Surveillance renforcée après l’arrivée confirmée de la cicadelle africaine dans les vignobles français

Venue d’Afrique du Nord, une cicadelle longtemps passée inaperçue s’installe désormais dans plusieurs régions viticoles françaises. Ses dégâts spectaculaires ont surpris les professionnels, avant que son identité ne soit confirmée par les chercheurs. Au cœur de cette découverte, le réseau participatif OVNI, qui collecte et analyse des pièges à l’échelle du pays. Grâce à cette veille collective, la filière commence à comprendre l’ampleur de la menace et à anticiper sa progression.

Publié le 20 novembre 2025

© INRAE, Lionel Delbac

La découverte de la cicadelle africaine en France n’a rien d’un hasard. Elle est le résultat d’une veille minutieuse menée par le réseau participatif OVNI (Observatoire des insectes nuisibles endémiques ou invasifs du vignoble), qui s’appuie sur une soixantaine de partenaires sur tout le territoire. « Tout part des pièges », indiquent Lionel Delbac et Adrien Rusch, chercheurs INRAE à l’unité SAVE (Santé et Agroécologie du Vignoble). C’est à partir de simples pièges jaunes englués, installés par les partenaires selon un protocole bien défini, que tout commence. Une fois collectés puis envoyés au laboratoire, ils revêtent un intérêt majeur : chaque insecte y est observé, trié et examiné à la loupe binoculaire. Et c’est en examinant une série de pièges envoyés de Corse en 2023 que les scientifiques ont repéré des cicadelles… « un peu trop nombreuses, un peu trop différentes » selon Lionel Delbac. L’analyse moléculaire, effectuée par Jean-Claude Streito, entomologiste à INRAE, confirmera : Jacobiasca lybica, la cicadelle africaine est bien là !

Pourtant, les premiers signaux remontaient déjà à 2019. Dans la plaine d’Aléria, les partenaires corses décrivaient des grillures étranges, plus sévères que celles attribuées à la cicadelle des grillures (Hebata vitis). Des feuilles entières desséchées, comme brûlées. À l’époque, personne n’imaginait la présence d’une espèce venue d’Afrique du Nord. C’est l’intensification de ces symptômes, puis l’alerte donnée au début de l’été 2024, qui ont conduit à renforcer la surveillance. Et lorsque les pièges des Pyrénées-Orientales et du Var ont révélé à leur tour la présence de l’insecte en 2024, les échanges entre partenaires et chercheurs se sont accélérés : nouvelles poses de pièges, vérifications, confirmations.

Jacobiasca lybica est un petit insecte de 3 à 4 millimètres, très ressemblant à la cicadelle des grillures présente en Europe qui est responsable d’un dessèchement modéré du feuillage. En piquant les tissus qui transportent la sève élaborée, Jacobiasca lybica provoque d’abord des décolorations, puis un dessèchement parfois complet des feuilles. Dans les cas les plus sévères, les parcelles semblent brûlées. La photosynthèse s’effondre, le degré des raisins chute, et les ceps peinent à reconstituer leurs réserves. En Corse comme sur la Côte Vermeille, certains cépages s’avèrent particulièrement sensibles.

Face à ce ravageur émergent, les leviers restent maigres. Les insecticides classiques n’offrent qu’une efficacité partielle, le kaolin, une substance minérale naturelle, protège sans convaincre, et les pistes biologiques, notamment l’action du micro-hyménoptère Anagrus atomus, demandent encore à être explorées. D’ici là, les chercheurs misent sur ce qui a permis la découverte : un réseau dense, des partenaires impliqués et un suivi attentif. OVNI devrait prochainement être renforcé, mieux documenté, enrichi d’images et d’outils innovants d’aide à l’identification moléculaire. Parce qu’anticiper l’expansion de cette cicadelle africaine est devenu un enjeu majeur pour la filière viticole.
 

Arnaud Ridel

Rédacteur

Département Santé des Plantes et Environnement

Contacts

Lionel Delbac

Ingénieur

Santé et Agroécologie du Vignoble (SAVE)

Adrien Rusch

Chercheur

Santé et Agroécologie du Vignoble (SAVE)

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