Dossier revue

Alimentation, santé globale

Qu'est-ce qui vous fera acheter ces produits d'un goût nouveau ?

Stéphan Marette étudie comment le goût influence les décisions d’achat et l’impact des informations liées à la santé et à l’environnement. Il met en lumière les leviers et les freins à l’adoption de produits plus durables et sains.

Publié le 05 mars 2025

Entretien avec Stéphan Marette, économiste à INRAE, directeur de l'UMR Paris-Saclay Applied Economics.
 

Comment le goût peut-il inciter les consommateurs à payer pour un produit ?

On observe un lien très fort entre ce qui est hédonique, c’est-à-dire le plaisir que procure un aliment, et ce que les consommateurs sont prêts à dépenser pour ce produit. De nombreuses études démontrent que ces deux critères sont très fortement corrélés. Par ailleurs, le goût semble marqué par l’habitude : lorsqu’ils dégustent à l’aveugle, les participants tendent à préférer les produits qui ressemblent à ce qu’ils connaissent déjà. Dans une récente étude sur des « fromages » à base de lait et de pois, nous avons fait goûter trois mélanges aux consommateurs : un produit contenant 25 % de protéines de pois, un autre 50 % et un troisième 75 %. Les participants ont largement préféré celui qui ressemblait le plus à un fromage classique : le mélange à 25 % de protéines de pois. Même constat lors d’une étude comparant le choix entre des saucisses au porc et des saucisses végétales.

La disposition à payer est-elle influencée par d’autres facteurs ?

En communiquant sur les bienfaits pour la santé et pour l’environnement, nous avons remarqué, dans deux études, qu’il était possible de modifier partiellement les préférences des participants. Dans l’exemple des « fromages » incluant des protéines de pois, après dégustation à l’aveugle, il a été précisé que le pois permettait d’économiser des ressources, qu’il polluait moins et possédait des vertus nutritives intéressantes. Les consommateurs étaient ensuite prêts à payer plus cher pour les produits contenant 25 à 50 % de protéines de pois (les produits les plus appréciés). Avec les saucisses végétales, nous avons montré l’emballage et dévoilé un message axé sur la santé à un groupe, et un message axé sur l’environnement à l’autre groupe. Suite à la révélation des informations, les dispositions à payer des deux groupes ont augmenté, avec une hausse plus marquée pour celui recevant le message santé. Cela montre que les consommateurs sont réceptifs aux messages, surtout en matière de santé.

Face à ces résultats, quels sont les défis pour introduire de nouveaux produits plus sains et plus durables sur le marché ?

L’un des plus grands défis est de changer les habitudes alimentaires des consommateurs. Même si les informations sur les produits améliorent, au cours des expériences menées en laboratoire, les dispositions des personnes à payer, il y a toujours des biais qui entourent ce type d’expériences. La transition est plus difficile à mener en conditions réelles : les routines alimentaires et les préférences sont très ancrées, et elles évoluent lentement. La préférence pour le gras ou le sucré est, par exemple, très complexe à modifier. On observe que les mesures incitatives, comme les taxes sur les sodas sucrés, les labels ou l’étiquetage NutriScore, conduisent à des changements de consommation ou à des améliorations de la qualité des produits. Des travaux économétriques montrent que ces outils ont des impacts significatifs, mais souvent limités sur les quantités consommées ou la qualité des aliments. Par ailleurs, le fort intérêt de la population pour des produits plus sains pour la santé et l’environnement ne se retrouve pas forcément dans les achats réguliers des consommateurs. Et les consommateurs ne se montrent pas forcément réceptifs aux nouveaux produits qui apparaissent sur le marché chaque année. Cela requiert du temps et une attention particulière donnée à l’appréciation des nouveaux produits ainsi qu’à leur prix.

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