Agroécologie 5 min

Les solutions fondées sur la nature, vous connaissez ?

Préserver, gérer ou encore restaurer les écosystèmes pour relever les défis sociétaux d’aujourd’hui en combinant bénéfices pour la société et biodiversité, telles sont les perspectives que portent les « solutions fondées sur la nature ». Un concept relativement récent qui prend toute sa place dans les travaux de l’Institut.

Publié le 03 septembre 2021

illustration Les solutions fondées sur la nature, vous connaissez ?
© INRAE, Alain Beguey

Les solutions fondées sur la nature invitent à intégrer davantage de biodiversité dans les projets de territoires pour assurer leur développement durable tout en investissant dans la préservation et la restauration des écosystèmes.

Qu’est-ce qu’une solution fondée sur la nature ?

Les Solutions fondées sur la Nature sont définies comme les actions visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les défis de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité (source : UICN, 2016).

La préservation de la biodiversité est un enjeu sociétal majeur que les solutions fondées sur la nature visent à concilier avec d’autres défis que sont, par exemple, l’atténuation et la lutte contre le changement climatique, la prévention des risques naturels, l’amélioration de la santé, l’approvisionnement en eau et le développement socioéconomique.

Évoqué dès 2009 lors de la Conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, le concept de solutions fondées sur la nature est inscrit dans le programme mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en 2013. À l’issue de la COP21 (2015) puis à l’occasion du Congrès mondial de la nature (2016), les solutions fondées sur la nature voient leur place reconnue au niveau international dans la réalisation des objectifs de développement durable.
En France, le Plan national d’adaptation au changement climatique – PNACC 2 (2018-2022) et le Plan biodiversité (2018) promeuvent leur utilisation.

Les solutions fondées sur la nature se déclinent en 3 types d’actions, qui peuvent être mobilisées seules ou en combinaison dans les territoires :

  • la préservation d’écosystèmes fonctionnels et en bon état écologique ;
  • l’amélioration de la gestion d’écosystèmes pour une utilisation durable par les activités humaines ;
  • la restauration d’écosystèmes dégradés ou la création d’écosystèmes.

Proches des notions d’agroécologie et d’ingénierie écologique, entretenant des relations lointaines avec le biomimétisme ou la bioinspiration, elles réservent une place essentielle à la préservation et à la conservation des processus naturels.

L’agroécologie vise à mettre l’écologie au cœur de la conception des systèmes agricoles pour en augmenter la durabilité, par un moindre recours aux intrants et aux énergies fossiles, et pour en augmenter la résilience face aux aléas divers auxquels ils sont exposés.

In : Caquet T., Gascuel C., Tixier Boichard M. Agroécologie : des recherches pour la transition des filières et des territoires. Éditions Quae (Versailles), janvier 2020.

Quelques exemples de travaux INRAE

Le concept est abordé par plusieurs équipes INRAE, notamment pour la conception et l’évaluation de démarches de gestion apprenantes et de pratiques de diversification.

Les solutions fondées sur la nature permettent de résoudre des défis sociétaux en s'appuyant sur les multiples services écosystémiques fournis par la nature, tout en menant des actions de gestion, de conservation, et de restauration de la biodiversité.
Le projet Life Artisan - Accroître la Résilience des Territoires au changement climatique par l’Incitation aux Solutions d’adaptation fondées sur la Nature (EU 2020-2027), dont INRAE est partenaire, se focalise sur les enjeux d'adaptation aux changements climatiques à travers plusieurs objectifs : démontrer et valoriser le potentiel des solutions d'adaptation fondées sur la nature (SAFN) ; sensibiliser et faire monter en compétences les acteurs sur cette thématique et accompagner et amplifier les projets de SAFN sur tout le territoire national (dont l'outre-mer). 
Autour de quelque 40 actions et 10 sites pilotes, il doit permettre de créer un cadre propice au déploiement des solutions d'adaptation fondées sur la nature à toutes les échelles.

Les solutions fondées sur la nature trouvent de nombreuses applications dans le domaine de la gestion de l’eau, qu’il s’agisse d’en préserver la qualité ou de réduire les risques naturels inhérents (inondations, crues ou encore sécheresse) tout en préservant la biodiversité.

Les eaux pluviales issues du ruissellement des voiries urbaines, connues pour leur forte contamination en micropolluants métalliques et organiques, sont susceptibles de contribuer à la dégradation des milieux aquatiques récepteurs. Centré sur un prototype innovant, combinant techniques verte et grise, situé dans le bois de Boulogne (92), le projet Life Adsorb - Un système de dépollution performant pour les eaux de ruissellement et préservant la biodiversité (EU, 2018-2023), dont INRAE est partenaire, teste de nouveaux modes de dépollution des eaux issues principalement du ruissellement pluvial du périphérique parisien. À terme, Life Adsorb contribuera à la mise en œuvre de différentes directives sur l'eau, les eaux urbaines résiduaires, les inondations ou encore les eaux de baignade.

Restauration de berges par le génie végétal

Pour restaurer les berges des cours d’eau, des écrins de biodiversité aujourd’hui très dégradés, le génie végétal apparaît comme une solution de plus en plus prometteuse. À INRAE, des spécialistes des ouvrages de génie végétal appliqués aux berges analysent leur comportement quand ils sont soumis à de fortes contraintes. Le but : améliorer les méthodes de dimensionnement de ces ouvrages pour, in fine, proposer aux concepteurs des solutions efficaces y compris en contextes extrêmes (en savoir plus).

Les milieux terrestres peuvent eux aussi bénéficier de l’application des solutions fondées sur la nature dans la perspective de restaurer des écosystèmes ou d’améliorer leur gestion pour une utilisation durable tout en produisant des bénéfices pour la biodiversité.

Le développement des territoires de montagne s’accompagne de nombreux aménagements (p. ex. la construction de pistes de ski), susceptibles d'en fragiliser voire de détruire le sol et le couvert végétal. Que ce soit pour lutter contre l’érosion, réhabiliter le paysage ou préserver la biodiversité, ces espaces doivent être restaurés. INRAE contribue désormais à la mise en place d’une filière de revégétalisation qui utilise des semences locales pour restaurer le milieu montagnard alpin (en savoir plus).

L’intensification des pratiques agricoles et la disparition des habitats semi-naturels aux abords des champs ont conduit à un déclin généralisé des communautés d’oiseaux dans les paysages agricoles européens. Une équipe internationale coordonnée par INRAE a étudié les communautés d’oiseaux les vignobles de 12 régions viticoles de France, d' Espagne et d'Italie. Leurs résultats montrent que la diversité des communautés d’oiseaux est favorisée par la combinaison de la viticulture biologique, l’enherbement entre les rangs de vigne et la diversité des habitats qui composent le paysage (en savoir plus).

Paysage viticole à Colmar

Des scientifiques INRAE ont analysé les effets des pratiques viticoles sur la biodiversité à différents niveaux trophiques. Leurs travaux montrent des effets contrastés des systèmes de culture certifiés ou non en agriculture biologique par comparaison à des systèmes dits conventionnels. Ils soulignent l’importance d’analyser les effets des pratiques viticoles, notamment le degré de perturbation du sol, l’utilisation d’insecticide et le taux de cuivre dans les sols, pour comprendre les liens entre agriculture et biodiversité (en savoir plus).

Zone atelier Plaine & Val de Sèvre de Chize

Dans les paysages agricoles, les prairies sont importantes afin de favoriser la régulation biologique naturelle des ravageurs de cultures.
Ces espaces hébergent les ennemis naturels des ravageurs et contribuent ainsi à une lutte biologique efficace et durable, véritable alternative à l’utilisation de produits phytosanitaires (en savoir plus). 

Et demain ?

Si INRAE s’est d’ores et déjà impliqué dans de nombreux travaux autour des solutions fondées sur la nature, les recherches doivent se développer encore pour accroître les savoirs et les savoir-faire à ce propos. 
Les investigations à mener sont sources de recherches tant disciplinaires qu'interdisciplinaires puisqu'elles conjuguent des approches en écologie, en géosciences et en sciences humaines et sociales.

Il faut également pouvoir montrer les bénéfices apportés par les solutions fondées sur la nature, tout en attirant l’attention sur leurs limites, car tout est une question d’équilibre (p. ex. des végétaux installés sur des enrochements de berges de rivières peuvent permettre d’améliorer leur valeur écologique, mais ne doivent pas remettre en cause leur résistance en cas de trop forte croissance).

Le parc national des Cévennes, vu du Mont Aigoual en direction du nord

Le reboisement spontané de nos montagnes… bon ou mauvais pour la biodiversité ?
« Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». Cette pensée de Pascal pourrait résumer les travaux qu’une équipe de chercheurs a menés, analysant les fondements sociaux, culturels et politiques d’un débat, écologique en apparence, dans quatre aires protégées en France, Espagne et Écosse (en savoir plus).

Bureau de cartogéo-statistique. Ici carte présentant la pollution en plomb des sols.

Pendant plus de 20 ans, des scientifiques INRAE ont étudié la distribution des polluants métalliques dans les sols à proximité d’un ancien site métallurgique. Les teneurs en plomb et zinc, ainsi que leurs répartitions dans ces sols, diffèrent selon l'utilisation des sols. Ces résultats soulignent la nécessité de prendre en compte l’occupation et plus largement la gestion des sols pour mieux comprendre la dynamique des éléments métalliques dans les sols (en savoir plus).

Pluridisciplinaires, multiacteurs, originales du fait de leur caractère multibénéfices... les solutions fondées sur la nature concernent tant les milieux aquatiques que terrestres - sans oublier les milieux d'interface. Elles sont aujourd'hui d'autant plus pertinentes qu'il existe de très nombreuses possibilités de les mettre en œuvre.

Catherine Foucaud-ScheunemannRédactrice

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Freddy Rey Laboratoire des écosystèmes et sociétés en montagne

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