Changement climatique et risques 5 min
Quand les arbres fruitiers perdent le nord mais en subissent le froid !
Pousser suffisamment tôt pour ne pas subir les sécheresses mais pas trop tôt pour ne pas pâtir des gelées, tel est le dilemme des plantes des milieux tempérés. Les équipe INRAE étudient la façon dont les plantes et les arbres adaptent leur développement à la variabilité climatique.
Publié le 15 avril 2021
Pousser assez tôt pour ne pas subir les sécheresses mais pas trop tôt pour ne pas pâtir des gelées...
Au printemps, les feuilles et fleurs se développent à partir des ébauches contenues dans les bourgeons. C'est le débourrement et la floraison, début d'une nouvelle saison de végétation. Ces tissus très hydratés sont extrêmement vulnérables au gel. Après une gelée, des bourgeons végétatifs latents peuvent prendre le relai en puisant dans les réserves d’amidon de la plante. Toutefois, si les boutons floraux sont gelés, il n’y aura pas de nouvelle floraison, et donc de fructification, avant l’année suivante. Les différentes espèces et variétés d’arbres résistent plus ou moins bien au gel, et notamment en fonction de leur vitesse de développement en fin d’hiver sous l’action des températures douces.
Vous avez été témoin de dégâts causés par l'épisode de gel en avril 2022 ?
Les chercheurs du CNRS et d'INRAE ont besoin de votre aide pour évaluer l'ampleur des dégâts afin d’étudier la vulnérabilité des différentes espèces à ces épisodes de gel qui sont de plus en plus fréquents. Partagez vos observations !
Depuis plusieurs années, les dates des principaux stades de développement (débourrement, floraison, maturité des fruits) sont avancées de plusieurs semaines par rapport aux normales. Pour évaluer les conséquences des changements globaux, un réseau de vergers expérimentaux dédié à l’observation des arbres fruitiers a été déployé dans la France entière à l’initiative d'INRAE. Le réseau DIVAE (Dispositif de verger observatoire INRAE) comporte 6 sites répartis sur le territoire français : Angers, Bellegarde, Clermont-Ferrand, Gotheron, Mauguio et Toulenne dans des conditions environnementales différentes. DIVAE permet de contribuer à la compréhension et à la prédiction de l’effet du climat sur la biologie de différentes espèces fruitières (abricotier, cerisier, pêcher, pommier) avec 5 variétés qui balaient la gamme de précocité pour chacune des 4 espèces. En particulier, DIVAE s'intéresse aux caractères liés à la phénologie, qui est l’étude des rythmes saisonniers des organismes vivants déterminés par les variations saisonnières du climat. Ces observations sur arbres fruitiers sont d’ailleurs intégrées dans le cadre plus large de TEMPO, réseau national d’observatoires dédiés à la phénologie de l’ensemble du règne vivant (espèces végétales et animales, exploitées et sauvages).
L’Observatoire des saisons est un programme de recherche participative qui repose sur l'observation des rythmes saisonniers des plantes et des animaux par les citoyens afin de collecter des données utiles à la recherche, notamment pour l’étude du changement climatique et de la biodiversité.
Étudier l’impact de l’évolution climatique sur des espèces d’intérêt pour l’arboriculture
En sélectionnant des variétés très contrastées, ce dispositif permet d’étudier l’impact de l’évolution climatique sur des espèces d’intérêt pour la filière d’arboriculture fruitière et les ligneux en général en discernant la contribution du matériel végétal (génotype), de l’environnement et de leur interaction. Ce dispositif planté en 2015 arrive à maturité et permet d’acquérir des données essentielles quant à l’occurrence d’aléas climatiques sur la phénologie, par exemple débourrement précoce, gelée tardive, stress hydrique, développement des fruits, manque de froid hivernal, floraison. Ce dispositif peut également servir de support à d’autres activités de recherche dès lors qu’elles ne perturbent pas le cycle phénologique des arbres qui est à la base de constitution de ce réseau.
Parmi les différents caractères mesurés par des notations standardisées entre les sites, les stades suivants sont caractérisés : sénescence des feuilles, fructification, floraison, date de débourrement végétatif, durée globale de végétation. La date de sortie de dormance pour l’évaluation des besoins de froid est également réalisée sur certains sites. L’estimation de la maturité est effectuée de différentes manières suivant les espèces (couleur, fermeté, teneur en amidon, en sucres).
Aider à sélectionner les variétés adaptées aux conditions prédites
Ce dispositif permettra de faire des projections pour les futurs vergers dans les différentes régions du pays et d’aider à sélectionner les variétés adaptées aux conditions prédites dans un futur proche à l’échelle des grands bassins de production fruitière. Les principaux risques étudiés sont l’avancée des dates de floraison vis-à-vis des gelées, un étalement de floraison et défaut de débourrement dû à un manque de froid hivernal ainsi que la chute des jeunes fruits à cause du déficit hydrique. Les arboriculteurs sont directement impactés par ces changements.
Les données phénologiques permettent ainsi d’explorer les déterminants physiologiques du fonctionnement et du développement des arbres, tels que la régulation hormonale de l’état de dormance chez différentes variétés de cerisier (Vimont et al., 2021) ou le rôle générique des sucres solubles et de la teneur en eau dans la prédiction de la vulnérabilité au gel chez de multiples espèces (Baffoin et al., 2021). L’objectif du réseau de vergers se construit dans une démarche de science ouverte afin de mettre à disposition de la communauté scientifique et agronomique les données des suivis, via une base de données en libre accès dont deux sites sont déjà disponibles sur data.inrae.fr à Angers et Toulenne.
Contacts:
Coordination technique : Aline Faure et David Lanoue
Animation scientifique : Guillaume Charrier et Bénédicte Wenden
Observateurs terrain
- Angers (UE Horti) : David Lanoue
- Bellegarde (UR GAFL) : Alain Blanc
- Clermont-Ferrand (UMR PIAF) : Aline Faure
- Gotheron (UE RI) : Alexis Rodriguez
- Mauguio (UE Diascope) : Brigitte Montegano
- Toulenne (UE Arbo) : David Allétru
Comprendre la réponse d’un arbre à un environnement thermique fluctuant pour prédire sa vulnérabilité à des accidents thermiques est l’objectif que se sont donné des chercheurs de l’UMR PIAF - Physique et physiologie intégratives de l'arbre en environnement fluctuant (INRAE, univ. Clermont Auvergne).
Cette unité travaille sur les déterminants physiques et physiologiques du fonctionnement et du développement des arbres dans un contexte de changement climatique. Parmi les conditions environnementales, la température (dont les épisodes gélifs), les précipitations et le vent sont des variables dont l’amplitude va s’accroitre dans les décennies à venir en conséquence du changement climatique. Les faux printemps ont des effets immédiats de perturbation (destruction des nouvelles pousses et des fleurs) mais aussi de stress, à plus long terme, affectant la croissance des arbres touchés (affaiblissement par utilisation de réserves). Certains bourgeons meurent, ainsi que certaines parties du cambium (tissu produisant le nouveau bois). Comprendre les mécanismes de survie de ces organes et les stratégies de résilience des arbres pour compenser les dommages induits par ces évènements climatiques extrêmes est un enjeu important pour adapter l'arboriculture aux conséquences du changement climatique. Les résultats de cette expérimentation seront bientôt disponibles.
Changement climatique oblige, les températures augmentent mais varient également plus, engendrant une plus forte probabilité d’épisodes climatiques extrêmes. Cette variabilité climatique est susceptible de provoquer une augmentation de l'exposition des arbres à des épisodes de gel et de sécheresse.
Des scientifiques INRAE ont examiné comment ces deux facteurs de stress peuvent interagir et comment, lorsqu’ils se succèdent, ils pourraient affecter la vulnérabilité ultérieure des arbres à l’un ou l’autre d'entre eux (Charrier et al., 2021). Ils ont également étudié comment ces facteurs peuvent affecter les processus liés à la phénologie des arbres, comme la reprise de croissance, le débourrement, la floraison ou la chute des feuilles. Ils montrent que la combinaison de gel et de sécheresse peut impacter la vulnérabilité de l’arbre par l’intermédiaire de son équilibre hydrique ou de son métabolisme carboné, selon l’échelle de temps considérée. Des modulations du cycle annuel de l’arbre pourraient toutefois nuancer la temporalité de la vulnérabilité à ces facteurs de stress.
Afin de pouvoir prédire de manière robuste l’effet cumulé de ces stress sur la physiologie et la survie des arbres, les scientifiques proposent de reconsidérer les modèles écophysiologiques actuels en intégrant notamment les paramètres de saisonnalité susceptibles d’affecter la phénologie des plantes.