Alimentation, santé globale

Lutter contre l’obésité avec des fibres

ARTiCLE REDIGE AVEC THE CONVERSATION - Au niveau mondial, l’obésité a triplé depuis 1975. Parmi les repères nutritionnels et les objectifs du PNNS, il est recommandé d’augmenter la part des fibres dans notre alimentation pour prévenir l’occurence de l’obésité et des pathologies associées mais aussi pour lutter contre l’obésité installée. Cela passe notamment par une augmentation de l’ingestion de fruits et légumes, de céréales complètes ou de légumineuses par exemple. Les chercheurs ont mis au point un pain enrichi en fibres fermentescibles potentiellement capable d’augmenter la sensibilité à l’insuline et donc limiter le développement du diabète. Ce pain pourrait être recommandé pour les personnes en surpoids afin qu’elles puissent, sans régime amaigrissant, éviter de prendre du poids.

Publié le 06 septembre 2024

illustration Lutter contre l’obésité avec des fibres
© INRAE

Au niveau mondial, l’obésité a triplé depuis 1975. Selon les derniers chiffres de l’organisation mondiale de la santé, presque 2 milliards d’adultes étaient en surpoids ou obèses, et parmi eux, 650 millions obèses – soit 13 % de la population mondiale. Un surpoids est défini par un indice de masse corporel (IMC) compris entre 25 et 30, une obésité lorsque ce dernier dépasse 30.

En 2020, la prévalence de surpoids et de l’obésité est de 47,3 % dans la population française (17 % de personnes obèses), avec une tendance à la hausse. Du fait que l’occurrence de nombreuses pathologies chroniques est plus élevée chez des populations obèses ou en surpoids (diabète de type 2, pathologies cardiovasculaires…), de nombreuses politiques publiques se sont mises en place pour enrayer cette augmentation constante de l’obésité et du surpoids, notamment le PNNS (Programme national nutrition santé en France).

Parmi les repères nutritionnels et les objectifs du PNNS, il est recommandé d’augmenter la part des fibres dans notre alimentation pour prévenir l’occurence de l’obésité et des pathologies associées mais aussi pour lutter contre l’obésité installée. Cela passe notamment par une augmentation de l’ingestion des fruits et légumes, des céréales complètes ou des légumineuses par exemple.

En effet, il existe un écart important entre la consommation de fibres alimentaires dans la population française et les recommandations du PNNS (30 g). Or, une consommation accrue de fibres alimentaires est connue pour être inversement corrélée avec la prévalence des pathologies chroniques associées à l’obésité.

 

Du pain enrichi en fibres fermentescibles

L’augmentation de l’ingestion de fibres, en particulier fermentescibles (celles dégradées par le microbiote intestinal) ont montré, dans des études cliniques contrôlées, un effet bénéfique sur l’insulino-sensibilité et donc la diminution de l’apparition du diabète et des pathologies cardiovasculaires. Les fibres fermentescibles sont présentes dans les légumineuses, les céréales complètes, les fruits et les graines en particulier.

Pour corriger cette déficience, nous avons mis au point un pain enrichi en fibres fermentescibles potentiellement capable d’augmenter la sensibilité à l’insuline et donc limiter le développement du diabète. Un mélange de fibres fermentescibles a été développé sur une base de 20 % d’inuline, 20 % de pectine et 60 % d’amidon résistant.

Ainsi, la consommation de 250 g (soit environ une baguette) de ce pain apporte 25 g de fibres et permet d’atteindre, voire de dépasser, les recommandations du PNNS dans le cadre d’une alimentation saine.

Nous avons testé ce pain sur un modèle animal en cours de développement de l’obésité et nous sommes intéressés à la courbe de prise de poids des animaux en présence ou non du pain enrichi en fibre. Nous avons par ailleurs montré des effets métaboliques intéressants de ce pain enrichi en fibres sur le métabolisme de muscle et en particulier sur son métabolisme énergétique.

Nous avons utilisé comme modèle animal le mini porc, car ce dernier présente la particularité d’être relativement proche de l’humain du point de vue de la taille, la physiologie digestive, la composition de son microbiote intestinal et surtout de la réponse de nombreux paramètres physio-métaboliques à la surnutrition et à l’obésité.

Des résultats prometteurs chez l’animal

Ces mini porcs sont ainsi nourris afin qu’ils développent de l’obésité : ingestion de 800 g d’un régime enrichi en graisse et sucre (apport énergétique largement supérieur à leurs besoins). Les mini porcs reçoivent de plus : soit 250 g de pain à base d’une farine raffinée pauvre en fibres, celle que l’on retrouve dans les baguettes blanches (T = Témoin) soit 250 g d’un pain enrichi en fibres fermentescibles (F = Fibres).

Les fibres fermentescibles ont été choisies, car elles sont dégradées dans le colon par le microbiote intestinal, générant des molécules appelées acides gras à chaînes courtes (butyrate et propionate en particulier) connues pour avoir des effets bénéfiques sur la santé, en particulier sur la santé métabolique et la sensibilité à l’insuline. Nous avons choisi un mélange de fibres pour permettre la synthèse d’une grande variété d’acides gras à chaînes courtes.

Le pain enrichi en fibres a permis de limiter la prise de poids induite par le régime riche en graisse et sucre (-15 % de prise de poids chez les animaux F relativement à T). Ceci s’est également traduit par un moindre stockage des graisses dans leur foie. Par ailleurs, les fibres fermentescibles présentes dans le pain des animaux F ont aussi permis de stimuler, dans le muscle, l’expression de nombreux gènes impliqués dans la dégradation complète des acides gras (graisses) ainsi que dans l’activité mitochondriale (la centrale énergétique de nos cellules). En plus des enzymes impliquées directement dans la dégradation et l’utilisation des lipides dans les mitochondries, l’expression génique de nombreux facteurs de régulation des activités mitochondriales est également augmentée chez les animaux F, suggérant là encore une limitation du stockage des graisses et une augmentation de leur utilisation.

Parmi les éléments pouvant expliquer l’effet des fibres fermentescibles sur l’utilisation des graisses à des fins d’oxydation plutôt que de stockage dans le muscle, nous supposons l’action des acides gras à chaînes courtes (butyrate et propionate) connus pour limiter le diabète et augmenter l’insulino-sensibilité. En effet, sur ces mêmes animaux, nous avons vu, une augmentation du butyrate et du propionate dans les fécès ainsi que dans le sang émis par l’intestin en veine porte chez les animaux ayant eu le pain supplémenté en fibres fermentescibles. Par ailleurs, une augmentation de l’expression de récepteurs de ces mêmes acides gras dans le colon a également été montrée, suggérant une augmentation de la sensibilité des animaux supplémentés en fibres vis-à-vis acides gras à chaînes coutes.

L’ingestion de quantités raisonnables de pain enrichi en fibres fermentescibles est donc un moyen efficace de se rapprocher des apports recommandés en fibres par le PNNS, mais aussi de limiter la prise de poids en favorisant le catabolisme musculaire des lipides. Les effets de la supplémentation en fibres ne se limitent donc pas à la prise de poids mais ont des effets majeurs sur l’utilisation des lipides dans l’organisme, en particulier au niveau musculaire. Ce pain pourrait être recommandé pour les personnes en surpoids afin qu’elles puissent, sans régime amaigrissant, éviter de prendre du poids. La mise à disposition de ce type de pain pourrait également limiter l’arrivée de perturbations métaboliques associées à l’obésité comme le développement de l’insulino-résistance puis du diabète sur le long terme.

Contacts

Le centre

Le département

En savoir plus

Alimentation, santé globale

Diabète et obésité : disparition du détecteur du glucose au niveau de l’abdomen

COMMUNIQUE DE PRESSE - Détecter en continu le taux de glucose dans le sang est vital à l‘organisme pour qu’il anticipe les hypoglycémies et limite les hyperglycémies qui sont toutes les deux néfastes, en particulier au cours du diabète. Deux capteurs existent chez les mammifères : un au niveau du cerveau et l’autre au niveau de l’abdomen. Grâce à une méthodologie d’imagerie innovante, INRAE et l’Université Adélaïde (Australie) ont, pour la première fois, réussi à quantifier l’activité du capteur de glucose au niveau de l’abdomen chez l’animal et l’Homme. Leurs résultats, publiés dans trois articles, montrent la disparition de ce capteur au cours de l’obésité. Leur étude ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques visant à la restauration de ce capteur pour prévenir des conséquences néfastes de l’obésité comme l’installation d’un diabète de type II.

26 octobre 2020

Alimentation, santé globale

Obésité : vers une piste préventive du diabète de type 2

COMMUNIQUE DE PRESSE - L’une des conséquences pathologiques les plus graves de l’obésité morbide reste le développement d’un diabète de type 2. Ce dernier est lui-même la conséquence d’une perte de la sensibilité à l’insuline des tissus.En couplant des solutions innovantes de chirurgie par coelioscopie, de micro-électronique et d’imagerie de pointe, les chercheurs de l’Inra, en collaboration avec la société AXONIC, ont développé chez un modèle animal une alternative à la chirurgie bariatrique, pratique lourde et irréversible, visant à rétablir la sensibilité à l’insuline. Cette stratégie thérapeutique met en œuvre la stimulation électrique du nerf vague au niveau de l’abdomen, et ouvre de prometteuses perspectives en termes de prévention du diabète de type 2.

04 mars 2020