Dossier web
Assurer la sécurité alimentaire dans un contexte de changement climatique
Réduire l’empreinte de l’agriculture, l’adapter aux dérèglements du climat
Publié le 07 février 2025
Comment assurer la sécurité alimentaire dans un contexte de changement climatique ?
Les changements du climat qui se manifestent par des sécheresses, canicules, inondations, tempêtes et autres événements extrêmes peuvent avoir de lourds impacts sur la production agricole, et fragiliser la sécurité alimentaire mondiale. Mais l’agriculture est aussi productrice de gaz à effet de serre qui concourent à ces dérèglements : carbone déstocké du sol et des forêts par certaines pratiques agricoles ou usages du sol, méthane issu de la digestion des ruminants, protoxyde d’azote généré par les engrais minéraux, les lisiers et fumiers...
Quelles recherches pour quelles solutions ?
Les recherches INRAE mobilisent tous les levier pour que les productions animales et végétales soient plus résilientes aux aléas climatiques, plus efficientes vis-à-vis de l’utilisation des ressources en eau et en éléments nutritifs, tout en réduisant leur empreinte sur le climat. La génétique et la génomique permettent de sélectionner les plantes et animaux les plus adaptés. Les systèmes de production, les pratiques culturales et les pratiques d’élevage favorisent le stockage du carbone dans le sol, la bonne gestion des effluents et le retour au sol d’éléments nutritifs. L’alimentation des animaux est repensée, tandis que des systèmes de cultures et d’élevage climato-intelligents font leurs preuves. La pleine efficacité de ces leviers nécessite souvent de les mettre en oeuvre conjointement avec une organisation collective à l’échelle d’un territoire.
Exemple 1 : Diversifier la gamme des légumes d’hiver

Dans les Pyrénées-Orientales, le changement climatique se traduit par des températures plus élevées, un manque d’eau plus accusé et une météo plus variable. Ses impacts sur les productions agricoles sont sévères. Pour s’adapter à ces aléas qui s’ajoutent aux aléas sanitaires et économiques, INRAE a expérimenté des modes de maraîchage plus ou moins diversifiés pour des cultures en pleine terre sous abri non chauffés, entièrement dépendantes de l’irrigation. Par exemple, une gamme variée de légumes (comme salade, blette, épinard, oignon en hiver ou légumes composant la ratatouille en été) est plantée sous le même abri en bandes longitudinales. Cela optimise l’usage du sol et allonge les délais de retour de la même espèce à plus de 4 ans. Un cycle de mélange de couverts d’interculture est pratiqué dès que la parcelle n’est pas en culture. Au-delà de l’adaptation au climat plus sec, cette diversité apporte de la résilience face aux dégâts liés aux bioagresseurs et donc sur le plan économique.
Réduire la vulnérabilité aux aléas climatiques, augmenter la résilience
Exemple 2 : Gérer collectivement la ressource en eau avec des compteurs connectés

En collaboration avec la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne, gestionnaire du bassin du Louts dans les Landes, INRAE a montré qu’en année sèche, comme 2016, 87 % des irrigants en amont de ce bassin n’épuisaient pas leur quota tandis qu’en aval, 55 % des irrigants le dépassaient. Or, selon les calculs effectués, la présence de compteurs d’eau connectés à relève automatique quotidienne, couplée à un système de bourse d’échanges d’eau, aurait permis aux producteurs en aval de bénéficier de 300 m3/ha au-delà de leur quota, soit un gain de rendement de 16 q/ha pour le maïs et une marge nette supplémentaire de 164 €/ha. Cela, sans pénaliser les irrigants en amont. En améliorant la qualité du comptage, ces compteurs permettent en outre une économie de 5 % d’eau, autrement dit le volume manquant lors des années sèches. Objectiver ainsi les bénéfices d’une gestion collective s’est révélé un réel levier d’engagement pour les agriculteurs.
Exemple 3 : Réduire les émissions de méthane des bovins par l’alimentation

Modifier la composition des rations alimentaires peut réduire la production de méthane résultant de la digestion des bovins. Les chercheurs d’INRAE ont identifié des ingrédients qui réduisent la fermentation dans le rumen et par conséquent les émissions de méthane. Par exemple, distribuer aux animaux un fourrage complémenté par un concentré riche en céréales et oléagineux permet de réduire jusqu’à 20 % les émissions de méthane. Mieux encore, des compléments alimentaires à base d’algues rouges ou des acides gras issus d’oléagineux comme le lin peuvent diminuer les émissions de méthane entérique jusqu’à 40 %. Cependant leur production représente un coût financier pour l’éleveur et n’est pas sans impact environnemental. Autant de paramètres que l’éleveur aura à intégrer dans ses choix.
Exemple 4 : Des vaches sélectionnées sur leur faible production de méthane

Des scientifiques d’INRAE ont développé des équations pronostiquant la production de méthane d’une vache donnée à partir de l’analyse de son lait. Et en combinant ces données avec les informations généalogiques et génomiques, il est possible de prédire la composante génétique concourant à la production de méthane de chaque vache. Des index qui incluent ce caractère peuvent ainsi être intégrés dans le schéma de sélection sur lequel s’appuient les éleveurs pour définir les géniteurs et les croisements à réaliser pour renouveler leurs troupeaux. D’après les chercheurs, une baisse d’environ 10 % des émissions de méthane pourrait être obtenue en 10 ans de sélection et de 30 % en 30 ans. La génétique permet également de contribuer à des premiers vêlages plus précoces, des carrières de production plus longues avec des animaux aussi productifs mais plus légers ; autant de leviers qui contribuent à réduire les émissions par kilogramme de produits animaux.
quelques chiffres
- 1 logiciel pour optimiser l’irrigation des cultures, Optirrig
- 1 application météo-climat sur mesure destinée aux agriculteurs et à leurs conseillers, AgroMetInfo, pour évaluer au quotidien les risques climatiques sur une culture et ainsi adapter les choix et itinéraires culturaux
- 4 start-up pour : modéliser l’impact des ressources en eau (Maelab), phénotyper les cultures (Hiphen), expertiser la qualité des sols (Novasol experts), optimiser les ressources agronomiques (Sol&Co)
- 1 simulateur de climat en plein champ
- expérimentations pilotes climato-intelligentes : microferme en Guadeloupe et système de production laitière en Nouvelle-Aquitaine
- -30 % en 10 ans pour les émissions de méthane par les filières bovines, c’est l’objectif de METHANE 2030, une démarche collective française pour élaborer des solutions concrètes