Un grand bol d’herbe pour les chèvres

Et si l’avenir des chèvres laitières se trouvait dans les prairies ? À l’unité expérimentale Fourrage, ruminants, environnement (FERLUS) d’INRAE, Margot Brassenx partage son quotidien avec près de 180 chèvres. C’est en suivant et en prenant soin de ses troupeaux que cette zootechnicienne fait avancer la recherche sur les élevages caprins.

Publié le 13 octobre 2025

© INRAE

Des chèvres mises au défi

À Lusignan, près de Poitiers, une symphonie de bêlements s’échappe d’une ferme pas comme les autres. Ici se déploie l’expérimentation-système Patuchev, destinée à apporter des réponses aux enjeux économiques et environnementaux auxquels font face les élevages caprins français. Aujourd’hui, la plupart des élevages caprins en France n’ont pas la capacité d’être autonomes dans l’alimentation de leurs animaux et doivent donc se fournir en matières premières à l’extérieur de la ferme, ce qui représente un coût économique mais aussi environnemental, amplifié par le fait qu’une majorité des élevages se font en bâtiment.

L’un des défis principaux est de concilier rentabilité des élevages, qualité du lait produit et pratiques plus durables issues de l’agroécologie, avec comme ligne directrice le respect du bien-être animal. Cela passe notamment par la limitation de médicaments et d’intrants dans les champs, par une plus grande autonomie alimentaire des exploitations, et par le retour des chèvres aux pâturages.

Au sein de Patuchev, une équipe d’ingénieurs et de techniciens dont fait partie Margot expérimente des modèles d’élevage qui se veulent autonomes et économes. « On se pose des questions, on essaie de trouver des réponses et on aide la filière caprine en prenant des risques que les agriculteurs ne peuvent pas toujours assumer. »

Patuchev, 3 fermes en 1

L’expérimentation Patuchev, ce sont 3 troupeaux de 60 chèvres de race alpine, chacun disposant de 10 hectares répartis entre pâturage et cultures. S’ils partagent une même exploitation, les troupeaux sont toutefois conduits de manière indépendante les uns des autres.

Les troupeaux se distinguent selon deux critères : la période de reproduction et l’alimentation. Le premier troupeau maximise l’utilisation d’herbe fraiche pâturée et suit la période de reproduction naturelle des chèvres avec une mise bas en février. Le second se nourrit également d’herbe fraîche pâturée une partie de l’année mais avec une période de naissances désaisonnée, en septembre, ce qui permet de répondre à la demande des consommateurs d’avoir du fromage toute l’année. Le dernier troupeau est quant à lui élevé entièrement en bâtiment et nourri au foin séché issu de la parcelle cultivée qui lui est allouée, avec une mise bas en septembre.

En nourrissant les chèvres d’herbe fraîche ou de foin produit sur place, l’élevage assure une certaine autonomie alimentaire tout en réduisant fortement son impact environnemental. Cela représente moins de transport pour acheminer la matière première, et permet de s’assurer que celle-ci ne contient pas d’intrants ou de résidus de pesticides. À Patuchev, les parcelles pâturées sont par exemple plantées de luzerne, riche en protéines, et de sorgho, peu gourmand en eau. La fertilisation est assurée par une association de graminées et de légumineuses permettant de se passer totalement de pesticides et d’engrais minéral azoté.

Afin de suivre l’évolution et les performances de ces différents modèles d’élevage, Margot et ses collègues collectent toutes sortes de données : composition et qualité des prairies, quantités d’aliments ingérées, qualité et quantité de lait produit, pesées hebdomadaires et contrôles de santé des chèvres…

Patuchev ouvre le champ des possibles

Depuis son lancement en 2013, Patuchev a atteint l’ensemble des objectifs initiaux fixés, et ce pour les 3 systèmes d’élevages testés. Les 3 modèles produisent du lait de haute valeur nutritionnelle et en quantité presque équivalentes. Il existe donc de nombreuses typologies d’élevage réalisables et efficaces.

Si Patuchev n’a pas l’ambition de désigner un modèle comme meilleur qu’un autre, sa réussite aura toutefois été de démontrer qu’une exploitation de chèvres laitières élevées en extérieur et nourries exclusivement à l’herbe pâturée est possible, viable et rentable.

Grâce à ces recherches et au travail de Margot et de ses collègues, l’unité expérimentale transmet régulièrement données et pistes concrètes pour aider la filière caprine à adapter ses pratiques aux enjeux actuels et au changement climatique. 

Déborah Bourgeau / Valérie Goulette

Direction de la communication

Contacts

Hugues Caillat

Coordinateur expérimentation-système Patuchev

Unité Expérimentale Fourrages, Ruminants et Environnement (FERLUS)

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