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Effets du climat sur les interactions entre arbres, insectes et prédateurs : résultats d’un projet original de sciences participatives en Europe
COMMUNIQUE DE PRESSE - Les chercheurs d’INRAE ont initié en 2018 un projet de sciences participatives intitulé « Gardiens des chênes » impliquant des écoliers, collégiens et lycéens de différents pays européens pour étudier les mécanismes de résistance des chênes aux insectes herbivores, sous différents climats . Pendant deux ans, 82 enseignants et leurs élèves, et 30 scientifiques, appliquant le même protocole, ont mesuré les dégâts causés par les insectes herbivores sur les arbres, le long d'un gradient allant de l'Espagne à la Finlande, couvrant ainsi l’aire de répartition du chêne pédonculé dans 17 pays européens. Leurs premiers résultats sont publiés le 15 février 2021 dans la revue Global Ecology and Biogeography. Ils montrent que tous les insectes herbivores ne sont pas influencés de la même manière par le climat ou les défenses des arbres.
Publié le 22 février 2021
Le changement climatique modifie profondément les relations entre les êtres vivants et donc le fonctionnement des écosystèmes. Il est indispensable de comprendre comment le climat d'aujourd'hui influence les interactions entre les êtres vivants pour anticiper ce qu'elles pourraient être dans un monde plus chaud et plus sec.
Un travail de sciences participatives original
Près de 10 000 fausses chenilles en pâte à modeler ont été installées dans près de 300 arbres puis récupérées, et plus de 9 000 feuilles collectées, tout ce matériel étant renvoyé aux chercheurs d’INRAE pour analyses.
C'est une tâche ambitieuse à laquelle chercheurs et élèves se sont attelés dans une démarche de sciences participatives en utilisant le chêne pédonculé comme espèce modèle. Pendant deux ans (2018-2019), ce sont 112 partenaires de 17 pays européens qui ont appliqué un même protocole scientifique. Ils ont ainsi mesuré les dégâts causés par les insectes herbivores sur le chêne le long d'un gradient allant de l'Espagne à la Finlande. Ils ont également cherché à comprendre si le climat modifiait la capacité des arbres à se défendre contre les attaques d'insectes, soit directement en produisant eux-mêmes des défenses chimiques, soit avec l’aide des oiseaux insectivores.
Près de 10 000 fausses chenilles en pâte à modeler ont été installées dans près de 300 arbres puis récupérées, et plus de 9 000 feuilles collectées, tout ce matériel étant renvoyé aux chercheurs d’INRAE pour analyses.
Les premiers résultats montrent que tous les insectes herbivores ne sont pas influencés de la même manière par le climat ou les défenses des arbres, et remettent en question l'idée séduisante selon laquelle la géographie pourrait être utilisée comme "laboratoire" naturel pour étudier l'effet du climat sur le fonctionnement des écosystèmes.
Une démarche questionnant une hypothèse classique en écologie
Une hypothèse classique en écologie considère que l’intensité des interactions entre les espèces augmente en fonction de la latitude, elles seraient d’autant plus intenses qu’on se rapproche de l’équateur. Ceci s’explique notamment par le climat plus stable et les températures plus élevées. Beaucoup d’études ont été menées depuis les années 60, mais les évidences s’accumulent depuis les années 2010 pour dire que ce ne serait pas si simple.
Les études précédentes examinaient soit les dégâts d’insectes herbivores le long d’un gradient géographique, soit les défenses des plantes contre les insectes. L’originalité de l’étude des chercheurs d’INRAE est la prise en compte de ces deux dimensions simultanément, mais aussi celle de la prédation (par les oiseaux) régulant l’activité des insectes herbivores, tout ceci à une grande échelle géographique.
L’autre élément pris en compte est la variable climatique : à même latitude, le fait de s’éloigner de la mer ou de monter en altitude, se traduit par une variation du climat.
Toutes les espèces ne répondent pas de la même manière au climat
A l’échelle de l’étude, les chercheurs n’ont pas mis en évidence de signal fort de la latitude ou des variables du climat sur les dégâts causés par les insectes herbivores en général. En revanche, pour certains types d’herbivores, un signal du climat apparaît clairement. Cette étude permet d’affiner la théorie sans la réfuter, du fait de la complexité et de la diversité des interactions entre plantes, herbivores et prédateurs.
Le projet se poursuit pour agréger des données sur le long terme, et évolue pour préciser les informations et caractériser la biodiversité associée au chêne : quels sont les herbivores causant les dégâts ? comment varie leur répartition le long du gradient géographique ? quels sont les oiseaux prédateurs de ces herbivores ?
Quant au volet sciences participatives, cette étude permet aux enseignants d’aborder des sujets liés à la démarche scientifique, au rapport aux théories et à la notion de controverse scientifique. Cette année, dans le cadre du projet Tree Bodyguards financé par la fondation BNP Paribas et la Maison des sciences de l'Homme en Bretagne, un travail avec des didacticiens s’engage pour mettre en place des séquences d’enseignements autour du projet pour différents niveaux (primaire, collège et lycées).
Référence Valdés-Correcher E, Moreira X, Augusto L, et al. Search for top-down and bottom-up drivers of latitudinal trends in insect herbivory in oak trees in Europe. Global Ecol Biogeogr. Volume 30 issue 3, March 2021. DOI: https://doi. org/10.1111/geb.13244 |