Agroécologie 5 min

Des cépages innovants pour ressourcer les vignobles

Les premiers cépages de vigne (Vitis vinifera) résistants aux maladies sont disponibles aujourd’hui, permettant de réduire plus de 90 % des traitements fongicides en vigne. Les recherches et innovations se poursuivent pour répondre aux défis : nouvelles attentes des consommateurs sur la qualité finale des produits : vins ou raisins de table, transition agroécologique des vignobles en minimisant l’usage des produits phytosanitaires et des fertilisants, adaptation au changement climatique dont les effets sont déjà très perceptibles dans la majorité des régions viticoles et participation à l’atténuer. Retour sur cette aventure ancrée dans des partenariats au long cours.

Publié le 21 mai 2021

illustration Des cépages innovants pour ressourcer les vignobles
© INRAE

Chaque année, dès que la vigne développe son feuillage et ses fleurs, les premiers foyers d’attaques de mildiou et d’oïdium sont surveillés … car une fois installées ces maladies sont difficiles à contenir et contraignent à des interventions rapprochées avec des traitements à base de cuivre et de soufre ou des pesticides de synthèse. Ces traitements – en moyenne 16 par an – représentent 80 % des interventions phytosanitaires sur la vigne. Pour s’en affranchir, les chercheurs INRAE ont créé des cépages résistants à partir de croisements naturels. La mise au point de ces innovations s’est appuyée sur des recherches de haut niveau et s’est effectuée en partenariat avec l’institut technique français de la vigne et du vin et avec l’interprofession, ce qui a été une condition essentielle de réussite et d’accélération de la diffusion de l’innovation. En effet, le choix d’implantation d’un nouveau cépage est une opération très engageante pour un viticulteur : une vigne est généralement plantée pour 30 à 40 ans, la restructuration d’un vignoble est un choix mûrement réfléchi…

Des innovations qui posent les bases de la viticulture du futur

La réussite de cette aventure au long cours est liée à l’étroit partenariat entre recherche, IFV et interprofession

La création de cépages résistants aux maladies qui commencent aujourd’hui à être disponibles est l’aboutissement réussi de 40 années de recherches depuis la prospection pour identifier les sources de résistances dans les collections de ressources génétiques, les croisements et la sélection pour les intégrer et les assembler dans des cépages qui conviennent à nos conditions de culture et aux goûts des consommateurs, jusqu’à leur déploiement pour s’assurer qu’ils tiennent leurs promesses avec une durabilité de ces résistances dans le temps, et l’adaptation à la typicité régionale.

Quatre cépages de vigne dotés de résistances naturelles au mildiou et à l’oïdium et dont la qualité des vins est d’un niveau équivalent à celle des cépages traditionnels sont aujourd’hui disponibles . Il aura fallu 14 000 plantules issues de croisements naturels qui ont permis de sélectionner 700 plants pour leur résistance et autres caractères d’intérêt avant d’aboutir à ces 4 variétés inscrites en 2018. Aujourd’hui, en 2021, ces cépages sont cultivés sur 800 ha – une vitesse jamais vue jusqu’alors pour la diffusion d’une innovation dans la filière ! La réussite de cette aventure au long cours est liée à l’étroit partenariat entre recherche, IFV et interprofession qui a permis d’expliquer, d’apporter et de faire déguster les produits de ces innovations aux professionnels avant qu’ils l’adoptent.

En 2019, sur les 43 sites, les variétés résistantes ont permis de réduire de 96 % l’usage des fongicides !

Avec une promesse tenue sur l’objectif de la résistance aux maladies, telle que permet de le mesurer OsCaR. OsCaR est un outil de recherche participative présent dans tous les bassins viticoles de France pour permettre à des viticulteurs volontaires de tester les variétés résistantes en conditions d’exploitation réelles, en participant pleinement aux travaux de recherche. Ce dispositif unique en Europe permet de déterminer la durabilité des résistances en surveillant les populations d’oïdium et de mildiou, et les apparitions possibles de maladies secondaires. Il permet d’ores et déjà de quantifier la réduction de l’IFT fongicides permise par ces résistances génétiques complexes : en 2019, sur les 43 sites, on a ainsi pu réduire de 96 % l’usage des fongicides ! Il s’agit également de déterminer les conditions optimales de déploiement en suivant une approche de modélisation mise en place à partir des données collectées et d’analyser la production et la qualité des vins élaborés à partir des cépages résistants.

RESSOURCES GENETIQUES

Dans les années 90, a été lancée la marque Entav-Inra (issue d’une collaboration IFV INRAE) pour la commercialisation des plants de vigne certifiés. Aujourd’hui, cette marque couvre 95 % du matériel commercialisé en France et diffuse également à l’étranger. Depuis lors, les deux organismes collaborent également pour une gestion commune des ressources génétiques. Un patrimoine exceptionnel est réuni, figurant parmi les collections les plus riches au monde : https://www.youtube.com/watch?v=S5bSFCqUA14 Dans ce contexte de changement climatique, d’émergence de maladies et de ravageurs, les ressources génétiques de la vigne constituent une source de résilience pour notre viticulture… Les maintenir et les préserver est notre responsabilité pour les générations futures.

DES VIGNES SUPER-BIO...

Réduction des traitements phytosanitaires, adaptation au changement climatique, réponse aux attentes des consommateurs : le vignoble français ne manque pas de défis pour ce siècle. La bio est l’une des voies explorées pour y répondre. Depuis 2019, les viticulteurs, qu’ils soient en AB ou pas, peuvent compter sur les quatre variétés « INRAE-ResDur » résistantes aux deux principales maladies fongiques que sont le mildiou et l’oïdium :  Floreal et Voltis pour les blancs, Artaban et Vidoc pour les rouges.

Cap sur le futur

La France est riche de nombreuses régions viticoles, chacune entretenant une typicité régionale très marquée associée à des cépages bien identifiés : pinot, cabernet, syrah, grenache, ugni blanc… Une sélection dédiée est actuellement déployée à travers 12 programmes tétrapartites (INRAE, IFV, interprofession), financés par la profession. Il s’agit de créer les cépages résistants les plus proches des cépages actuels typiques de nos crus et productions régionales. Dans ce cadre, plus de 70 000 plantules créées qui ont déjà permis de sélectionner 2 000 plants résistants en test au vignoble :

La création variétale en vigne, à la fois pour les greffons et les porte-greffe*, doit également prendre en compte de nouveaux challenges auxquels s’attèlent les recherches : adaptation aux contraintes environnementales, résistance aux nouvelles maladies telle que le court-noué affectant la majorité des vignobles (en combinant résistance au virus qui cause la maladie et au nématode qui le transporte), black rot qui progresse avec la réduction des traitements fongicides, maladies émergentes telle que la maladie de Pierce, causée par la bactérie Xyllela fastidiosa. Le prochain défi vise à réduire le temps de sélection : il a fallu 18 ans entre le croisement initial et la variété Floréal, résistante au mildiou et à l’oïdium, inscrite en 2018. Pour le réduire, les scientifiques mobilisent la sélection génomique et le phénotypage qui sont déjà utilisés sur les plantes annuelles. Pour caractériser le plus rapidement possible les génotypes prometteurs, il faut également aller jusqu’à l’élaboration du vin : un dispositif de mini-cave – qui permet de tester la qualité organoleptique avec  seulement 1 kg de vendange – est en cours de mise au point.

* le greffon est la variété récoltée, partie aérienne de la plante. Le porte-greffe sur lequelle est greffé le greffon confère la résistance au phylloxera (puceron ravageur), il s'agit essentiellement de la partie racinaire.

Nicole LadetRédactrice

Les centres

En savoir plus

Agroécologie

Nouveau partenariat INRAE - IFV : la recherche et l’innovation pour préparer la viticulture de demain

COMMUNIQUE DE PRESSE - Le 19 mai, Bernard Angelras, Président de l’IFV et Philippe Mauguin, Président directeur-général d’INRAE ont signé un nouvel accord de partenariat ambitieux pour les 10 prochaines années. Pour anticiper les effets du changement climatique et l’évolution des demandes des consommateurs, mais aussi pour répondre aux exigences de la transition agro-écologique et de la réduction d’usage des produits phytosanitaires, le recherche de solutions innovantes et de nouveaux systèmes de productions dans le secteur de la vigne et du vin sont indispensables. Par leurs travaux communs, les deux partenaires ont déjà apporté de nombreuses solutions concrètes, transférables au vignoble et en cave. Pour la période 2021-2030, les deux instituts, aux missions et compétences complémentaires, affichent leur volonté de renforcer leur collaboration sur une gamme plus large d’objectifs de recherche et de développement. En fédérant l’ensemble des disciplines « de la vigne au verre », ils s’engagent à apporter des solutions à la viticulture, filière majeure pour l’agriculture et l’agroalimentaire français.

18 mai 2021

Agroécologie

La prémunition, une stratégie pour « vacciner » la vigne dans les parcelles contaminées par le court-noué

Aujourd’hui, plus de 60 % de la surface viticole française est touchée par la maladie du court-noué, principalement causée par le Grapevine fanleaf virus (ou GFLV) qui infecte les vignes, transmis par le nématode Xiphinema index. Pour répondre à cette problématique, le Centre INRAE Grand Est - Colmar et ses partenaires ont lancé le projet VACCIVINE en 2018. Il se poursuit en 2021 par un projet d'un an (VT2021) avant le lancement de deux prochaines tranches. L'objectif est la mise en place de stratégies de lutte biologique au vignoble contre la maladie du court-noué, fondées sur le principe de prémunition. L’occasion d’en savoir un peu plus sur la prémunition, une méthode de protection contre les virus des plantes, point d’orgue de ce projet.

03 juin 2021

Changement climatique et risques

Laccave, des vins adaptés au climat de demain

Plus concentré, plus riche en alcool, moins acide. Voilà ce à quoi pourrait bien ressembler notre verre de vin rouge en 2050. Les effets du changement climatique ont été décrits sur la vigne et le vin. Aussi les recherches visent-elles dorénavant à préparer l’ensemble de la filière vitivinicole au climat de demain. La seconde phase du projet Laccave, porté par INRAE depuis 2012, s’attache à fournir des pistes opérationnelles d’adaptation au niveau national, région par région, vignoble par vignoble. Questions à Nathalie Ollat, ingénieure de recherche à Bordeaux.

11 février 2019