Alimentation, santé globale Temps de lecture 4 min
Aliments ultra-transformés : des impacts négatifs sur la santé documentés et des propositions concrètes pour limiter l’exposition des populations
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Deux chercheuses de l’Inserm et un chercheur d’INRAE ont participé à une série de trois articles publiés le 19 novembre dans The Lancet consacrés aux conséquences sur la santé de la consommation d’aliments ultra-transformés. Les 43 scientifiques internationaux qui signent cette série d’articles proposent la mise en place de mesures de santé publique pour limiter le recours aux aliments ultra-transformés et améliorer l’alimentation à l’échelle mondiale. La littérature scientifique montre que cette amélioration nécessite la mise en place de politiques publiques coordonnées visant à réduire la production, la commercialisation et la consommation d’aliments ultra-transformés, en parallèle des mesures visant à limiter les apports en sucre, sel, graisses saturées et à améliorer l’accès à une alimentation saine.
Publié le 19 novembre 2025
Les aliments ultra-transformés (AUT) représentent environ 35 % de nos apports caloriques en France (et jusqu’à 60 % aux États-Unis). Des études du monde entier montrent que la consommation de ces produits est associée à une augmentation de certaines maladies chroniques telles que les maladies cardiovasculaires ou le diabète de type 2. Limiter la consommation de ces produits représente un défi sanitaire qui nécessite la mise en place de politiques coordonnées et d’actions à l’échelle internationale, selon cette nouvelle série de trois articles rédigés par 43 experts mondiaux et publiés dans The Lancet. Les auteurs présentent une feuille de route pour évoluer vers une réglementation efficace et des régimes alimentaires plus sains, accessibles et abordables.
Les preuves des effets néfastes des aliments ultra-transformées s’accumulent
Les aliments ultra-transformés, selon la classification NOVA, sont des produits ayant subi d’importants procédés de transformation (chimique, physique, biologique), qui sont généralement formulés à partir d’ingrédients industriels tels que des huiles hydrogénées, des isolats de protéines ou du sirop de glucose/fructose, et des additifs alimentaires « cosmétiques » (colorants, édulcorants artificiels, émulsifiants…).
Les données examinées dans le 1er article de la série montrent que les régimes riches en aliments ultra-transformés sont associés à une surconsommation alimentaire globale, à une mauvaise qualité nutritionnelle (trop de sucre et de mauvaises graisses, trop peu de fibres et de protéines) et à une exposition plus élevée à des produits chimiques et additifs potentiellement problématiques pour la santé. En outre, une revue systématique de la littérature scientifique, portant sur 104 études à long terme, a révélé que 92 d’entre elles faisaient état d’une incidence plus élevée d’une ou plusieurs maladies chroniques associée à la consommation d’aliments ultra-transformés, les méta-analyses montrant des associations significatives pour 12 problèmes de santé, notamment l’obésité, le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires, la dépression et la mortalité prématurée toutes causes confondues. La cohorte française NutriNet-Santé, pilotée par l’équipe Cress-Eren (Inserm/INRAE/Cnam/Université Sorbonne Paris Nord/Université Paris Cité) a justement permis de publier certaines de ces études pionnières. La cohorte permet aujourd’hui d’aller plus loin en apportant des éléments sur les potentiels facteurs en jeu (additifs alimentaires, contaminants liés aux procédés de transformation et aux emballages…).
Selon Mathilde Touvier, directrice de recherche Inserm, coordinatrice de la cohorte NutriNet-Santé et son collaborateur Bernard Srour, chercheur INRAE, qui ont participé au 1er article de la série : « De plus en plus d’études montrent qu’une alimentation riche en aliments ultra-transformés nuit à la santé. Si un débat sur les aliments ultra-transformés au sein de la communauté scientifique est le bienvenu pour renforcer le niveau de preuves disponibles, notamment sur les mécanismes et les facteurs impliqués, il convient de le distinguer des tentatives des groupes d’intérêts particuliers visant à discréditer les preuves scientifiques actuelles et à freiner les politiques de santé publique. »
Des politiques pour lutter contre les aliments ultra-transformés tout en améliorant l’accès à des alternatives saines
Le deuxième article de la série présente des solutions visant à réglementer et à réduire la production, la commercialisation et la consommation d’AUT, afin de responsabiliser les industriels quant à leur rôle dans la promotion de l’alimentation ultra-transformée.
L’article explique comment l’amélioration de l’alimentation à l’échelle mondiale nécessite des politiques spécifiques afin de compléter la législation existante pour réduire la teneur en graisses saturées, en sel et en sucres ajoutés des aliments. Bien que des mesures doivent être mises en place au niveau des consommateurs (étiquetage, éducation, recommandations), il est surtout question de transformer en profondeur le système alimentaire ultra-transformé. En matière d’étiquetage par exemple, il s’agirait d’indiquer le caractère ultra-transformé des produits pour que les consommateurs les repèrent facilement, comme cela a été proposé et testé avec une version évoluée du Nutri-Score intégrant la dimension d’ultra-transformation.
Les auteurs proposent également des restrictions commerciales plus strictes, en particulier pour les publicités destinées aux enfants, dans les médias numériques et au niveau des marques, ainsi que l’interdiction des aliments ultra-transformés dans les institutions publiques telles que les écoles et les hôpitaux, et la limitation de leur vente et de leur espace dans les rayons des supermarchés, comme c’est déjà le cas dans plusieurs pays.
Une réponse mondiale coordonnée pour lutter contre les stratégies de lobbying de l’industrie des produits alimentaires ultra-transformés
Les auteurs du troisième et dernier article de la série – auquel Melissa Mialon, chercheuse et titulaire de la chaire Inserm Recherche sur les services de santé a participé – expliquent la relation entre les stratégies de l’industrie agroalimentaire et l’essor des produits alimentaires ultra-transformés : utilisation d’ingrédients bon marché, de méthodes industrielles pour réduire leurs coûts, d’un marketing intensif et de designs attrayants pour stimuler la consommation. Avec un chiffre d'affaires annuel mondial de 1 900 milliards de dollars, les aliments ultra-transformés constituent le secteur alimentaire le plus rentable.
La série décortique les mécanismes contribuant à éviter la mise en place de réglementations, à orienter la recherche scientifique, et à influencer l'opinion publique malgré les connaissances sur les impacts sanitaires.
Les auteurs appellent à une réponse coordonnée en matière de santé publique à l’échelle mondiale et estiment qu’il y a « aujourd'hui besoin d’une réponse mondiale audacieuse et coordonnée pour mettre en place des systèmes alimentaires qui accordent la priorité à la santé et au bien-être des populations. »
Sources
The Lancet
Series Paper 1 : Ultra-processed foods and human health: the main thesis and the evidence
Series Paper 2 : Policies to halt and reverse the rise in ultra-processed food production, marketing, and consumption
Series Paper 3 : Towards unified global action on ultra-processed foods: understanding commercial determinants, countering corporate power, and mobilising a public health response