Dossier revue

Société et territoires

Réutiliser les eaux usées traitées, ça s’expérimente !

Il y a la théorie en laboratoire, mais il y a aussi la pratique ! INRAE dispose de plusieurs sites expérimentaux pour  tester, grandeur nature, des solutions pour mieux traiter les eaux usées et mieux les réutiliser. Améliorer les performances des stations d’épuration, se servir des plantes pour assainir l’eau, tester l’irrigation avec des eaux usées traitées… Découvrez en images des exemples d’expérimentations menés à INRAE.

Publié le 02 septembre 2025

Au cœur des labos

Des Solutions fondées sur la Nature pour traiter les eaux usées

La plateforme de recherche et développement REFLET située à Craponne (Rhône) développe des systèmes à base de végétaux pour traiter et valoriser des eaux usées, des boues et des rejets urbains en temps de pluie. 9 casiers de 20 m2 chacun permettent de tester différents procédés à une échelle semi-industrielle pour répondre aux problématiques auxquelles sont confrontés nos partenaires (bureaux d’études, entreprises, maîtres d’ouvrage).

Unité de recherche REVERSAAL – Centre INRAE Lyon-Grenoble-Auvergne-Rhône-Alpes.

Des mini-stations d’épuration

 

 

 

Près de Lyon, la plateforme de recherche de la Feyssine (Rhône) est une installation unique en France de 150 m2 qui héberge de petites stations d’épuration. La plateforme comporte en fixe 2 stations de taille semi-industrielles de traitements biologiques et 4 filtres plantés de roseaux. Elle accueille temporairement d’autres systèmes suivant les projets de recherche. Grâce à son implantation proche de la station d’épuration de Lyon, la plateforme dispose en permanence d’eaux usées « fraîches » et de boues à différents stades de traitement. Ainsi, la qualité de l’eau issue des petites stations suivies est mesurée à chaque étape, par sondes en temps réel, ou dans les laboratoires attenants au hall de la Feyssine.

Unité de recherche REVERSAAL – Centre INRAE Lyon-Grenoble-Auvergne-Rhône-Alpes.
 

La REUT grandeur nature

 

À Murviel-lès-Montpellier (Hérault), INRAE dispose d’une plateforme pour tester la réutilisation des eaux usées traitées. Elle est composée d’une parcelle irriguée de 0,5 ha sur laquelle poussent des vignes, de la luzerne et des arbres fruitiers. Les eaux usées traitées provenant de la station d’épuration voisine sont utilisées par un agriculteur pour irriguer une partie de la parcelle en système goutte-à-goutte. La plateforme teste également en conditions contrôlées un filtre planté bio-augmenté pour réduire les contaminants pharmaceutiques des eaux usées. Un projet en collaboration avec HydroSciences Montpellier.

Unité G-EAU (Gestion de l’eau, acteurs, usages) – Centre INRAE Occitanie-Montpellier.

Des systèmes végétalisés pour protéger les rivières à l’étiage

 

Les eaux usées traitées, si elles ne sont pas réutilisées pour la REUT, sont rejetées dans le milieu naturel (cours d’eau, mer, sol, etc.). Un site expérimental a été construit 
à Bègles (Gironde) dans le cadre du projet Biotrytis pour tester des zones de rejet végétalisées (ZRV) qui sont placées entre la station d’épuration et le milieu de rejet. 
Le site comprend 6 zones de rejet végétalisées de taille semi-industrielle de trois types différents (« prairie », « fossé » et « autres ») alimentées par des eaux usées, et équipées pour réaliser des prélèvements d’eau et de solides (dépôts, sols, végétaux). Les ZRV permettent de protéger les milieux récepteur de surface des rejets des STEU, notamment lorsque les cours d’eau sont bas.

Unités REVERSAAL et Riverly – Centre INRAE Lyon-Grenoble-Auvergne-Rhône-Alpes. 
Unité Opaale – Centre INRAE Bretagne-Normandie.

« Les STEU devront être plus performantes et moins énergivores ». Entretien avec Sylvie Gillot

 

Les stations de traitement des eaux usées (STEU) vont devoir s’adapter à la réglementation, améliorer leur bilan énergétique et leurs performances écologiques. Éclairage de Sylvie Gillot, spécialiste du traitement biologique des eaux usées, directrice de recherche à l’unité Réduire, valoriser, réutiliser les ressources des eaux résiduaires (REVERSAAL) d’INRAE.

Comment évolue la réglementation pour les STEU ? 

La réglementation européenne est devenue plus exigeante en 2024. Elle prévoit notamment pour les STEU de plus de 150 000 équivalents-habitants (EH) de revoir les seuils de concentration en azote et en phosphore 1, une obligation de traitements quaternaires pour dégrader les micropolluants (filtre sur charbon actif ou ozonation) avec le suivi d’au minimum 6 micropolluants sur une liste de 12. Elle prévoit également la neutralité énergétique au niveau national pour les STEU à partir de 10 000 EH d’ici 2045. Les STEU devront donc être à la fois plus performantes et consommer moins d’énergie : un défi de taille que de concilier ces deux objectifs ! En effet, renforcer les traitements est énergivore. Un audit énergétique détaillé obligatoire permettra d’équilibrer les différents postes pour atteindre la neutralité énergétique suivant les caractéristiques de chaque STEU (aération des boues, pompage, séchage des boues à éliminer, etc.). Notre équipe a développé un outil de pré-diagnostic énergétique, Énergie STEP, qui compte plus de 300 utilisateurs (collectivités, bureaux d’études…).
1. Celui de l’azote en sortie de STEU passe de 10 à 8 mg/L, celui du phosphore passe de 1 à 0,5 mg/L.

Quelles sont les principales innovations ?

La station d’épuration de demain devra également valoriser les ressources contenues dans les eaux résiduaires, selon les principes de l’économie circulaire : matière organique, nutriments, métaux et, bien sûr, l’eau elle-même, via la réutilisation des eaux usées traitées (REUT). Par exemple, on travaille des procédés permettant de valoriser la matière organique des boues en optimisant leur transformation en biométhane, source d’énergie. Pour améliorer encore le bilan énergétique, on étudie également un type de bactéries particulières qui dégradent l’azote en consommant moins d’oxygène. La surveillance du devenir des molécules devra bénéficier des innovations numériques. La modélisation peut permettre de simuler le devenir de nouvelles molécules à surveiller telles que les micropolluants. L’intégration de l’ensemble de ces paramètres permettra de modéliser la STEU de demain, ou même d’après-demain, sous forme d’un jumeau numérique pour tester des scénarios d’optimisation en temps réel.

… Et pour après-demain ?

Toujours pour mieux valoriser les ressources des eaux usées, des procédés de pointe sont à l’étude. Par exemple, les procédés bioélectro-chimiques couplent des microbes avec des circuits électriques pour produire à partir de biodéchets des molécules d’intérêt pour la chimie verte ou les biocarburants. Une innovation majeure consisterait également à trier les eaux en amont de la STEU : on pourrait ainsi traiter séparément l’urine, qui apporte 80 % de l’azote à éliminer, tout en produisant un fertilisant liquide. On pourrait de même récupérer le phosphore des fèces sans le diluer. Enfin, la séparation des réseaux d’eaux pluviales et d’eaux domestiques est en cours dans de nombreuses collectivités, comme la métropole de Lyon. Elle constitue un véritable défi en matière de travaux et de coûts d’investissement, mais s’avère nécessaire pour éviter de sur-dimensionner les STEU, comme c’est le cas aujourd’hui pour absorber les afflux d’eaux (usées et pluviales) lors de fortes pluies, un fonctionnement coûteux sur le plan énergétique et qui pénalise le traitement.
 

Le département