Quand le terrain inspire : à Herbipôle, les agents s’investissent pour améliorer leur quotidien

Une démarche née du terrain

Répartis sur trois sites en Auvergne (Theix et Laqueuille dans le Puy-de-Dôme, Marcenat dans le Cantal), les agents de l’Herbipôle travaillent quotidiennement avec 1800 bovins et ovins sur plus de 1100 hectares de prairies d'altitude. Leur métier ? Conduire des expérimentations de recherche sur les systèmes d'élevage de ruminants en zone herbagère de montagne.

Un travail exigeant : manipulation de gros animaux, utilisation d'engins agricoles, charges lourdes, postures contraignantes, le tout en respectant des protocoles scientifiques rigoureux. Porter des bidons de lait ou des sacs d’aliment de 25 kg plusieurs fois par jour, traire deux fois par jour les vaches, distribuer manuellement le fourrage ou la paille, manipuler les animaux dans des parcs de contention bruyants et mal éclairés : autant de situations qui, à force de répétition, usent les corps et génèrent du stress.

« C'est une unité qui fait face à beaucoup de situations dangereuses », explique Émilie Courzadet, responsable prévention du centre INRAE Clermont-Auvergne-Rhône-Alpes. En 2020, consciente de ces réalités, la direction de l'unité engage une démarche globale de prévention des risques professionnels et s’entoure du service prévention du centre, des représentants du personnel et de partenaires extérieurs comme le cabinet APHOS Ergonomie et la MSA Auvergne L'objectif : améliorer durablement les conditions de travail des agents tout en garantissant le bien-être animal et la qualité des expérimentations.

Un diagnostic pour objectiver les risques

En 2022, Herbipôle entreprend un diagnostic approfondi sur ses trois sites, avec l’appui du cabinet APHOS. Cette phase d'observation et d'analyse du travail réel permet d'identifier 83 points d’amélioration et 144 pistes d'action. Ces constats constituent le socle sur lequel les agents ont pu construire collectivement des solutions adaptées à leurs besoins.

Les pistes identifiées sont hiérarchisées collectivement lors de sessions de formation-action. Les assistants de prévention de l'unité sont formés à différentes méthodologies d'analyse du travail et de conduite de projet. Ils deviennent ainsi capables d'animer des groupes de réflexion et de piloter des chantiers de transformation du travail en autonomie. L'objectif macro de cette démarche : construire collectivement des méthodologies d'analyse et de conduite de projet pour développer durablement les performances.

Trois grandes thématiques émergent en priorité : l'alimentation des animaux, les parcs de contention pour bovins et ovins et la traite. Pour chacune, des groupes de travail se constituent, analysent les situations en détail et conçoivent des solutions adaptées. Ce sont les agents qui, forts de leur expertise du terrain, conçoivent avec des experts les solutions les plus adaptées à leurs situations de travail. Cette démarche participative garantit que les aménagements répondront aux besoins réels et seront appropriés par les équipes.

Des solutions concrètes pour répondre aux besoins du terrain

Sur les 144 pistes d'action identifiées, toutes ont été intégrées dans le document unique d’évaluation des risques professionnels de l’unité, qui permet le suivi de la mise en œuvre des actions. 25% ont déjà abouti à des réalisations concrètes : rénovation complète de parcs de contention devenus obsolètes, acquisition d'équipements adaptés comme des chariots à lait ou des exosquelettes pour soulager les postures répétitives, construction de nouveaux espaces de travail avec des matériaux recyclés/réutilisés, réorganisation du travail entre équipe/site… Quand cela était possible, certaines équipes ont même conçu et fabriqué elles-mêmes leurs installations expérimentales pour répondre au plus près de leurs besoins tout en maîtrisant les coûts.

Ces solutions, coconstruites par les agents, visent à réduire les troubles musculo-squelettiques, à améliorer la sécurité lors des manipulations d'animaux et à diminuer le stress, tant pour les animaliers que pour les animaux.

Une dynamique qui modifie la relation au travail

Au-delà des équipements et des aménagements, cette démarche a permis de transformer la façon dont les agents perçoivent leur travail et la prévention. Poussées par cette démarche, les interactions entre les trois sites ont enrichi les réflexions et permis de mutualiser les bonnes pratiques. Surtout, chacun est devenu acteur de son propre bien-être et de celui de ses collègues.

« C'est en faisant réfléchir les acteurs ensemble sur leur travail que sont trouvées les meilleures idées, les meilleures solutions et que se développe un véritable esprit de coopération », souligne Emmanuel Hugo, président du Centre INRAE Clermont-Auvergne-Rhône-Alpes.

Une démarche exemplaire à partager

Cette approche participative, centrée sur le travail réel des agents, s'inscrit pleinement dans la stratégie de responsabilité sociétale et environnementale portée par INRAE. Elle démontre qu'il est possible de concilier performance scientifique, bien-être au travail et bien-être animal lorsque les solutions sont coconstruites avec ceux qui les mettront en œuvre. Elle illustre également comment la prévention des risques peut devenir un levier de développement des compétences internes et de coopération entre équipes.

Pour favoriser le partage de cette dynamique collective et des transformations concrètes obtenues sur le terrain, une vidéo a été réalisée. Techniciens, animaliers et responsables d'équipe y partagent leur expérience et montrent comment cette démarche a transformé leur quotidien professionnel.

Découvrez la vidéo :