Réponse à l'avis 17 du comité Éthique en Commun sur les sciences et recherches participatives
Réponse de Philippe Mauguin, PDG d’INRAE, d'Elisabeth Claverie de Saint Martin, présidente du Cirad, de François Houllier, président de l’Ifremer et de Valérie Verdier, présidente de l’IRD à l'avis 17 du comité Éthique en Commun sur les sciences et recherches participatives.
Publié le 13 juin 2025


"À la suite d’une saisine conjointe des présidentes et présidents d’INRAE, du Cirad, de l’Ifremer et de l’IRD, le comité Éthique en Commun a consacré son avis n°17 aux enjeux éthiques soulevés par les sciences et recherches participatives (SRP). Cette saisine s’est inscrite dans le prolongement des réflexions engagées depuis le rapport de 2016 sur les sciences participatives en France. Celui-ci avait en effet posé des jalons importants en matière de déontologie, sans toutefois approfondir les aspects proprement éthiques liés à ces démarches. Le Comité a ainsi été invité à examiner les modalités concrètes de l’inclusion des acteurs de la société civile dans la production de connaissances scientifiques. La saisine portait sur les conditions de gouvernance, de reconnaissance, de réciprocité, ainsi que sur les effets de ces pratiques sur les dynamiques de savoir, les asymétries de pouvoir et les choix d’agenda scientifique. Elle interrogeait également la légitimité des démarches participatives, la pluralité des objectifs poursuivis et les obligations découlant des risques potentiels pour les participants, dans un contexte où la recherche est appelée à répondre collectivement à des enjeux de société complexes.
Nous tenons à remercier chaleureusement les membres du comité Éthique en Commun pour la qualité, la richesse et la pertinence de son avis n°17. À travers une analyse méticuleuse, cet avis met en lumière les potentialités, les enjeux, mais aussi les tensions éthiques, épistémiques et politiques qu’engendrent les sciences et recherches participatives. Par sa réflexion approfondie, il éclaire les transformations en cours dans la manière de faire de la recherche, en soulignant combien la co-construction des savoirs engage une responsabilité partagée et suppose une vigilance éthique continue.
L’avis du Comité apporte en particulier un éclairage essentiel sur les dimensions éthiques des SRP, en soulignant que faire science ensemble n’est jamais neutre et nécessite un cadre de réflexion, de dialogue et d’action partagé. Il souligne avec justesse que les recherches participatives interpellent notre manière de concevoir les relations entre chercheurs et citoyens, entre savoirs académiques et savoirs d’expérience, entre production de connaissances et responsabilité sociale.
Nous souscrivons pleinement à la nécessité de poser des fondements solides à ces démarches, notamment par l’établissement d’accords clairs entre partenaires, la reconnaissance et la juste rétribution des contributions, et l’attention portée à la protection des participants, notamment dans les contextes sensibles ou asymétriques. Le rappel de l’importance du respect des savoirs vernaculaires et autochtones, ainsi que la vigilance face aux risques d’instrumentalisation, sont des points d’une grande justesse. Concernant le risque de fragmentation de l’agenda de la recherche développé dans l’avis sous son aspect spatial, nous souhaitons en souligner également la dimension temporelle. En effet, de nombreuses recherches participatives s’inscrivent dans des démarches orientées vers des solutions à court terme, portées par des besoins concrets et immédiats des acteurs de terrain. Cela peut, dans certains cas, se faire au détriment de recherches à visée plus fondamentale ou exploratoire, nécessitant un temps long pour produire des connaissances de rupture. Cette tension entre urgence et durée, entre applicabilité immédiate et construction patiente de savoirs, mérite selon nous d’être soulignée.
L’avis rejoint nos préoccupations sur la nécessaire évolution des dispositifs d’évaluation, de financement et d’accompagnement institutionnel afin que le monde académique prenne en compte les sciences et recherches participatives dans toutes leurs spécificités au-delà des cadres habituels de production scientifique.
Outre le fort engagement de nos chercheuses et chercheurs dans le domaine des sciences et recherches participatives, nous souhaitons rappeler que nos organismes ont développé depuis plusieurs années des dispositifs concrets destinés à les soutenir : appels à projets dédiés, dispositifs de formation, outils d’analyse d’impact, signature de la charte nationale des sciences et recherches participatives, organisation de journées de réflexion et de retour d’expériences. Nous sommes résolus à poursuivre nos investissements dans ce domaine, notamment en apportant une attention particulière aux recommandations du comité Éthique en Commun afin de faire évoluer nos pratiques et nos politiques internes.
Nous remercions une nouvelle fois les membres du Comité pour leur travail remarquable et leur contribution à faire progresser une recherche à la fois exigeante dans ses fondements scientifiques, rigoureuse dans ses méthodes, et consciente de ses responsabilités vis-à-vis de la société."