Changement climatique et risques Temps de lecture 3 min
Changement climatique et qualité des fromages : le rôle central de l’alimentation à l’herbe
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Face aux sécheresses, quels sont les impacts des stratégies d’adaptation des éleveurs laitiers sur la qualité des laits et des fromages ? Des scientifiques INRAE et VetAgro Sup ont mené un essai dans une ferme expérimentale du Massif central pour évaluer les conséquences de l’alimentation de vaches laitières recevant plus ou moins d’herbe et/ou d’ensilage de maïs sur la qualité de fromages de type cantal. Des résultats publiés dans Journal of Dairy Science montrent le besoin crucial de maintenir un niveau minimal d’herbe fraîche dans les rations des vaches laitières pour maintenir la qualité des fromages.
Publié le 05 mai 2025 (mis à jour : 06 mai 2025)

Le changement climatique est à l’origine de sécheresses de plus en plus fréquentes et intenses, qui affectent notamment la quantité et la qualité de l’herbe ingérée par les vaches laitières au pâturage. Dans bien des cas, ces sécheresses peuvent amener les éleveurs à choisir différentes stratégies d’adaptation, qui modifient notamment la ration des vaches. Dans les zones herbagères de moyenne montagne, comme le Massif central, ils misent généralement sur les stocks de foin constitués pour l’hiver. Avec le changement climatique, ces zones deviennent de plus en plus propices à la culture de plantes fourragères, comme le maïs, qui peuvent être introduites dans les rations. Ces pratiques, jusqu’alors marginales dans les zones de production fromagère, posent de nombreuses questions aux filières fromagères locales, dont celle cruciale de la qualité des produits.
Des scientifiques INRAE et VetAgro Sup ont caractérisé les effets de ces pratiques d’adaptation sur la qualité des laits et fromages en menant un essai pendant 4 mois dans une ferme expérimentale INRAE située dans le Massif central. 4 lots de 10 vaches laitières ont reçu des régimes alimentaires caractéristiques des combinaisons de pratiques mises en place par les éleveurs de la région pour s’adapter au changement climatique et aux sécheresses. Deux lots recevaient des rations à base d’herbe pâturée : le premier était alimenté avec 75 % d’herbe pâturée tandis que le second recevait 50 % de foin au bâtiment pour simuler une réduction de la disponibilité en herbe liée à une sécheresse. Les 2 autres lots ont reçu des rations à base d’ensilage de maïs : l’un mangeait 75 % de cette ration et 25 % d’herbe pâturée et l’autre n’avait plus d’herbe accessible au pâturage et recevait 100 % de ration à base d’ensilage de maïs.
Le lait de chaque lot a été collecté pour fabriquer des fromages de type cantal. Différents échantillons de lait et de fromage ont été prélevés et analysés afin de caractériser leurs qualités nutritionnelles et sensorielles. Les résultats montrent que plus les vaches mangent d’herbe, plus les laits et les fromages sont riches en acides gras oméga 3, favorables à la santé humaine. Un jury de 10 consommateurs-experts de l’évaluation sensorielle des fromages cantal a noté le goût, l’arôme, l’odeur et la texture[1] des fromages. Quand les vaches se nourrissent d’herbe au pâturage les fromages sont plus fondants, plus jaunes et plus aromatiques, tandis que lorsqu’elles mangent peu ou pas d’herbe les fromages sont plus blancs, plus fermes et ont des goûts moins prononcés.
Dans les systèmes à base de maïs dont la culture tend à se développer dans les zones de moyenne montagne, la qualité du fromage est fortement détériorée par la suppression de l’herbe pâturée qui pourrait résulter d’une sécheresse. Maintenir de l’herbe fraîche dans les régimes à base de maïs, même en quantité limitée, est donc crucial pour ne pas trop détériorer la qualité nutritionnelle et sensorielle du fromage. Dans les systèmes à base d'herbe, la pratique traditionnelle de complémenter les vaches avec du foin peut permettre de faire face à un épisode de sécheresse tout en ayant un impact plus limité sur les qualités des fromages.
De nombreux autres échantillons, du sol des prairies aux fèces de rats ayant mangé les fromages, en passant par la surface de l’herbe et de la mamelle de la vache, ont également été prélevés. Leur analyse permettra d’évaluer les flux microbiens qui s’opèrent le long de la chaine agri-agroalimentaire selon l’alimentation des vaches et d’étudier comment ces changements de pratiques seraient susceptibles d’impacter le microbiote intestinal des consommateurs. Les résultats seront partagés dans une prochaine publication.
[1] 28 critères ont été évalués, avec une notation de 0 (faible intensité) à 10 (forte intensité) : 1 pour la couleur, 10 pour l’odeur (lactique, fruité, etc.), 4 pour le goût (salé, amer, etc.), 8 les arômes, 5 pour la texture (fondant, ferme, etc.).
L’UE Herbipôle a conduit la présente étude dans le cadre du projet de recherche TANDEM (mené dans le cadre du métaprogramme Holoflux), piloté par l’UMR Fromage. Ce projet a impliqué de nombreux participants : 11 unités impliquant des scientifiques d’INRAE (UMR Herbivores, UREP, UMR GABI, UMR CarMen, UR OPAALE, UMR AgroEcologie, UMR MEDIS, UR LBE, UMR Territoires, UMR Innovation, UR MaIAGE), RMT (réseau mixte technologique) Fromages de terroirs, GIS (groupe d’intérêt scientifique) Filières sous IG, Pôle Fromager AOP Massif Central, chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme, chambre d’agriculture du Cantal, Institut de l’élevage, Interprofession Saint-Nectaire, Comité interprofessionnel fromages cantal, et des producteurs laitiers.
Référence
Bouchon M., Martin B., Bord C. et al. (2025). Adaptation strategies to manage summer forage shortages improve animal performance and better maintain milk and cheese quality in grass- versus corn-based dairy systems. Journal of Dairy Science, DOI: https://doi.org/10.3168/jds.2024-25730