Dossier revue
AgroécologiePl@ntNet, histoire d’un succès
Il y a encore 10 ans, l’identification des espèces végétales était réservée à une communauté très restreinte composée de botanistes professionnels ou d’amateurs autodidactes avec énormément de pratique. La plateforme Pl@ntNet a permis de faire bouger les lignes.
Publié le 30 juillet 2025
« Cela ne marchera jamais ! L’expertise botanique est quelque chose que l’on ne pourra jamais faire avec des IA », voilà des arguments qui auraient pu faire mourir dans l’œuf une des plus belles réussites alliant recherche scientifique et recherche participative.
Le grand public fait avancer la science
Avec près de 25 millions d’utilisateurs, dont des centaines de milliers de contributeurs actifs, Pl@ntNet a démontré en 10 ans d’existence à quel point la science avait à gagner à faire appel à la contribution du grand public. Son fonctionnement est simple : l’utilisateur prend en photo un organe caractéristique de la plante (feuille, fleur, fruit, écorce) et l’application propose une identification. Les résultats incluent le nom scientifique et le nom courant de la plante, avec un degré de confiance mentionné. Aujourd’hui, plus de 75 000 espèces sont ainsi recensées dans les bases de données de la plateforme en ligne couplée à une application mobile, toutes deux gratuites. L’objectif global de Pl@ntNet est le suivi de la biodiversité végétale. Pour réaliser cet inventaire, la plateforme utilise l’IA et l’apprentissage profond. Ainsi, les contributeurs actifs qui collectent et révisent les données récoltées construisent l’IA de Pl@ntNet puisque celle-ci va apprendre de ces données pour ensuite pouvoir identifier les plantes.
Des applications pour l’agriculture
Ce projet a été développé par 4 organismes de recherche français que sont le Cirad, l’Inria, INRAE et l’IRD. Les données générées par Pl@ntNet sont aussi utilisées par les scientifiques via la plateforme internationale GBIF (Global Biodiversity Information Facility). « Nous-mêmes, nous conduisons des travaux de recherche grâce à ces données et expérimentons de nouveaux outils. En ce moment, nous développons des modèles multimodaux, eux-mêmes basés sur l’IA, qui vont permettre de prédire de manière très fine (sur 50 mètres), la biodiversité qui couvre l’intégralité du territoire européen », explique Alexis Joly, directeur scientifique et technique de la plateforme Pl@ntNet et chercheur à l’Inria.
Les agriculteurs entrés dans une démarche agroécologique pour préserver leurs sols et qui ont besoin d’identifier la flore qui pousse dans leurs cultures ont aussi recours à Pl@ntNet. Au sein de la plateforme, de nouveaux services, enrichis par des collaborations entre la recherche en IA et les sciences du végétal, leur proposeront bientôt de concevoir, expérimenter et développer de nouveaux usages : la détection et la reconnaissance des maladies végétales, l’identification des niveaux infra-spécifiques, l’estimation de la sévérité des symptômes (carences, stades de déclin et stress hydrique), la caractérisation des associations d’espèces à partir d’images multispécimens et l’amélioration de la connaissance des espèces. Démarré en 2023, ce nouveau projet nommé PlantAgroeco, qui s’étale sur 5 ans, est soutenu par le PEPR Agroécologie et numérique.
Des coûts environnementaux et des risques pris en compte
En contrepartie des bénéfices pour la connaissance végétale, il y a aussi des coûts environnementaux induits par ces applications énergivores. « Nous estimons que l’empreinte carbone étendue de Pl@ntNet – c’est-à-dire la construction des serveurs, les coûts réseaux, les clients mobiles – est assez faible puisqu’elle est de 50 tonnes par an selon nos propres estimations. Ce qui équivaut à peu près à l’empreinte carbone de 5 personnes en France. Il y a un travail en cours avec Paris Saclay (LISN) et l’ENS Lyon pour estimer plus précisément notre empreinte carbone », détaille Alexis Joly. Un risque inhérent à Pl@ntNet est de ne pas garder au centre du système l’expertise humaine. En effet, pour le moment, ce sont encore des experts qui valident les informations utilisées par les IA mais aussi produites par les IA. Sans cela, il pourrait y avoir une dérive qui entraînerait une dégradation des données produites, avec à terme un impact sur l’environnement. « L’IA doit être un complément, un accompagnement mais pas un remplacement dans nos politiques environnementales. Il faut continuer à former des botanistes », estime Alexis Joly.
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Anne-Lise Carlo
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Rédactrice