Agroécologie Temps de lecture 6 min
Comment mieux recycler les nutriments en aquaculture : Indicateurs et application à 3 systèmes intégrés
Il est possible de réduire les pertes en nutriments dans les systèmes d’élevage aquacole en favorisant leur réutilisation : c’est le principe de la circularité (concept dérivé de l’économie circulaire). Cela permet non seulement de réduire l’impact environnemental négatif des élevages, mais aussi d’en améliorer les performances de production et l’autonomie. Cette étude présente les grands principes, les indicateurs clés et les résultats concrets d’une telle pratique, en comparant les performances de trois systèmes d’aquaculture intégrée.
Publié le 28 août 2025

Face aux enjeux environnementaux croissants, la circularité des nutriments (concept dérivé de l’économie circulaire) s’impose comme un levier indispensable pour réduire les pertes et la dépendance aux intrants de synthèse (nutriments, fertilisants, etc.) dans l’agriculture et l’aquaculture.
Les chercheurs de L’Université de Wageningen et de l’UMR SAS se sont donné comme objectif de proposer un ensemble d’indicateurs quantitatifs permettant d’évaluer le niveau de circularité des nutriments dans différents systèmes aquacoles. Une revue de la littérature a permis de :
- Définir 6 grands critères de performance des systèmes aquacoles qui dépendent du niveau de circularité des nutriments : productivité, efficacité, autosuffisance, recyclage, régénération des écosystèmes, diversité et complémentarité ;
- Proposer 21 indicateurs simples pour quantifier ces critères (comme le rendement, les pertes de nutriments, ou l’utilisation de coproduits dans les aliments),
Ces indicateurs ont ensuite été mobilisés pour mesurer le niveau de circularité des nutriments dans trois systèmes aquacoles intégrés expérimentaux : un système en aquaponie, un système biofloc, et un système de polyculture en étang, chacun comparé à son équivalent en monoculture.
- Le système en aquaponie (Tilapia + tomate) améliore la productivité et l’efficacité par rapport au système recirculé sans plantes, mais montre une faible capacité de recyclage des nutriments par les plantes ;
- Le système biofloc (Tilapia + micro-organismes) qui utilise une communauté microbienne pour transformer les déchets azotés en biomasse comestible pour les poissons, surpasse le système en eau claire en termes de productivité, d'efficacité, de recyclage (60 % de bioremédiation* de l’azote) et d’auto-suffisance, bien qu’il ne comporte qu’une seule espèce commerciale produite ;
- Le système de polyculture en étang (carpe + rohu, un poisson recherché en Asie) double les rendements par rapport à la monoculture, avec une amélioration marquée de l'efficacité et une légère hausse du recyclage et de l’autonomie en nutriments, grâce à la complémentarité alimentaire des espèces.
Système | Forces | Faiblesses |
---|---|---|
Aquaponie / système recirculé | Bon rendement total (poisson + plante), moins de pertes en azote | Peu de nutriments recyclés par les plantes, faible autonomie |
Biofloc / système eau claire | Très bon recyclage interne, peu de pertes, plus grande autonomie | Plus énergivore, complexité de gestion |
Polyculture / monoculture en étang | Meilleure utilisation de l’alimentation, bons rendements | Recyclage des nutriments modéré, dépend toujours des engrais |
Tous les systèmes intégrés ont fait mieux que les systèmes classiques sur au moins un critère important. Il existe donc différentes voies vers la circularité. Mais les données manquent souvent pour calculer certains indicateurs et les auteurs de cette étude appellent à plus de transparence dans les pratiques aquacoles (composition des aliments, extrants, dépenses énergétiques…). Cette étude ne recommande pas un modèle unique, mais montre qu’il faut adapter les principes de circularité à chaque contexte, en tenant compte des ressources disponibles, des contraintes locales et des débouchés économiques.
Ce travail propose une boîte à outils simple pour mesurer et améliorer le taux d’utilisation des nutriments en aquaculture. Les résultats montrent que l’aquaculture intégrée est prometteuse, à condition de choisir les espèces les plus complémentaires en termes de réseau trophique, de maitriser les techniques d’élevage, incluant un suivi rapproché des paramètres de l’élevage. Les perspectives sont d’étendre cette évaluation à d’autres types de systèmes, tels que l’aquaculture multi-trophique intégrée (AMTI) et d’intégrer ces indicateurs dans des méthodes d’évaluation de la durabilité, incluant les aspects sociaux, économiques et environnementaux.
* La bioremédiation consiste à utiliser des micro-organismes pour dégrader ou métaboliser les contaminants organiques présents dans le sol, les eaux, les boues et les solides.
Références : Chary, K.; Jaeger, C.; Jansen, H.M.; Harchaoui, S.; Aubin, J., 2025. Evaluating nutrient circularity in integrated aquaculture systems: criteria and indicators. Journal of Cleaner Production, 504: 13. - https://doi.org/10.1016/j.jclepro.2025.145414