Biodiversité 3 min
Le déclin des Insectes : il est urgent d’agir
[Parution] Moustiques, guêpes, criquets, mites… les insectes sont souvent des fléaux dans l’imaginaire collectif. Pourtant notre planète deviendrait singulièrement inhospitalière sans les services rendus par les abeilles et autres pollinisateurs, les bousiers et autres « recycleurs » et la nourriture que les insectes constituent pour de nombreux animaux. Dans un article publié dans les Comptes rendus de l’Académie des Sciences en janvier 2021, Hervé Jactel et ses collègues dressent un « éclairage équilibré et actualisé sur le phénomène de déclin des Insectes » et ses causes. Ils invitent à une réaction urgente pour enrayer leur déclin et proposent des solutions…
Publié le 05 février 2021
Les insectes sont de véritables ingénieurs de nos écosystèmes rappelle l’article. « L’ensemble de [leurs] services représente une valeur monétaire considérable puisqu’elle se chiffre en centaines de milliards d’euros ». En même temps, certaines espèces peuvent également causer de graves dommages aux cultures ou transporter des maladies infectant l’homme et les animaux… ce qui contribue certainement à nous rendre peu sensibles à leur disparition. Le déclin des populations d’insectes est pourtant bien attesté par de nombreuses études récentes, que cite l’article. Les auteurs pointent cependant les difficultés qui rendent actuellement ce constat difficile à chiffrer au niveau mondial par manque de méthodes standardisées et de suivis réguliers.
Premières causes du déclin : l’usage massif de pesticides et la destruction des habitats
Du côté des causes, beaucoup moins de difficultés méthodologiques à bien les cerner : en premier lieu l’usage massif de pesticides et la destruction des habitats (forêts, mares, prairies) favorables aux insectes sous l’effet de l’intensification agricole, de l’urbanisation et de l’extension des voies de communication. A cela s’ajoutent le changement climatique et les invasions biologiques qui provoquent la mort des insectes par famine, maladies ou prédation.
C’est pourquoi les auteurs invitent à une mobilisation urgente en formulant trois recommandations :
- Développer des méthodes d’évaluation quantitative et fiable du déclin de la diversité et de l’abondance des Insectes
- S’attaquer aux causes du déclin des Insectes et mieux préserver leur patrimoine naturel dans sa diversité. Le premier levier est de réduire l’utilisation de pesticides de synthèse en agriculture en commençant par bannir ceux à large spectre. Ce qui est possible en développant une gestion de la santé des plantes fondée sur une approche agroécologique où la diversité des pratiques et des espèces, de la parcelle au paysage, favorise le biocontrôle.
- Inventer une nouvelle relation de l’Homme à l’Insecte. En redécouvrant les nombreux services qu’ils nous offrent et en puisant dans leur inventivité des solutions pour le futur. Les insectes sont des sources de protéines pour l’alimentation animale et humaine, leur biologie peut inspirer des innovations à l’instar de la structure des écailles des ailes du papillon Morpho qui a permis la conception de la surface la plus hydrophobe au monde (utile pour la conception de vitres autonettoyantes)… Un monde peuplé d’insectes… un nouvel imaginaire et une sensibilisation utiles à développer dès l’enfance, plaident-ils, grâce à des programmes éducatifs dédiés, à l'instar de "Gardiens des chênes".
L’article publié dans les Comptes rendus de l'Académie des Sciences, a fait l'objet d'un avis de l'Académie des sciences.
Catherine Bastien, Cheffe du département de recherche INRAE "Ecologie et Biodiversité" rappelle que le déclin des insectes est « un enjeu majeur d’impact de l’érosion de la biodiversité sur de nombreux services écosystèmes. Les actions à développer pour limiter rapidement, voire stopper au plus tôt cette érosion sont bien dans les priorités d’INRAE2030 ».
En 2020, deux méta-analyses paraissent dans de grandes revues scientifiques, qui relativisent l’impact de l’agriculture sur l’abondance et la diversité des insectes. Dans des commentaires critiques publiés dans les mêmes revues, des chercheurs d’INRAE, du CNRS et d’autres organismes montrent que ces méta-analyses comportent des biais méthodologiques remettant en cause leurs résultats. Marion Desquilbet, co-autrice de ces contre-analyses, s’intéresse plus globalement aux relations entre l’agriculture et la biodiversité. Elle nous livre ses réflexions sur la construction des connaissances et l’apparition de controverses dans un contexte d’incertitude scientifique.