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Société et territoires

Trois histoires d’impacts de la recherche

Les études de cas réalisées a posteriori par la méthode ASIRPA permettent de caractériser et de mesurer les impacts des recherches d'INRAE. Ces études se révèlent riches en enseignements sur les mécanismes générateurs des impacts.

Publié le 30 mai 2022

La diversité des cas et des impacts

Les études de cas sont réalisées selon la méthode standardisée ASIRPA (voir article 1 du dossier), qui utilise 3 outils analytiques : une chronologie, un chemin d’impact, et une description des impacts.  Chaque étude de cas implique une équipe composée généralement d’un scientifique référent pour les recherches conduites, d’un membre de l’équipe ASIRPA et d’un représentant du département scientifique d’INRAE concerné. L’étude se conclut par un rapport consultable en ligne.

En 2021, une soixantaine d’études de cas ont été réalisées, qui reflètent la diversité des thématiques traitées par INRAE. Voici 3 exemples illustratifs de la diversité des cas.

Un projet s’appuyant sur un réseau préexistant : VitiREPERE

Lancé en 2010 à Westhalten (Alsace), à l’initiative d’acteurs de la société civile (viticulteurs, associations de défense de la nature, élus, citoyens, conseillers de la filière), le projet VitiREPERE a abouti à la mise au point d’une méthode de recherche participative. Incluant des chercheurs d’INRAE, le groupe, constitué en GIEE (Groupement d’intérêt économique et environnemental), a co-construit les questions de recherche autour de la diminution de l’usage des intrants en viticulture : comment se passer d’herbicide, comment définir le meilleur enherbement, comment les pratiques viticoles influencent-t-elles les réponses de la vigne aux stress climatique et biologique. Dans cette démarche, tous les membres du groupe sont à la fois producteurs et diffuseurs de connaissances.

Quelques dates clés :
  • 2003 : antécédent de dynamique collective en viticulture impulsée par INRAE
  • Fin 2010 : lancement du projet VitiREPERE à l’initiative des membres de la société civile, en réponse à l’appel de projet REPERE du ministère de l’Environnement
  • 2014 : premières expérimentations en vignes et en laboratoire
  • 2015 : groupe labellisé GIEE Westhalten
  • 2018 : premiers essais du mélange de plantes pour l’enherbement
  • 2013-2020 : 70 rencontres (ateliers, visites d’essais, formations), 80 entretiens de parties prenantes, publications scientifiques, articles de presse, films, fiches
  • 2020 : extension de l’approche : création d’autres groupes REPERE en Alsace (Dambach-la-Ville), en Suisse et en Allemagne
  • 2021 : près d’un quart du vignoble a abandonné les herbicides
Analyse des impacts
  • Social : 92 acteurs en lien sur 3 territoires, près de 1 200 participations à des réunions collectives. Création d’une association à Westhalten permettant la continuité des réflexions et des actions. Changement de logique de production par les viticulteurs, soutien par les coopératives.
  • Environnemental : 90 ha sur les 380 ha de vignobles de Westhalten sont cultivés sans herbicides. 36 ha sont enherbés avec un mélange innovant d’espèces locales provenant d’une zone Natura 2000 proche.
  • Politique : appropriation de questions environnementales par des acteurs très variés, et ordinairement éloignés, voire en conflit. Précédent réglementaire avec l’autorisation de prélever des graines en zone Natura 2000 pour l’enherbement des vignes.
  • Santé : diminution de l’usage des produits phytosanitaires sur le vignoble.
  • Economique :  les viticulteurs changent leurs logiques de production, équilibrent leurs coûts de main d’œuvre et bénéficient d’une meilleure valorisation du raisin (prix d’achat des raisins majoré de 5 à 20 %). Les entreprises gagnent de nouveaux marchés.

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Lire aussi l'article

Un produit innovant demandé par la filière : le blé Ebly®

Ebly, un blé dur précuit
Ebly, un blé dur précuit

Le blé Ebly® est un blé dur précuit que l’on trouve couramment dans les supermarchés, en France, Belgique, Luxembourg, Suisse, Autriche, Allemagne, Maroc. Cuit en 10 minutes au lieu d’une heure, c’est un produit féculent alternatif au riz, pâtes et pommes de terre. Il a été considéré comme une innovation de rupture et a reçu de nombreux prix et trophées.

Le développement de ce produit a été réalisé grâce à une collaboration entre la recherche publique et les professionnels.  INRAE a apporté des compétences reconnues internationalement en physicochimie des produits céréaliers (UMR IATE, Montpellier). Les travaux de laboratoire ont bénéficié de la mise à disposition d’un ingénieur de la coopérative et de pilotes industriels. INRAE a ensuite accompagné la coopérative dans les 2 phases suivantes, à savoir le développement et l’industrialisation du procédé. La gamme a été ensuite élargie à un mélange de céréales, quinoa et lentilles (dont un produit bio) et un couscous en perle.

Quelques dates clés :
  • 1975 : début des recherches INRAE sur la qualité culinaire des blés durs et des pâtes
  • 1980 : travaux sur les procédés de transformation
  • 1990 : construction du pilote
  • 1992 et 1993 : brevets européen et américain
  • 1993 : construction de l’usine
Analyse des impacts :
  • Economique : création d’un marché, retombées économiques pour les agriculteurs de la coopérative et pour l’usine.
  • Santé : diversification alimentaire : nouveau produit avec un profil nutritionnel intéressant.
  • Social : création d’emplois industriels, maintien d’emplois agricoles.
  • Politique: utilisation d’Ebly® par le ministère de l’Agriculture comme exemple de levier d’action pour valoriser la consommation de protéines végétales dans l’alimentation humaine (2013)
  • Environnemental : source de protéines avec empreinte environnementale améliorée par rapport aux protéines d’origine animale, mise en place d'une filière de blé dur respectueuse de l'environnement.

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Anticiper la demande sociétale : les dangers du bisphénol A

Le bisphénol A (BPA) est une substance chimique présente dans certains emballages alimentaires (polycarbonates et résines époxy). Classé comme perturbateur endocrinien, le BPA, qui peut migrer en petites quantités dans les aliments et les boissons, peut interférer avec les fonctions contrôlées par les œstrogènes dans l’organisme.  

Les travaux pionniers d’INRAE et de ses partenaires ont montré chez le rat des effets de faibles doses de BPA sur l’intestin et le stockage de graisses dans le foie. Ces travaux ont été pris en compte par l’ANSES et ont contribué à faire évoluer la législation en France et en Europe, dans un contexte sociétal sensibilisé par d’autres affaires : amiante, distilbène, sang contaminé, Mediator®. INRAE, qui travaille sur le BPA depuis les années 2000, a fédéré ses capacités propres avec celles de ses partenaires (pôle de toxicologie alimentaire de Toulouse Toxalim, programme Plast Impact). Ces compétences ont permis de travailler sur des cibles du BPA différentes de celles explorées jusqu’à présent, grâce à la mise au point de méthodes de signatures biologiques à haut débit.

Quelques dates clés :

 

  • Années 90 : effets du BPA à faibles doses suggérés (travaux de Frederick vom Saal)
  • 2000 : premier résultat d’INRAE sur le BPA
  • 2006 : projet Plast Impact (INRAE, Inserm, CNRS, universités Rennes et Toulouse) : évaluer les dangers du BPA sur le tube digestif et le foie
  • 2010 : publication scientifique : effets du BPA sur la barrière intestinale à des doses inférieures à la dose acceptée (étude sur le rat)
  • 2011 : publication scientifique : effets du BPA sur la synthèse des lipides dans le foie, relation dose-réponse non linéaire
  • 2011 : publication scientifique : passage du BPA à travers la peau (tickets de caisse)
  • 2008-2012 : 5 avis de l’ANSES, 1 note, 1 rapport d’expertise sur le BPA
  • 2011 : interdiction du BPA dans les biberons en Europe
  • 2012 : interdiction du BPA dans les plastiques alimentaires à partir de 2015 en France
Analyse des impacts
  • Politique : contribution d’INRAE à l’alerte sur de nouveaux dangers : connaissances reprises dans les avis de l’ANSES, les débats et rapports parlementaires ayant conduit à une loi pour l’interdiction du BPA dans les contenants alimentaires. Impact à moyen terme dans le débat autour des perturbateurs endocriniens.
  • Santé : mise en évidence des dangers du BPA présent dans de nombreux contenants alimentaires. Contribution aux réflexions concernant l’évaluation des perturbateurs endocriniens.
  • Economique : la problématique du BPA engendre des impacts économiques marginaux, car il s’agit d’une substitution simple d’une substance chimique par une autre. Mais à l’avenir, les enjeux économiques seront significatifs car pour certains produits, les substituts ne sont pas disponibles ou leur innocuité reste à établir.

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Sur la substitution du BPA, lire les articles :

 

Autres exemples de cas ASIRPA : les Lauriers d’impact INRAE

Plusieurs exemples de cas traités par la méthode ASIRPA ont été sélectionnés dans le cadre des Lauriers INRAE, qui comportent depuis 2015 une catégorie dédiée à l’impact.

  • Pascale Mollier

    Rédactrice

  • Sylvie Colleu
    DEV Direction de l'Evaluation Centre-siège
  • Laurence Colinet
    CODIR Collège de Direction Centre-siège
Le centre