Bioéconomie Temps de lecture 5 min
Une bourse ERC pour comprendre pourquoi les champignons oxydent les glucides de leur paroi cellulaire
Ingénieux, les champignons filamenteux ont la capacité de faire évoluer la composition chimique de leur paroi cellulaire pour prospérer et s’adapter à différents facteurs environnementaux. Pour explorer plus avant ces mécanismes et leurs fonctions biologiques, Bastien Bissaro, chercheur INRAE, reçoit une bourse Consolidator Grant du Conseil européen de la recherche. Son projet FOX s’intéressera plus particulièrement aux enzymes responsables de l’oxydation des glucides de la paroi cellulaire fongique.
Publié le 09 décembre 2025
Biochimiste de formation, Bastien Bissaro s’intéresse depuis longtemps aux enzymes des champignons filamenteux et à leur capacité à dégrader la matière, qu’elle soit naturelle comme la matière organique ou générée par l’être humain, comme les plastiques.
Le vaste monde des champignons filamenteux
Les champignons filamenteux ont la particularité de se développer en de longs filaments qui s’entrelacent pour former un réseau, appelé mycélium. Ils occupent une grande diversité de niches écologiques et remplissent de nombreuses fonctions : pathogènes, ils provoquent des maladies ; saprotrophes, ils contribuent au recyclage de la matière ; symbiotiques, ils vivent en associations bénéfiques avec d’autres organismes, comme les racines des plantes. Leurs capacités biologiques ont également été dérivées au profit d’applications biotechnologiques portées par l’homme (production d’enzymes, création de matériaux biosourcés, bioremédiation…).
FOX, comprendre pourquoi les champignons filamenteux oxydent leurs glucides
Les champignons filamenteux ont la particularité de secréter dans le milieu extérieur des enzymes capables de dégrader la matière puis d’ingérer les produits de cette dégradation. Leur paroi cellulaire, riche en glucides, leur confère des propriétés de résistance et d’adaptation, qu’ils soient pathogènes, saprotrophes ou symbiontes.
Au cours de leurs travaux, Bastien Bissaro et son équipe ont observé que certaines enzymes, les oxydases, secrétées par les champignons ciblent non pas la matière exogène mais le champignon lui-même, oxydant les glucides de sa propre paroi cellulaire. Ces processus d’oxydation pourraient jouer un rôle clé dans la capacité des champignons à résister ou à s’adapter.
Une hypothèse que le projet « FOX – Why do fungi oxidise their cell wall carbohydrates ? » investiguera dans la perspective d’évaluer l’étendue de ce phénomène, en expliquer les mécanismes et en dévoiler les fonctions.
Bastien Bissaro travaillera sur un champignon filamenteux pathogène modèle, Ustilago maydis, aussi connu sous le nom de charbon du maïs. Sur fond de multidisciplinarité, il combinera plusieurs techniques (chimie, microscopie, chromatographie et spectroscopie de masse) pour mettre en évidence des glucides oxydés dans la paroi fongique et associera des approches in vitro (biochimie des protéines), in vivo (microbiologie fongique) et in silico (prédiction d’activités enzymatiques) pour comprendre le fonctionnement et le rôle de ces enzymes. FOX bénéficiera également des nombreux partenariats scientifiques que Bastien Bissaro a noués, à l’échelle nationale et internationale.
Le programme du Conseil européen de la recherche finance la recherche exploratoire avec pour unique critère l'excellence scientifique. Il permet aux chercheurs et chercheuses d'identifier de nouveaux domaines de recherche, tout en reconnaissant le statut et la visibilité des esprits les plus brillants d'Europe. L'objectif ultime est de construire une recherche européenne prête à répondre aux besoins d'une société basée sur la connaissance et à fournir la recherche de pointe nécessaire pour relever les défis mondiaux.
Des applications prometteuses
Ce projet ouvre des perspectives majeures dans les domaines de l’agriculture et de la santé, dans le but de mieux comprendre les mécanismes de résistance des champignons pathogènes et mieux les contrôler ; de l’industrie, dans l’idée de modifier les propriétés de matériaux biosourcés grâce à ces enzymes ; des biotechnologies, en vue d’optimiser le comportement des souches fongiques utilisées dans des procédés industriels.
À plus long terme, ces découvertes pourraient même inspirer des recherches sur d’autres organismes, comme les bactéries, ouvrant la voie à de nouvelles applications.
Mini CV
37 ans
- Parcours professionnel
A partir de janvier 2026 : Directeur de recherches INRAE, unité Biodiversité et biotechnologie fongiques – BBF (INRAE, Aix-Marseille Université)
2021-2025 : Chargé de recherche INRAE, unité BBF
2019-2020 : Stage post-doctoral, unité BBF
2014-2018 : Stages post-doctoraux, université norvégienne des sciences de la vie (NMBU), Ås (Norvège)
- Formation
2024 : Habilitation à diriger les recherches (HDR), Aix-Marseille Université
2014 : Thèse de doctorat, Ingénierie microbienne et enzymatique, Institut national des sciences appliquées (INSA), Toulouse
2011 : Master parcours Microbiologie, université Toulouse III-Paul Sabatier
2011 : Ingénieur INSA, Toulouse
- Distinctions
2020 : Prix spécial jeune chercheur, Société française des glycosciences.