Se sentir bien empêcherait-il de sentir le danger ?

Chez les moutons, l’odorat a un rôle prépondérant sur les réponses comportementales des animaux aux conditions environnementales. Une étude menée sur des brebis par des chercheurs de l’UMR PRC et du ZooParc de Beauval a montré qu’en présence d’odeurs agréables (orange) ou menaçantes (loup, cadavérine), leurs réactions étaient différentes en présence ou non de congénères et d’aliments.

Publié le 03 décembre 2025

© INRAE

Chez les moutons, l’odorat est un véritable guide. Dès la naissance, l’agneau identifie sa mère grâce à son odeur. Plus tard, il distinguera ses congénères au sein du troupeau ou reconnaîtra les aliments sûrs à consommer. Certaines odeurs, comme celle d’orange, peuvent même rendre une nourriture plus appétissante. À l’inverse, les odeurs de prédateurs (chien, loup, …) sont répulsives.

Les chercheurs ont voulu vérifier si ces odeurs avaient les mêmes effets (peur, attirance, dégoût), dans un contexte « positif », limitant le stress, caractérisé par la présence d’autres brebis et un accès à la nourriture.

Trente brebis adultes de race Ile-de France, à l’histoire de vie identique, ont été testées individuellement dans un couloir où elles pouvaient à la fois voir des congénères et accéder à de la nourriture (granulés). Trois odeurs ont été présentées sur un tampon de coton placé dans une boîte transparente contenant aussi la nourriture :

  • De l’huile essentielle d’orange, supposée agréable ;
  • Des crottes de loup, censées provoquer la peur ;
  • De la cadavérine, molécule caractéristique de la décomposition des corps, censée provoquer du dégoût.

L’ordre de passage des animaux a été déterminé après une phase d’habituation, afin d’éviter tout stress lié à la manipulation. Les animaux ont été testés dans le même ordre à chaque expérimentation, en tenant compte de leur capturabilité et/ou personnalité. 
Chaque brebis a été filmée pendant cinq minutes afin d’analyser son comportement : temps passé à manger, proximité avec les congénères, exploration de la boîte contenant l’odeur, nombre de vocalisations, etc.

Le comportement des brebis n’a pas toujours été celui attendu :

1. L’odeur d’orange, ni vraiment attirante, ni repoussante.
Contrairement aux attentes, l’huile essentielle d’orange n’a pas déclenché de comportement particulier. Les brebis mangeaient normalement, sans montrer d’intérêt particulier pour la source de l’odeur. Les chercheurs pensent que les autres éléments positifs de l’environnement (nourriture disponible et présence de congénères) ont pu masquer l’effet appétant de l’odeur d’orange.

2. Les crottes de loup, discrètement répulsives.
L’odeur de loup a bien eu un effet négatif, mais modéré. Les brebis ont passé moins de temps près de la nourriture et ont mangé moins. Cependant, elles n’ont pas montré de signes clairs de stress ou de peur : peu de vocalisations, pas de fuite ni d’agitation. Leur attention semblait simplement diminuée.

3. La cadavérine, une surprise.
Cette molécule liée à la mort n’a provoqué ni peur, ni évitement. Seules deux brebis ont eu des réactions de haut-le-cœur, signe possible de dégoût. Les autres ont mangé normalement.

Un équilibre entre plaisir et prudence

Les résultats suggèrent que les brebis arbitrent constamment entre plaisir et prudence. Comme chez l’humain, les émotions animales dépendent du contexte et de la personnalité : certaines brebis étaient très attirées par la nourriture, d’autres davantage par le groupe social.

Dans tous les cas, la présence de nourriture appétissante et de congénères apaisants semble réduire l’attention portée aux odeurs « menaçantes ».

Des résultats qui questionnent sur l’intérêt du recours aux odeurs en élevage

Mieux comprendre comment les odeurs influencent les comportements des animaux d’élevage pourrait aider à améliorer leur bien-être. Par exemple, on pourrait diffuser certaines odeurs pour réduire le stress pendant la tonte ou le transport. Mais cette étude montre que la réaction à une odeur est subtile et dépend d’autres éléments de l’environnement : une odeur agréable n’aura pas forcément d’impact si l’animal est déjà détendu.

Cette étude met en évidence l'interaction complexe entre les facteurs sociaux, alimentaires et environnementaux dans le déclenchement des émotions des moutons par des stimuli olfactifs, soulignant l'importance du contexte et de la variabilité individuelle. Elle invite à la prudence dans l'utilisation des odeurs pour induire des émotions positives (ou éviter des émotions négatives) et suggère que les ressources sociales et alimentaires sont peut-être des leviers plus efficaces pour diminuer le stress face à un risque tel que la prédation. Une étude spécifique séparant l’effet de la nourriture de celui des congénères permettrait de valider l’hypothèse suggérée par ce travail.

Références : Achin, I.; Parias, C.; Morisse, M.; Mulot, B.; Lefort, G.; Love, S.A.; Chaillou, E., 2025. Are olfactory stimuli able to induce emotional responses in a positive context in ewes? Animal, 19 (10): 10. https://doi.org/10.1016/j.animal.2025.101611

Short note FC3R décrivant le dispositif expérimental : https://hal.science/hal-05264012 

Sylvie André

Communication département Phase

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