Dossier revue
Agroécologie

Les sols, un objet politique complexe

Interview de Patricia Laville, chargée de mission gestion et préservation des sols à la Direction générale de la performance économique (DGPE) du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.

Publié le 27 juin 2023

Pourquoi la mise en place d’une politique globale sur les sols est-elle difficile ?

Portrait de Patricia Laville
Patricia Laville, chargée de mission gestion et préservation des sols.

Aujourd’hui, il y a des directives-cadres sur l’eau et sur l’air, mais il n’existe aucun cadre global pour la protection des sols, que ce soit au niveau national ou européen. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer. La première est que si l’eau et l’air appartiennent à tout le monde, les sols sont soumis à la propriété foncière, ce qui rend la mise en œuvre des mesures de protection plus complexe. Une complexité que l’on retrouve également dans l’organisation de l’action publique : les sols sont régis à la fois par le Code rural, le Code de l’environnement et le Code de l’urbanisme, et, côté ministères, plusieurs directions ou bureaux sont concernés suivant les sujets traités. Pour la mise en œuvre de cette directive au niveau national, il sera nécessaire de renforcer la coordination intra- et interministérielle pour que les différentes politiques soient davantage interconnectées, et encadrées, ce sujet étant par définition très transversal. Aussi, à chaque mise en place de nouvelles réglementations, on doit concilier de multiples intérêts et on se heurte souvent à des problèmes d’acceptabilité et de conflits d’usages. Et on peut le comprendre ! Les collectivités territoriales souhaitent accroître leur activité et de ce fait continuer à développer des infrastructures économiques et urbaines, conduisant à l’artificialisation des espaces naturels ou agricoles. Quant aux agriculteurs, ils sont déjà soumis à de nombreuses réglementations tout en devant contribuer à assurer la souveraineté alimentaire. Enfin, le sol est lui-même un objet complexe du fait de la diversité des situations pédoclimatiques et d’usages auxquels il est soumis.

Quelles sont les grandes lignes de la politique européenne qui se dessine ?

De ce que l’on sait, la politique européenne sera centrée sur la santé des sols. Et cela pose déjà des questions de définition. Qu’est-ce que la santé des sols ? Quels indicateurs seront mis en place ? Il y a tout un volet de cette politique qui sera justement dédié à ces définitions. Sont attendus également des éléments d’harmonisation des systèmes de surveillance.

« Les sols sont un bien commun, il est indispensable de les protéger collectivement. » Patricia Laville

Si en France la surveillance de la qualité des sols est bien développée avec la mise en place dès 2001 du groupement d’intérêt scientifique sur le sol (GIS Sol), ce n’est pas le cas pour tous les pays. S’il l’on souhaite par exemple harmoniser au niveau de l’Europe des mesures portant sur la restauration de sols pollués, il est indispensable que chaque État membre soit doté de bases d’informations équivalentes de façon à ne pas introduire de distorsion économique entre les États dans la mise en œuvre d’obligations. Ce manque d’harmonisation de l’information au niveau de l’Europe a été à l’origine de la création du Centre européen de données sur les sols (ESDAC) et de la mise en place du système de surveillance LUCAS-Sol (Land Use and Coverage Area frame Survey) permettant de mettre tous les États membres au même niveau. Cependant ce dispositif doit être encore renforcé pour permettre d’améliorer la résolution spatiale de la donnée sol.