Agroécologie 3 min

Les sols urbains sont-ils cultivables ?

L’objet de cet ouvrage est d’inviter à débattre des connaissances, des enjeux et des orientations techniques relatifs aux sols (péri)urbains. Une réflexion qui ne peut se mener qu’à la croisée de différentes disciplines et par l’échange avec les diverses parties en présence : associations, jardiniers, gestionnaires, chercheurs...

Publié le 29 octobre 2020

illustration Les sols urbains sont-ils cultivables ?
© INRAE

Nous le savons, le jardinage collectif au sein des villes se développe. Or, paradoxalement, les potentialités agronomiques des sols urbains ou péri-urbains, ainsi que leurs propriétés physico-chimiques, sont encore largement inconnues. La localisation des jardins suscite des interrogations en termes de risques sanitaires puisque nombre d’entre eux sont implantés sur des délaissés urbains, des friches industrielles ou le long d’infrastructures routières ou ferroviaires. 

Dans ce contexte, l’encouragement de certains acteurs à utiliser les sols (péri)urbains pour des usages alimentaires ou récréatifs pose avec acuité la question de la qualité de ces sols. La vérification de la compatibilité de l’état des milieux avec leurs usages devient alors une nécessité en vue de limiter les dangers environnementaux et sanitaires. 

Cet ouvrage collectif résulte d’une manifestation organisée par le groupe de travail « Risques liés aux jardins collectifs et privatifs urbains », l’Agence d’écologie urbaine de la ville de Paris, les UMR SAD-APT et ECOSYS d’INRAE, le LabEx BASC, le projet POLLUSOLS et la fédération FIRE, le 13 mai 2019 à la Maison des acteurs du Paris durable.

Coordination éditoriale

Christian Mougin est Directeur de recherche à INRAE de Versailles en écologie et écotoxicologie des agroécosytèmes

Francis Douay est chercheur en science du sol au LGCgE ULR 4515. Il anime une équipe qui étudie le fonctionnement des sols contaminés par les activités humaines.

Marine Canavèse est doctorante en sociologie au Centre Max Weber à l'université Lumière Lyon 2.

Thierry Lebeau est professeur à l’université de Nantes en microbiologie de l’environnement et phytotechnologies des sols pollués.

Élisabeth Rémy est sociologue à INRAE, UMR SADAPT. Ses recherches portent sur les controverses et les risques liés aux sols (péri)urbains.

Editions Quae – coll. Matière à débattre et décider, 231 pages, 29 octobre 2020 – 30 euros

 

EXTRAITS

• Au-delà du cadre des jardins, une notion a envahi la scène médiatique, celle d’« agricul- ture urbaine » (AU). (...) Elle cherche à regrouper des entités totalement différentes, par exemple un container déconnecté du sol, qui produit des fraises toute l’année dans des conditions contrôlées, et un jardin partagé prônant la permaculture, qui met en avant le lien avec la terre. Elle met sur le même plan des jardins « où l’on consomme ce qui vient » et des start-up portées par la productivité nourrie aux technologies 2.0 et par la recherche de profits. Alors que nombre de citadins souhaitent retisser un lien avec la terre, l’AU a plutôt tendance à s’en éloigner avec la création d’univers souvent artificialisés (cultures hors-sol, toits potagers). Elle pourrait même participer à la destruction de terres (péri)urbaines (construction d’immeubles avec toit potager en lieu et place de ces terres agricoles) ou contribuer à détruire une végétation spontanée au profit de systèmes de productions dits « contrôlés ». On le voit bien, les motifs de controverses sont nombreux.

 (...) Pourquoi ces sols sont-ils si difficiles à gérer ? Les sols (péri)urbains sont des milieux complexes qui peuvent présenter, de par leur histoire et/ou leur environnement passé et actuel, des qualités agronomiques potentiellement médiocres, sans compter les risques environnementaux et sanitaires qu’ils peuvent engendrer. Ils peuvent en effet être le réceptacle de déchets et de contaminants variés en lien avec les activités humaines : héritage de friches ou d’activités industrielles, décharges sauvages ou non, remblais, apports d’eaux usées ou d’amendements contaminés, surdosage en produits phyto-pharmaceutiques, retombées de pollutions aériennes diffuses (émissions industrielles en lien avec le transport routier, le chauffage urbain, etc.). En outre, les sols urbains présentent une forte hétérogénéité, et donc une qualité très variable, parfois à des échelles métriques. Pourtant, ils sont, depuis les années 2000, de plus en plus utilisés à des fins récréatives ou alimentaires. Les gestionnaires et les collectivités sont fréquemment sollicités pour créer de nouveaux jardins collectifs. Certains usagers se posent des questions sur la qualité des milieux ainsi fréquentés et des produits cultivés en milieux (péri)urbains.

• L’utilisation de certains sols nécessite donc une éducation populaire éclairée par les sciences biotechniques et les sciences humaines et sociales. La science participative regroupant jardiniers citoyens, scientifiques et responsables de collectivités sur du fon- cier public peut être un moyen d’éducation populaire exigeant. Les scientifiques mettront à disposition leurs outils de mesure et d’interprétation au service des jardiniers citoyens et des collectivités. Celles-ci s’engageront à respecter la transparence et à partager des informations. Dans le Val-de-Marne, des restitutions associant jardiniers et scientifiques ont déjà eu lieu et des « ateliers sols », associant scientifiques, jardiniers et collectivités départementales sont prévus. Ces ateliers consistent à faire des prélèvements de sols en présence de tous et à partager les résultats.

 

 

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