Identification de nouveaux modèles génétiques bovins pour l’étude d’une anomalie squelettique humaine
Des chercheurs INRAE ont identifié chez le bovin des modèles naturels uniques permettant d’étudier une anomalie génétique rare chez l’homme : la chondrodysplasie ponctuée rhizomélique (RCDP). Cette malformation squelettique sévère résulte d’un dysfonctionnement des peroxysomes (de petites structures cellulaires essentielles au métabolisme) consécutif chez l’humain à des mutations dans les gènes AGPS, FAR1, GNPAT, PEX5 ou PEX7.
Publié le 02 décembre 2025
Figure : Radiographie des membres d’un veau atteint de chondrodysplasie ou sain. Membre antérieur d’un veau atteint (A) ou sain (B), membre postérieur d’un veau atteint (C) ou sain (D). Le triangle blanc indique l’emplacement de la tubérosité du calcanéum, absente chez le veau atteint.
Un premier modèle bovin de RCDP dû à un type rare de mutation affectant GNPAT
Entre 2002 et 2020, 21 veaux Aubrac mort-nés présentant de graves anomalies squelettiques ont été signalés à l’observatoire national des anomalies bovines (ONAB). Pour en comprendre l’origine, les chercheurs ont d’abord isolé la région chromosomique impliquée dans ce défaut par cartographie génétique, puis comparé les séquences des génomes entiers de deux veaux affectés à celles de plus de 1 800 bovins sains dans cette région. Cette approche leur a permis d’identifier un variant unique dans une région non codante (intron) du gène GNPAT.
Des analyses in vitro et in vivo ont montré que cette mutation active un site d’épissage cryptique. Après la transcription de l’ADN en ARN prémessager, ce site modifié est reconnu à tort par le complexe d’épissage, ce qui conduit à la production d’un ARN messager anormal et à la perte d’une portion essentielle de la protéine GNPAT. L’exploitation de grands jeux de données de génotypes, généalogies et phénotypes a ensuite permis de repérer les animaux porteurs de ce variant délétère et de mettre en évidence une expressivité variable : certains veaux porteurs de deux copies de la mutation étaient morts-nés, tandis que d’autres survivaient quelques jours. Les porteurs d’une seule copie, supposés sains, présentaient un développement musculaire légèrement réduit.
Une découverte complétée par l’étude du gène PEX7
Une étude complémentaire chez la race Bazadaise a identifié un variant délétère récessif dans une région codante de PEX7, également associé à une forme létale de chondrodysplasie. Trois veaux Bazadaise affectés présentaient des déformations cranio-faciales et des membres raccourcis très similaires aux veaux Aubrac atteints, confirmant l’intérêt du bovin comme modèle pour explorer les anomalies peroxysomales et squelettiques de la RCDP.
Des applications pour l’élevage et la recherche
Ces découvertes ont des applications directes en sélection animale, permettant le développement de tests génétiques pour prévenir la naissance de veaux touchés. Elles mettent aussi en lumière la puissance des grands jeux de données bovins, qui permettent d’identifier des variants causaux même en dehors des régions codantes, un défi majeur dans les études humaines. L’exploitation de ces ressources permet également de documenter des effets insoupçonnés à l’état homozygote ou hétérozygote sur différents caractères phénotypiques mesurés en routine chez le bovin. Ces travaux offrent ainsi des modèles précieux pour mieux comprendre la RCDP et d’autres anomalies squelettiques rares, tout en rapprochant recherche fondamentale et applications en élevage.
Références :
Arnaud Boulling, Julien Corbeau, Cécile Grohs, Anne Barbat, Jérémy Mortier, et al.. A bovine model of rhizomelic chondrodysplasia punctata caused by a deep intronic splicing variant in the GNPAT gene. Genetics Selection Evolution, 2025, 57 (1), pp.23. ⟨10.1186/s12711-025-00969-z⟩.