Une nouvelle biochimie au service de la santé et l’environnement

Directeur de recherche à l’unité Institut Micalis, au centre INRAE Île-de-France-Jouy-en-Josas-Antony, Olivier Berteau décrypte depuis une vingtaine d’années le fonctionnement des enzymes du microbiote. En révélant leurs mécanismes et leurs fonctions, il a à cœur de mettre ces découvertes au service d’innovations pour la santé et pour l’environnement.

Publié le 02 décembre 2025

© INRAE, Maître Christophe

Pourquoi travaillez-vous sur les enzymes ?

Olivier Berteau : Les enzymes sont des machines moléculaires qui assurent les fonctions biologiques du vivant. Elles sont impliquées, avec une efficacité remarquable, dans toutes les réactions biochimiques et sont ainsi le support de fonctions vitales, depuis les bactéries jusqu’aux humains. Je cherche à comprendre leurs rôles dans les bactéries qui nous entourent notamment au sein du microbiome humain. Ces connaissances permettent d’entrevoir et de développer leur potentiel pour une large gamme d’innovations au service de la société.

Comment élucidez-vous les fonctions des enzymes du microbiote ?

Olivier Berteau : Les enzymes que j’étudie, issues pour la plupart du microbiote, fonctionnent seulement en absence d'oxygène lorsqu’elles sont en conditions in vitro, ce qui rend leur étude difficile. Nous les produisons grâce à des bactéries, puis nous les purifions et essayons de les faire cristalliser pour révéler leur forme et en déduire leurs mécanismes et leurs fonctions. Les microcristaux de protéines que nous arrivons parfois à obtenir sont analysés par diffraction de la lumière au synchrotron SOLEIL à Saclay pour accéder à la structure de ces enzymes. Ces enzymes sont des métalloenzymes qui renferment un site métallique, à base de fer, de Soufre et parfois de cobalt par exemple. Des outils d’IA nous aident à prédire la structure et les cofacteurs qu’elles contiennent avec une bonne confiance. Mais actuellement l’IA ne permet pas de prédire les réactions que font ces protéines. C’est en combinant la physicochimie, la biologie structurale et la bioinformatique qu’on l’on arrive parfois à inférer leurs fonctions et décrypter leurs mécanismes. Les structures obtenues sont alors déposées dans une base de données internationale où elles sont revalidées.

Comment en êtes-vous venus à étudier ces enzymes ?

Olivier Berteau : J’ai un parcours multidisciplinaire avec notamment un stage post-doctoral au CEA à Grenoble où ces nouvelles métalloenzymes commençaient à être découvertes et étudiées, il y a plus de 20 ans. Au départ, on pensait qu’elles étaient rares et confinées aux milieux anaérobies. De fait, on a découvert par la suite que ces enzymes sont très répandues dans le vivant y compris chez l’être humain où elles jouent des rôles clés par exemple dans la réponse antivirale.

Science, technologie, innovation jalonnent le cheminement de ce biochimiste, tour à tour biologiste et chimiste. Après un post-doc à l’université d’agronomie de Suède puis au CEA, il est recruté à INRAE en 2005 dans l’unité Micalis où il anime une équipe, ChemSysBio, composée aujourd’hui d’une douzaine de membres.

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Plateforme d'étude anaérobie créée par Olivier et son équipe

Quelle est l’originalité de votre approche ?

Olivier Berteau : Ces enzymes émergentes assurent beaucoup de fonctions différentes mais pour les découvrir, il faut travailler en conditions contrôlées. Avec mon équipe, nous avons conçu et construit une plateforme d’étude unique pour analyser ces protéines tout en préservant leur intégrité.

Nos approches couvrent les différents aspects de leur étude depuis les analyses biochimiques jusqu’à l’étude structurale, ce qui est un vrai plus car ces enzymes sont très fragiles à manipuler.

Avant d’obtenir des résultats, beaucoup d’essais et de mise au point sont nécessaires. Pour contourner les verrous scientifiques et techniques, les apports de différentes disciplines et expertises sont souvent essentiels.

Qu’avez-vous découvert ?

Olivier Berteau : Une de nos découvertes marquantes est que ces métalloenzymes ne se contentent pas d’accélérer les réactions qu’elles catalysent, elles y prennent part. Autre singularité, nous avons démontré qu’elles sont capables de réorganiser leur site actif en cours de réaction pour faire différents types de réactions et de chimie. Cela rend la prédiction de leurs fonctions difficile même si ces métalloenzymes se ressemblent. Ainsi, nous avons identifié de nouvelles enzymes et montré qu’elles sont impliquées dans la synthèse de vitamines, métabolites, antibiotiques ou encore de peptides antimicrobiens.

Ces découvertes sont le fruit d’un travail d’équipe multidisciplinaire en collaboration avec des équipes nationales et internationales. Cette approche collective, le brassage intellectuel et humain sont très motivants et nous ont permis d’obtenir des résultats innovants, remettant parfois en question les paradigmes du domaine.

Comment intégrez-vous l’innovation dans votre démarche ?

Olivier Berteau : Je tiens à ce que les connaissances que nous obtenons soient utiles à la société. Une partie de nos moyens sont ainsi consacrés à des projets et collaborations susceptibles de déboucher sur des innovations. Par exemple la bourse que j’ai obtenue auprès du conseil européen de la recherche (ERC) pour des recherches de rupture a été complétée par deux financements « proof of concept » orientés vers l’innovation ce qui nous a permis d’initier des partenariats industriels par la suite. Nous avons déposé plusieurs brevets pour des applications dans la santé, en particulier pour des alternatives aux antibiotiques traditionnels. Mais nous explorons aussi le potentiel de ces enzymes pour développer des innovations dans le domaine de l’environnement. 

Analyse structurale de métalloenzyme au Synchrotron Soleil
Nicole Ladet

Rédactrice

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Olivier Berteau

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