Une avancée pour un diagnostic non invasif du déficit énergétique chez la vache laitière à partir d’échantillons de lait

Chez la vache laitière, un déficit énergétique, période où les apports énergétiques de l’alimentation ne couvrent pas les besoins de l’animal, est souvent synonyme de perte de production laitière. Aussi, leur détection précoce est primordiale, afin que l’éleveur puisse adapter la conduite des animaux en conséquence. Les techniques de détection actuelles sont complexes, car elles nécessitent une prise de sang. Une technique basée sur l’analyse de la composition du lait serait plus intéressante, moins invasive et plus respectueuse du bien-être animal. Le déficit énergétique peut être induit expérimentalement par une restriction alimentaire. Ainsi les chercheurs ont analysé des échantillons de lait provenant d’animaux ayant subi ou non une restriction alimentaire. Dans ces laits, ils ont recherché des composants reflétant de manière robuste l’état énergétique des animaux. Pour cela, ils ont mobilisé des approches d’analyses intégratives innovantes, permettant l’analyse simultanée de plusieurs catégories de molécules dans les deux expérimentations. Ces travaux ont permis d’identifier plusieurs molécules dans le lait qui traduisent l’état physiologique de l’animal. De prochaines études pourront valider si elles peuvent être dosées dans le lait de manière fiable en routine, et ainsi devenir un outil pour le suivi des animaux par les éleveurs.

Publié le 05 novembre 2025

© Adapté de Leduc et al.

Les vaches laitières sont sujettes à des déficits énergétiques qui impactent la production laitière. Le déficit énergétique est observé quand les apports énergétiques de l’alimentation ne couvrent pas les besoins de l’animal. Il peut être lié à l’état physiologique de celui-ci, par exemple en début de lactation, ou être d’origine environnementale, comme en cas de pénurie alimentaire.

Actuellement les méthodes de détection du déficit énergétique sont peu optimales pour une utilisation en élevage car elles reposent sur des analyses sanguines. Afin de rendre la détection plus simple et moins invasive, des recherches ont été réalisées pour identifier de nouveaux biomarqueurs mesurables directement dans le lait.

Pour réaliser ces travaux, les chercheurs ont analysé des échantillons de lait provenant de vaches en lactation ayant reçu des rations alimentaires provoquant un déficit énergétique. Ces échantillons proviennent de deux protocoles expérimentaux distincts, réalisés dans les fermes expérimentales d’INRAE, chacun induisant des niveaux de déficits énergétiques différents. Une large gamme de composants présents dans le lait — tels que les métabolites, les microARN, les protéines et les cellules épithéliales mammaires — a été quantifiée. Une fois ces catalogues obtenus, les scientifiques ont cherché les composants dont les concentrations varient en fonction de l’état énergétique des animaux.

Pour la première fois, une caractérisation fine de la composition du lait en fonction de l’état énergétique des vaches en lactation a ainsi été réalisée. Grâce aux technologies haut-débit, une description exhaustive a pu être obtenue pour certains composants, notamment les protéines et les microARN. En combinant des méthodes multivariées intégratives exploratoires et prédictives, les chercheurs ont adopté une approche globale qui a révélé des motifs communs robustes entre les différents composants du lait et les protocoles expérimentaux. Cette analyse intégrative a permis de mieux comprendre l’impact des déficits énergétiques sur la composition du lait, en identifiant des molécules dont les concentrations varient en fonction de l’état énergétique des animaux. Elle offre ainsi une double perspective : d’une part, elle permet d’appréhender les voies métaboliques affectées dans la glande mammaire, organe de production du lait, lors de déficits énergétiques, puisque le lait reflète les processus biologiques qui s’y déroulent ; d’autre part, elle fournit une liste de molécules candidates qui pourront servir de biomarqueurs de l’état énergétique des vaches laitières, telles que le lactose, l’isocitrate, la sérotransferrine ou encore certains microARN.

Ce travail permet de mettre à disposition des composants du lait associés à l’état énergétique des vaches laitières pendant la lactation. La prochaine étape ? Identifier parmi ces composants lesquels sont les plus prometteurs en tant que biomarqueurs : les plus faciles, rapides, peu invasifs et peu chers à mesurer de façon précise et reproductible à la ferme. A terme, l’objectif est d’aboutir à un outil pratique permettant aux éleveurs de suivre le déficit énergétique de leurs vaches laitières.

Partenaires INRAE de l'étude : Idele, UMT Riel « Recherche et Ingénierie en Elevage Laitier », les plateformes PAPPSO et Excilone.

Financeurs : Casdar-RT projet BioMarq’Lait et bourse Cifre Idele et ANRT pour le financement de la thèse d’A. Leduc. 

Références :

  • Leduc A., Rau A., Laloë D., Le Guillou S., Martin P., Gele M., Pires J, Faulconnier Y., Leroux C., Boutinaud M. and Le Provost F., Integrated multi-omic analyses of bovine milk identify biomarkers of negative energy balance, Molecular Omics, 2025, 24, 680.
  • Billa P.A., Faulconnier Y., Larsen T., Leroux C. and Pires J., J Dairy Sci, 2020, 103, 3133-3146.
  • Leduc A., Le Guillou S., Laloë D., Herve L., Laubier J., Poton P., Faulconnier Y., Pires J., Gele M., Martin P., Leroux C., Boutinaud M. and Le Provost F., BMC Genomics, 2023, 24, 680.
  • Leduc A., Le Guillou S., Bianchi L., Correia L.O., Gelé M., Pires J., Martin P., Leroux C., Le Provost F. and Boutinaud M., Sci Rep, 2022, 12, 18886.

Contacts

Fabienne Le Provost

Directrice de recherche

UMR GABI

Le centre

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