illustration La face visible des sols
© INRAE, Bertrand Nicolas

Agroécologie 6 min

La face visible des sols

Sur quel type de sol marchons-nous ? Quel était l’état de nos sols en l’an 2000 ? Sont-ils contaminés par le plomb ou d’autres polluants ? Quelle vie renferment-ils ? Grâce aux travaux d’InfoSol, nous avons désormais des réponses à ces questions ! Avec eux, le sol est devenu plus visible. Ils nous sensibilisent à l’importance de ce patrimoine non seulement pour l’agriculture mais aussi pour l’alimentation, l’environnement, la santé, l’urbanisme… Des résultats, internationalement reconnus, qui ont valu à InfoSol un Laurier 2021 Impact de la recherche.

Publié le 29 novembre 2021

Un pari qui a réussi au-delà de nos espérances

Vingt ans après sa création, InfoSol s’avère « un pari qui a réussi au-delà de nos espérances » explique Dominique Arrouays, premier directeur de l’unité. Pour mieux connaître les sols, le pari, à la fois scientifique et partenarial, consistait à enrichir et capitaliser la connaissance des sols à travers la poursuite du programme Inventaire gestion et conservation des sols (IGCS) et la mise en œuvre d’un réseau de plus de 2 000 points de suivi sur toute la France - le Réseau de mesure de la qualité des sols (RMQS). Et cela tout en mobilisant des partenaires très variés pour rassembler et mettre à disposition les données collectées, ainsi que les outils de cartographie et de modélisation. Ce vaste dispositif s’articule à une « machine à remonter le temps » : le conservatoire européen des échantillons de sol, inauguré en 2014, qui archive entre ses murs de pisé, tous les échantillons prélevés lors des campagnes du RMQS. « Les sols de 2000 n’existent plus mais nous pouvons encore les analyser grâce aux échantillons que nous conservons » expliquent les scientifiques.

Ainsi, au départ du RMQS, les analyses ADN du sol qui permettent de décrire la biodiversité des microbes étaient trop longues et trop chères à mener. « En 2007, c’est devenu plus accessible, nous avons entrepris de cartographier les microorganismes du sol à partir des échantillons du RMQS avec la plateforme Genosol de Dijon. C’était inédit et cette carte a été un scoop ! » explique Dominique. Les cartographies successives d’éléments traces métalliques dans le sol comme le plomb, l’arsenic ou le cadmium ont aussi « fait du bruit » poursuit-il. « Grâce à cela, la perception des sols a évolué, leur rôle essentiel pour l’environnement est mieux reconnu… et aussi leur rôle pour la santé humaine. » Antonio Bispo, le directeur actuel renchérit : « Nos données et nos échantillons servent à un public très varié : les données sur le carbone des sols sont utiles pour les politiques sur le changement climatique, les éléments traces pour les politiques sanitaires, les données sur les sols agricoles pour la PAC, les données environnementales pour les collectivités territoriales… » Si bien qu’aujourd’hui, « on manque de bras et de cerveaux pour assurer nos missions et répondre aux demandes, d’où notre recours régulier et continu à du personnel non titulaire… »

Diagnostiquer le sol au long cours

InfoSol est issu d’un constat, réalisé à la fin des années 90, qui pointait qu’en dépit d’un excellent niveau de recherches en science du sol, notamment à INRAE, il n’existait en France ni outil de diagnostic de la qualité des sols, ni outil national de cartographie à l’échelle du territoire. InfoSol est né de ce besoin : suivre les évolutions positives ou négatives sur tout le territoire, y compris l’Outre-mer. En 2001, des partenaires institutionnels sont convaincus par INRAE et créent le Groupement d’intérêt scientifique sur les sols (Gis Sol), pour soutenir la connaissance des sols, avec InfoSol pour pilote. Pari tenu. En 2011, InfoSol livre le premier état – chimique, biologique et physique – des sols de France, en 2020, l’unité participe à l’élaboration de l’Atlas des bactéries du sol, et, en collaboration avec l’IGN met à disposition de tous via le Géoportail la carte des sols dominants de France à l’échelle 1/250 000.

Infosol reste unique en Europe car l’organisation dans les autres pays est souvent plus morcelée. L’unité valorise ses savoir-faire dans un réseau européen et au sein d’un réseau mondial de 193 pays, le Global soil partnership. Sous l’égide de la FAO de l’ONU, ce réseau a produit, en 2015, le premier rapport sur l’état des sols du monde. InfoSol participe actuellement aux travaux sur une ontologie internationale des données du sol dans une démarche de science ouverte. Ses données et savoirs sont profondément connectés à des recherches de haut niveau comme en témoigne le nombre de publications de cette unité de service, équivalent à celui d’une unité de recherche.

Un enthousiasme contagieux pour un terrain d’envergure

La collecte et la capitalisation de la connaissance sur les sols n’est possible que grâce à la collaboration de multiples partenaires (chambres d’agriculture, écoles d’agronomie…) formés à la réalisation des prélèvements et des cartes. Cela représente un travail de titan ! Car si le principe paraît simple, c’est en se rendant sur le terrain qu’on prend la mesure des moyens mobilisés. Dans le cadre du RMQS, le point peut tomber dans un champ cultivé, un îlot urbain, au sein d’une forêt ou en montagne… Il faudra donc s’entendre avec l’agriculteur pour prélever sans impacter la conduite des cultures, parfois débroussailler le sous-bois avant de pouvoir en creuser le sol, trouver le jardin où sonder en ville, ou encore marcher 3 ou 4 heures avec 200 kg de matériel pour arriver au point de prélèvement en montagne… Ensuite, chacun a son rôle : le terrain est balisé, bêches et tarières entrent en action. Un sport collectif et collaboratif se joue ! Le sol est décrit par un pédologue pour ses caractères morphologiques – granulométrie, humidité, couleur – et horizons (couches) qui se succèdent de la surface jusqu’à la roche mère. Des échantillons de terre sont prélevés, sur certains sites tests, des pièges placés par les écologues pour capturer et identifier la faune présente, et comptabiliser les vers de terre.

Les échantillons de sol sont ensuite acheminés au CEES, où ils sont pesés et préparés pour être conservés. Une part d’entre eux prend la direction des laboratoires partenaires pour y être analysés : Laboratoire d’analyse des sols (LAS) à Arras, Genosol à Dijon, BioChemEnv à Versailles pour l’analyse de l’activité enzymatique des sols...

Cela ne fonctionne pas sans l’humain

Les données de ces multiples analyses sont réunies dans une même base de données nationale : DoneSol, et c’est au tour des modélisateurs, statisticiens et cartographes de jouer. Sans compter, qu’InfoSol gère aussi une base de données d’analyses de terre (BDAT) et une base de données des éléments traces métalliques (BDETM) constituées à partir de données d’analyses de laboratoires privés agréés. Ce dispositif est tout à fait original en Europe. Il capitalise des analyses réalisées depuis 1990 sur la France entière. Il réunit aujourd’hui 3,4 millions d’analyses dont des statistiques poussées permettent de tirer des tendances : elles montrent par exemple, une tendance à l’augmentation des pH des sols agricoles, l’évolution de la teneur en phosphore en Bretagne, ou de celle du carbone en Franche-Comté.

 « Cela ne fonctionne pas sans l’humain » s’attachent à souligner chacun des membres de l’équipe. Comme le résume Déborah Chavrit, chargée d’appui au RMQS : « J’apprécie l’esprit d’équipe, la diversité des compétences, complémentaires. On a un sentiment d’efficacité, on trouve les personnes pour nous aider. » Nombre d’entre eux mettent en avant le dynamisme, la motivation et l’enthousiasme pour dépasser les défis en même temps qu’un attachement à la mission de service public, très ancré dans cette unité dont la mission première est le service.

Toujours plus loin

Car nouveaux défis et perspectives ne manquent pas. Christine Le Bas, référente données, évoque, par exemple, les questions juridiques liées aux antagonismes entre la politique d’open data soutenue par la loi sur la République numérique de 2016 et la protection des données relatives aux propriétaires privés des sols que garantit le Règlement sur la protection des données (RGPD). Des questions actuellement en manque de jurisprudence.

Les données ne font que s’étendre, avec la perspective d’en acquérir à l’aide de nouveaux capteurs. Claudy Jolivet, pédologue, évoque également l’analyse de 110 nouvelles molécules – parmi lesquelles le glyphosate – en cours de test, à la demande de l’Anses, dans le cadre de la pharmacovigilance. Microplastiques, pathogènes et antibiorésistance sont aussi à l’étude. Alors que 90 % des antibiotiques viennent du sol, les travaux, en collaboration avec l’UMR Agroécologie (Dijon), visent, d’une part, à rechercher de nouveaux antibiotiques et, d’autre part, à surveiller l’apparition d’antibiorésistances.

Bertrand Laroche, directeur-adjoint de l’unité, souligne que les données sur les services rendus par le sol sont de plus en plus intégrées aux documents d’urbanisme, intéressant les collectivités mais appelant des travaux à une échelle plus précise. InfoSol est ainsi de plus en plus sollicitée sur des enjeux et des territoires très variés, par exemple, dans le cadre de la gestion de l’eau de bassins versants ou des aires de captage d’eau potable.

Parions que l’impact des travaux d’InfoSol devrait encore s’élargir et faire changer notre perception des sols !

* membres du GIS Sol www.gissol.fr : ministères en charge de la Transition écologique et de l’Agriculture, INRAE, IRD, Ademe, IGN, OFB, BRGM

Le collectif Infosol

L'EQUIPE RECOMPENSEE

L’unité InfoSol réunit une diversité de compétences : pédologues, cartographes, data scientists, informaticiens, travaux de terrain, activités de gestion…

Ce Laurier collectif d’impact de recherche récompense en 2021 l’unité InfoSol pour ses 20 ans dédiés à la connaissance et à l’accès aux informations sur les sols.

QUELQUES DATES

  • 2000 : Création du Réseau de mesure de la qualité des sols (RMQS) et de l’unité InfoSol
  • 2001 : Création du Groupement d’intérêt scientifique Sol* (GIS Sol)
  • 2007-2008 : Début des analyses ADN
  • 2009 : Fin de la 1ère campagne du RMQS en France métropolitaine  
  • 2011 : Production du 1er rapport sur l’état des sols de France, à la demande du GIS Sol, qui fait encore référence aujourd’hui.
  • 2014 : Inauguration du Conservatoire européen des échantillons de sol
  • 2015 : Création du site web du GIS Sol et fin de la campagne RMQS Outre-Mer
  • 2017 : Réalisation de la carte nationale du carbone des sols, intégrée à la carte mondiale de la FAO
  • 2019 : Publication, en appui au ministère en charge de l’Agriculture, de la carte révisée des zones défavorisées simples
  • 2020 : Carte des sols dominants de France disponible sur le Géoportail, en collaboration avec l’IGN et le RMT Sols et territoires

 

QUELQUES CHIFFRES

  • InfosSol : 50 personnes dont 30 permanents 
  • Implication dans 3 groupes de travail mondiaux, 8 projets européens et 15 projets ANR
  • DoneSol : 192 587 points d’observation (profils et/ou sondages) stockés dans la base nationale 
  • IGCS : 96 % du territoire couverts à l’échelle 1/250 000 
  • RMQS : 2 240 sites (maille de 16 km) de suivi régulier de la qualité des sols en France
  • 90 t de terre, soit plus de 62 000 échantillons conservés au CEES 
  • 3,4 millions d’analyse de terre dans la BDAT

Lauriers d'INRAE 2021

 

 

Nicole LadetRédactrice

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