organismes. Ensuite, des interactions de type facilitation peuvent également s’établir entre organismes d’un même niveau trophique. Il s’agit là d’interactions positives bénéficiant à au moins un des deux organismes interagissant. Une illustration classique de la facilitation dans le cadre de la lutte biologique par conservation est le cas des coccinelles, qui consomment des pucerons dans la végétation, et des carabes, qui consomment une majeure partie des pucerons tombés au sol dans un champ de céréales. Les coccinelles s’attaquant aux pucerons dans la végétation et font tomber une partie des pucerons au sol lors de leur prospection, pucerons qui peuvent alors être consommés par les carabes. Dans ce cas, la somme des mortalités induites par les deux espèces d’ennemis naturels considérées séparément est inférieure à la mortalité résultant de la présence conjointe de ces deux espèces, il y a donc bien ici facilitation. Un autre motif régulièrement trouvé dans les réseaux trophiques est la prédation intra-guilde. La prédation intra-guilde correspond à la prédation d’un prédateur (ou d’un parasitoïde) par un autre prédateur, ce qui peut ainsi influencer le niveau de consommation final d’insectes phytophages. Par exemple, il a été montré que certaines conditions environnementales favorisaient le taux de prédation intra-guilde entre les oiseaux et les insectes prédateurs volant, ce qui en retour diminue le niveau de contrôle des larves de lépidoptères s’attaquant au chou (Martin et al., 2013). D’autres études ont quantifié les taux de prédation intra-guilde entre différentes espèces, notamment entre carabes et araignées, voire même entre parasitoïdes (hyperparasitisme, voir encadré 6.1), dans les paysages agricoles et ont montré que c’est un motif assez récurrent. Enfin, on note que, lorsque des individus d’une espèce donnée se prédatent entre eux, on parle de cannibalisme.

L’existence de ces différents types d’interactions entre espèces, avec des effets positifs, négatifs ou nuls sur les niveaux de régulation, explique que l’effet de la composition d’une communauté sur les niveaux de prédation n’équivaut pas nécessairement à la somme des effets individuels de chaque espèce sur un insecte ravageur. Les effets émergeant d’une communauté donnée peuvent ainsi être supérieurs, égaux ou inférieurs à la somme des effets individuels de chaque espèce. Il est donc nécessaire de quantifier ces interactions et d’identifier les caractéristiques environnementales qui les déterminent pour pouvoir in fine piloter les services de régulation naturelle dans les paysages agricoles.