Un langage plus complexe que prévu à l’œuvre dans la plus ancienne symbiose terrestre

COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Il y a près d’un demi-milliard d’années, les premières plantes terrestres établissaient des liens étroits avec les champignons. Une équipe de scientifiques français, impliquant le Laboratoire de recherche en sciences végétales (LRSV – CNRS/Toulouse INP/UT) et le Laboratoire des interactions plantes-microbes-environnement (LIPME – CNRS/INRAE), s’est intéressée à une plante particulière de la famille des bryophytes. Celle-ci dévoile de nouveaux détails sur cette symbiose ancestrale. Leurs résultats ont été publiés dans Proceedings of the national academy of sciences, le 11 juin.

Publié le 25 juin 2025

© Lasma Artmane, depuis unsplash.com

Il y a environ 450 millions d’années, les plantes ont commencé à coloniser la terre ferme grâce à une alliance avec les champignons microscopiques. Cette association, la mycorhize à arbuscules, fonctionne comme un échange de bons procédés : les champignons aident les plantes à absorber les minéraux du sol – comme le phosphore – tandis que les plantes fournissent aux champignons des sucres et lipides qu’elles produisent par photosynthèse.

Pour que cette symbiose à bénéfice réciproque fonctionne, les plantes doivent reconnaître les signaux moléculaires que les champignons produisent. Ces molécules sont en quelque sorte des cartes d’identité chimiques que les plantes lisent grâce à des récepteurs à la surface de leurs cellules. Leur étude est dès lors essentielle pour décrypter le fonctionnement précis de cette interaction.

Or, « les plantes habituellement utilisées pour ces recherches, sont des plantes à fleurs et possèdent jusqu’à 22 récepteurs différents », détaille Malick Mbengue, maître de conférences à l’Université de Toulouse au sein du LRSV. « Leur grand nombre rend l’analyse compliquée. Lorsque l’on en supprime un, les autres pourraient compenser sa fonction, ce qui masque son rôle réel. »

Pour contourner ce problème, les scientifiques se sont orientés sur une famille particulière de plantes beaucoup moins étudiée : les bryophytes, et plus précisément l’espèce Marchantia paleacea. Cette plante ne possède que quatre récepteurs d’intérêt (identifiés à ce jour) potentiellement importants pour la symbiose avec ces champignons.

« Nous avons rapidement pu identifier le rôle essentiel de l’un de ces récepteurs », souligne Ève Teyssier, doctorante à l’Université de Toulouse dans le même laboratoire. Elle et ses collègues ont utilisé des techniques de génétique inverse pour "désactiver" sélectivement chaque récepteur. Ce travail minutieux révèle qu'un seul récepteur, MpaLYKa, s'avère indispensable pour former la mycorhize et donc, sans lui, aucune association avec les champignons n'est possible.

Photo d’un champignon symbiotique se développant dans une cellule de Marchantia paleacea. Le champignon est visible sur cette image en microscopie de fluorescence en vert, et la paroi de la cellule végétale en rouge © Ève Teyssier

Les auteurs ont toutefois été surpris par le rôle d’un autre de ces récepteurs, MpaLYR. Des tests de liaison moléculaire menés par David Landry et Benoit Lefebvre du LIPME ont permis d'identifier précisément ce récepteur comme celui capable de détecter les signaux chimiques connus (chitine et dérivés) émis par les champignons. Ces signaux étaient suspectés depuis longtemps d’être cruciaux pour l’établissement de cette symbiose. Cependant, ce récepteur n’est pas essentiel à la symbiose.

« Si les plantes ne détectent pas les champignons uniquement via la chitine, quels sont alors les signaux additionnels à l’œuvre ? », interroge la doctorante. L’étude contribue à une vision plus nuancée du dialogue entre plantes et champignons symbiotiques, suggérant que les mécanismes de reconnaissance entre partenaires sont à la fois anciens, plus diversifiés et plus complexes que ce que l'on croyait jusqu'à présent. D’autres langages chimiques entre végétaux et champignons sont sans doute encore à découvrir et à déchiffrer.

Référence :

E. Teyssier, S. Grat, D. Landry, M. Ouradou, M.K. Rich, S. Fort, J. Keller, B. Lefebvre, P. Delaux, & M. Mbengue, A plant Lysin Motif Receptor-Like Kinase plays an ancestral function in mycorrhiza, Proc. Natl. Acad. Sci. U.S.A. 122 (24) e2426063122

https://doi.org/10.1073/pnas.2426063122 (2025)

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