Biodiversité 2 min

Croissance végétale et maladies humaines : des régulations communes décryptées

COMMUNIQUE DE PRESSE - De l’adaptation des végétaux à l’environnement à la lutte contre des maladies humaines, des chercheurs de l’Inra, en collaboration avec des équipes belges du Vlaams Instituut voor Biotechnologie, viennent de mettre en évidence des régulations communes aux plantes et aux animaux. Ils révèlent que la mutation d’une protéine (YAK1) permettait de contrecarrer les effets de l’inhibition d’une autre protéine (TOR) qui se traduit par une réduction de la croissance et du métabolisme. Publiés dans Cell Reports, leurs résultats ouvrent des perspectives pour l’amélioration de la croissance des plantes et les thérapies contre le cancer ou les maladies neurologiques.

Publié le 24 juin 2019

illustration Croissance végétale et maladies humaines : des régulations communes décryptées
© Christophe Maitre - Inra

Présente chez les animaux, les plantes, les champignons et les levures, la protéine « Target Of Rapamycin » (TOR) contrôle de nombreux processus biologiques essentiels tels que la prolifération cellulaire et les activités métaboliques. TOR est une enzyme de type kinase, c’est-à-dire qu’elle ajoute un phosphate sur les acides aminés de certaines protéines cibles afin d’en réguler l’activité ou la stabilité.
Ainsi, l’activité de TOR augmente dans de nombreux cancers humains et ses inhibiteurs peuvent réduire les proliférations cancéreuses. Parmi ces derniers, le plus connu, la rapamycine est un antibiotique découvert dans les années 70 et produit par une bactérie trouvée sur l'Île de Pâques (Rapa Nui).

 

Chez les plantes, TOR régule la croissance, le rendement et les défenses contre les pathogènes. En effet, les scientifiques ont montré que des mutations génétiques de TOR qui affectent l’activité de la protéine entrainent une forte réduction de la croissance et un ralentissement du développement.

Le marteau de TOR

Les plantes d’arabidopsis sauvages (en haut à gauche) montrent une croissance très réduite lorsque la protéine LST8, un composant du complexe TOR, est mutée (en haut à droite). Des mutations supplémentaires de la kinase YAK1 suppriment partiellement les défauts de croissance et de développement de la plante (en bas à gauche et droite). La kinase YAK1 est présente dans le noyau et le cytoplasme des cellules végétales (au centre, détection d’une protéine fusion entre YAK1 et un marqueur fluorescent).
Croissance d'Arabidopsis thaliana

Des chercheurs de l’Inra, en collaboration avec une équipe belge, ont utilisé la plante modèle Arabidopsis thaliana pour identifier de nouvelles mutations qui supprimeraient cette réduction de croissance et seraient capables de compenser les défauts de TOR. Cette approche leur a permis d’identifier une autre kinase, YAK1 (Yet Another Kinase 1) également présente chez la levure. La mutation de YAK1 permet aux plantes déjà affectées dans l’activité TOR de retrouver une taille plus grande et une croissance améliorée. Les perturbations métaboliques liées à l’inactivation de TOR sont également diminuées. Ainsi, l'inactivation de YAK1 par TOR semble requise pour activer la croissance des plantes.

Des homologues de cette kinase YAK1 sont présents chez les animaux. Chez l’homme notamment, de tels homologues (parmi eux DYRK1A) sont impliqués entres autres dans les symptômes de la trisomie 21 ou de l’autisme.

 

Un modèle de la relation entre TOR, YAK1 et la croissance chez les plantes. Les protéines RAPTOR, LST8 et TOR forment le complexe TORC1 chez les eucaryotes. ┴ correspond à une inhibition.
Relation entre TOR, YAK1 et la croissance chez les plantes.

Une meilleure compréhension des liens entre TOR et YAK1 pourrait ainsi permettre d’améliorer les performances des plantes cultivées en termes d’adaptation à l’environnement, mais aussi les traitements des maladies humaines liées à la prolifération cellulaire (comme les cancers) ou au développement neurologique. En effet, un pourcentage élevé de gènes impliqués dans des cancers humains sont également présents chez arabidopsis et les processus cellulaires associés à la prolifération sont très similaires, par exemple en réponse à certains pathogènes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publication

Mutations of the AtYAK1 kinase suppress TOR deficiency in Arabidopsis. Céline Forzanni, Gustavo T. Duarte, Jelle Van Leene, Gilles Clément, Stéphanie Huguet, Christine Paysant-Le Roux, Raphaël Mercier, Geert De Jaeger, Anne-Sophie Leprince, Christian Meyer. Cell Reports. 18 juin 2019. doi: 10.1016/j.celrep.2019.05.074