Dossier revue
AgroécologieDes données et des initiatives locales en Afrique
Publié le 31 juillet 2025
La mise en œuvre d’une IA locale alimentée par des données spécifiques au continent et qui intégrerait les langues africaines des populations rurales se heurte à plusieurs freins, comme l’accès limité à des serveurs puissants ou le manque de données numérisées et massives qui puissent être exploitées par les méthodes d’IA.
La production agricole au cœur du développement de l’IA
Dans ces nouvelles stratégies de développement autour de l’IA, l’agriculture africaine apparaît, au même titre que la santé et l’éducation, comme un secteur prioritaire.
Agriculture, santé et éducation, trois domaines prioritaires pour une IA au service de l’Afrique.
« Les technologies numériques, dont l’IA plus récemment, ont déjà transformé le secteur de l’agriculture africaine. Des start-up spécialisées dans l’agritech ont vu le jour et les instituts de recherche font partie des acteurs qui contribuent à une meilleure utilisation de l’IA pour améliorer la production agricole en Afrique dans le but de lui assurer une évolution durable », explique Paulin Melatagia Yonta, chercheur en informatique à l’université Yaoundé I. Ainsi, un des projets qu’il coordonne, soutenu par le Cirad, teste la capacité des réseaux de neurones à simuler la croissance des cacaoyers au Cameroun.
Le projet Pixfruit a, lui, été développé par Julien Sarron, chercheur au Cirad (UR HortSys) dans le cadre de l’institut Convergences #DigitAg. Cet outil mobilisant l’imagerie drone et l’IA (machine learning, réseaux de neurones) avait un double objectif : construire une carte d’occupation des sols et estimer le rendement des manguiers au Sénégal à l’échelle de l’arbre, dans et entre les vergers jusqu’à une application sur smartphone. « Aujourd’hui, nous n’avons plus de start-up en partenariat adossée à Pixfruit donc nous avons internalisé l’outil. Nous axons désormais notre travail de recherche sur le développement de notre expertise acquise qui peut servir à d’autres cultures comme les agrumes, le café ou le cacao », explique Julien Sarron. Ainsi, depuis fin 2020, l’équipe mène un projet de recherche spécifique sur la clémentine corse avec Laurent Julhia, chercheur INRAE à l’UMR AGAP.
L’essor des sociétés privées…
À travers le continent africain, plusieurs sociétés privées ont déjà développé des solutions pour surveiller les plantations et optimiser les pratiques grâce à l’IA : la solution Morshida (de la société marocaine DeppLeaf) détecte les maladies des plantes en temps réel ; Agrix Tech, une application créée au Cameroun, diagnostique les maladies des plantes et propose des traitements adaptés ; Tolbi (société agritech sénégalaise) développe des solutions pour prédire les rendements, calculer les besoins en intrants et anticiper les risques liés aux aléas climatiques, aux maladies et aux ravageurs.
…et de la recherche universitaire
Pour compléter ce panorama, le workshop Datascience for Agriculture in Africa, organisé par Paulin Melatagia Yonta (université Yaoundé I) et Mathieu Roche (Cirad) s’est récemment intéressé aux approches d’IA et de science des données en agriculture. #DigitAg soutient également des travaux pour prédire des indicateurs de sécurité alimentaire en Afrique à partir de données hétérogènes en utilisant des méthodes d’apprentissage profond. D’autres travaux font l’objet de thèses en IA avec des applications pour la veille épidémiologique en santé animale et végétale menées en collaboration entre la France (Cirad), le Kenya (Strathmore University) et le Maroc (Sultan Moulay Slimane University).
Dans ce contexte stimulant, il faut souligner l’initiative TSARA (Transformer les systèmes alimentaires et l’agriculture par la recherche en partenariat avec l’Afrique) lancée en 2022 et composée de 22 membres africains et français dont le Cirad et INRAE. Un des objectifs du programme est d’explorer les possibilités offertes par l’IA, notamment générative, pour fournir des conseils aux agriculteurs,
aux conseillers et aux décideurs politiques, afin de garantir la sécurité alimentaire.
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Anne-Lise Carlo
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Rédactrice
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Véronique Bellon-Maurel, Jean-Pierre Chanet, Claire Rogel-Gaillard
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