illustration Gwenaël Vourc’h : plus que jamais pour une seule santé
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Alimentation, santé globale 5 min

Gwenaël Vourc’h : plus que jamais pour une seule santé

Directrice de recherche à l’unité mixte de recherche Epidémiologie des maladies animales et zoonotiques (EPIA), Gwenaël Vourc’h se consacre depuis près de 20 ans à l’écologie, à la biodiversité et aux maladies infectieuses émergentes. Des sujets plus que jamais d’actualité avec la pandémie de Covid-19, qui met en lumière l’urgente nécessité de considérer la santé de l’être humain comme indissociable de celle de nos écosystèmes.

Publié le 21 septembre 2021

Devenir vétérinaire : voilà un rêve de petite fille qui chez Gwenaël Vourc’h, ne relevait pas de la rêverie. Championne de France de voltige équestre, attirée par la nature et les soins aux animaux, la jeune femme rejoint l’Ecole nationale vétérinaire d’Alfort après ses études secondaires. Mais rapidement émerge son inclination pour la recherche : « L’un de mes professeurs m’a conseillé l’écologie », se souvient Gwenaël. A l’université, cette science qui étudie les relations entre tous les organismes vivants qui construisent la biodiversité la stimule effectivement : « L’enseignement se concentrait non sur la connaissance, mais sur la compréhension des phénomènes en replaçant le fonctionnement des organismes dans leur écosystème ».

La tique, un modèle d’étude dépendant de l’environnement

aborder les relations entre les organismes vivants et leurs évolutions

Pour son doctorat, Gwenaël étudie les interactions entre les cerfs et les thuyas dont ils se nourrissent sur des îles à l’ouest du Canada. Elle montre comment l’introduction de ces grands herbivores sur les lieux exerce une pression de sélections très forte sur ces arbres. Ses travaux lui donnent « les bases méthodologiques pour aborder les relations entre les organismes vivants et leurs évolutions ». Lors d’un cours qu’elle suit à Vancouver, elle s’arrête sur un article sur la modélisation du cycle de vie des tiques, de la larve à la nymphe puis à la phase adulte. « J’ai compris que la tique était un bon modèle d’étude pour moi de par la complexité de son cycle et les relations en cascade entre les tiques, la faune sauvage et l’environnement. ».

Maladies transmises par les animaux : un enjeu de santé publique

De retour en France, Gwenaël rejoint l’unité EPIA de l’Inra, devenu depuis INRAE, qui se consacre à l’épidémiologie des maladies animales et zoonotiques, ses liens avec l’écologie, les changements globaux et les évolutions des pratiques d’élevage. Elle peut ainsi réunir les champs de la pathologie et de l’écologie évolutive qu’elle avait étudiés : « Ces maladies, qui témoignent d’une dynamique entre des agents pathogènes, des hôtes, des vecteurs et l’environnement, posent des problèmes majeurs de santé publique et vétérinaire », explique Gwenaël.

Parmi ces vecteurs de transmission, il y a les moustiques. En étudiant l’épidémie de chikungunya en 2006, elle découvre des traces du virus chez les lémurs à Mayotte. Il y a aussi les tiques. En 2007, elle part modéliser les densités de tiques infectées par les bactéries Borrelia, responsables de la maladie de Lyme, au Laboratoire d’Ecologie vectorielle de l’Université de Yale. A son retour en France une année plus tard, elle devient directrice adjointe de l’EPIA et continue sur sa lancée en s’associant avec de nombreux autres chercheurs. Ses travaux sur les variations des populations de tiques à différentes échelles (sur un site, une région, un pays…) et au fil des saisons dévoilent leur lien étroit avec la végétation à proximité et les hôtes sauvages nourriciers. Ils montrent qu’en France, les tiques sont de plus en plus actives en hiver et que celles des zones méditerranéennes se propagent désormais vers le nord. Gwenaël et ses collègues étudient également la diversité des Borrelia et leur circulation entre espèces : les rongeurs, les oiseaux, mais aussi l’écureuil de Corée, récemment introduit en France. Il y a enfin les rats, dont elle scrute la diversité génétique et le risque de transmission d’agents pathogènes dans des parcs d’Ile-de-France.

En 2013, Gwenaël prend la direction de l’unité qui en 2017, devient une unité mixte de recherche (Epidémiologie des maladies animales et zoonotiques) avec VetAgro Sup. Cette collaboration renforce son approche « One Health » qui conçoit la santé de l’être humain comme intimement liée à celle des animaux, des plantes et plus largement, des écosystèmes dans lesquels la vie évolue.

 Ressentir « dans sa chair » les problématiques environnementales

il faut revisiter notre relation avec les êtres vivants

En 2018, Gwenaël prend un congé pour un projet personnel. Toute sa famille s’envole pour l’Amérique du Sud et « envourc’he » son vélo pour parcourir le continent pendant toute une année. « Dans la recherche, on a tendance à intellectualiser les choses » admet Gwenaël. « Ce voyage m’a permis d’être dans le vécu : voir de ses propres yeux la diminution des glaciers et le recul de la forêt amazonienne, dialoguer avec des éleveurs qui subissent des changements climatiques au fin fond de la Bolivie, c’est concret et marquant ». Elle revient à INRAE confortée dans l’importance de ses choix de thématiques et convaincue « qu’il faut revisiter notre relation avec les êtres vivants ». Aujourd’hui, Gwenaël termine un livre et le montage d’un film qui retrace son extraordinaire expérience.

Covid-19 : un tournant pour la gestion du risque de maladie émergente

En 2020, la pandémie de Covid-19 surprend le monde entier, y compris les scientifiques. « Bien que nous chercheurs, étions conscients des risques de maladies émergentes, cette crise m’a tout de même sidérée par sa fulgurance et son ampleur », reconnaît Gwenaël. « Elle incite à l’humilité : presque deux ans plus tard, nous ne sommes toujours pas sûrs de son origine ».

Cette pandémie dirige une vive lumière sur les problématiques auxquelles elle se consacre depuis des années : en avril 2020, sa conférence sur les maladies émergentes, les zoonoses et les changements environnementaux pour l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) réunit 900 auditeurs. Elle entraîne dans son sillage de nombreuses sollicitations pour des communications sur ces sujets dans les médias, auprès du grand public, des scientifiques, des grandes écoles ou du Parlement. Elles mèneront également à la publication d’un livre sur les zoonoses. Désormais, Gwenaël est responsable de l’animation scientifique pour INRAE du programme Prezode qui vise à prévenir les risques d’émergences zoonotiques.

Mini CV

47 ans, mariée, 3 enfants.

Formation

  • 1997 : Diplôme d’Etudes fondamentales vétérinaires (Ecole nationale vétérinaire
  • d’Alfort)
  • 1998 : DEA de Biologie de l’évolution et écologie (Université Montpellier II)
  • 2001 : Doctorat de Biologie de l’évolution et écologie (Université Montpellier II)

Parcours

  • 2003 : Chargée de recherche à l’Unité EPIA
  • 2007 : Chercheur en mobilité au Laboratoire d’Ecologie Vectorielle, Département
  • d’Epidémiologie et Santé Publique, Université de Yale (USA)
  • 2008 : Directrice adjointe de l’unité EPIA
  • 2009 : Habilitation à diriger des recherches (HDR)
  • 2013 - 2018 : Directrice de l’unité EPIA (devenue UMR EPIA en 2017)
  • 2019 – présent : Directrice adjointe de l’UMR EPIA

2021 : Chevalier de l’Ordre de la Légion d’Honneur (promotion civile du 01 janvier 2021, contingent du Ministère de la Transition Ecologique).


Emmanuelle ManckRédactrice

Contacts

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