Alimentation, santé globale 4 min

Faire renaître l’appétit et le plaisir de manger en Ehpad

Découvrez une expérimentation scientifique originale autant qu’une aventure humaine avec les résidents et personnels d’une maison de retraite en Bourgogne. Les travaux présentés dans ce reportage vidéo ont pour objectif d’identifier les profils des mangeurs, en particulier les petits mangeurs, pour adapter l'offre alimentaire aux besoins et aux capacités de la personne et in fine diminuer le risque de dénutrition des séniors dépendants. Ils ont été copilotés par l’Inra (CSGA) et le CHU de Dijon dans le cadre du projet Renessens.

Publié le 09 octobre 2018

illustration Faire renaître l’appétit et le plaisir de manger en Ehpad
© INRAE

Pourquoi le projet Renessens ?

Perdre du poids après 70 ans n’est pas anodin

Claire Sulmont-Rossé :  Plus de 80 % des personnes âgées en maison de retraite ne satisfont pas à leurs besoins caloriques et protéiques parce qu’elles ne mangent pas assez. Ce projet fait suite au projet Aupalesens où nous avions montré qu’une personne sur 2 en Ehpad était dénutrie ou à risque de dénutrition. La question est : comment diminuer la prévalence de la dénutrition en maison de retraite ?

Virginie Vanwymelbeke : Contrairement aux idées reçues, le petit mangeur n’est pas une personne qui mangerait très peu du plat principal et mangerait « normalement » le reste du repas. En maison de retraite, le petit mangeur mange peu de tout et laisse dans son assiette de grosses quantités. Nous avons donc développé une intervention consistant à dépister les petits mangeurs en institution, puis à leur proposer une offre alimentaire adaptée à leur capacité d’ingestion pour leur permettre de couvrir leurs besoins nutritionnels. En vue de tester l’efficacité de cette intervention, nous avons mis en place une étude clinique nous permettant de suivre l’état de santé et l’état nutritionnel des personnes âgées, mais aussi d'évaluer le coût-bénéfice de l’enrichissement des aliments et son impact sur la réduction du gaspillage alimentaire.

Quels sont vos premiers résultats ?

V. Vanwymelbeke : Au-delà des attendus scientifiques, l’étude nous a permis de tisser des liens forts avec l’équipe de l’établissement. Nous avons travaillé avec l’équipe hôtelière pour les aider à repérer les personnes en perte de poids et alerter le personnel soignant. Les cuisiniers ont été formés à de nouvelles textures, aux sources d’enrichissement et en même temps sensibilisés aux notions de plaisir et de sensorialité. Six mois après, les résultats sont visibles dans les assiettes : les plats mixés sont visuellement plus appétissants et les assiettes se vident davantage.

C. Sulmont-Rossé : Les résultats du projet Renessens seront rendus publics lors du colloque de restitution qui aura lieu à Paris en novembre. Les toutes premières analyses sur un marqueur sanguin de la dénutrition, la pré-albumine, montre une amélioration dans l’Ehpad expérimentale de Nolay, alors que la situation s’aggrave dans l’Ehpad contrôle, n’ayant pas bénéficié de l’intervention : le nombre de résidents sévèrement dénutris passe de 35 % à 26 % dans l’Ehpad expérimentale, alors qu’il passe de 34 % à 44 % dans l’Ehpad contrôle.

Et après Renessens ?

C. Sulmont-Rossé :  Deux autres études sont menées en parallèle. L’une chez les personnes qui ont recours au portage de repas à domicile et la seconde avec des personnes âgées bénéficiant d’une aide pour la préparation des repas par un proche ou une aide-ménagère.
D’ici la fin de l’année, nous allons également démarrer un nouveau projet, le projet Engage, pour permettre aux personnes âgées vivant en maison de retraite de se ré-impliquer dans leur alimentation. Comment leur offrir du choix au moment du repas, comment les impliquer dans la préparation du repas ?

V. Vanwymelbeke : L’ensemble de ces données nous permettra d’évaluer l’impact de l’intervention sur le statut nutritionnel, l’état de santé et de forme des résidents. Des publications scientifiques sont en cours mais aussi des articles de vulgarisation à destination des professionnels. Il y a une vraie demande des établissements de bénéficier de l’expertise scientifique. La formation des professionnels est très importante dans ce sens où elle les aide à comprendre pourquoi s’engager dans cette démarche.

Que vous a apporté votre collaboration INRAE-CHU ?

V. Vanwymelbeke : Une complémentarité de disciplines. INRAE a un accueil scientifique avec des thèmes de recherche différents de l’enfance à la personne âgée. Claire apporte ses compétences sur la physiologie du goût et son approche sur la sensorialité va au-delà de la nutrition médicale. Renessens est un projet ambitieux et innovant d’un point de vue scientifique.

Nos semaines en « immersion » sont en fait une aventure humaine extraordinaire avec les résidents avec lesquels nous avons tissé de vrais liens, mais aussi avec le personnel. Et entre nous, c’est un vrai travail d’équipe sur le terrain. C’est ce qui rend le projet Renessens particulièrement fort en émotions et riche d’un point de vue humain. L’équipe de Claire est bienveillante et empathique. Nous avons eu un rôle ponctuel auprès des personnels en leur apportant un autre regard sur leurs activités et leur permettant de partager leur quotidien.

C. Sulmont-Rossé :  La richesse de notre partenariat, c’est notre vision partagée d’allier nutrition et plaisir à manger. C’est pourquoi nous avons interrogé les résidents sur leurs préférences ou aversion à manger des soupes, des fromages… pour proposer quelque chose qu’ils apprécient. Sinon, c’est l’échec assuré.
J’avais un peu travaillé sur les seniors sous l’angle de la perception, du goût, des mécanismes cognitifs. J’ai souhaité développer une autre direction vers l’alimentation avec Virginie qui connait très bien à la fois le monde de l’institution et la nutrition de la personne âgée.

La dénutrition coûte cher à la société, elle majore les coûts de santé dans un contexte de population vieillissante. C’est une motivation pour un chercheur. Mais, l’objectif, c’est aussi d’améliorer l’alimentation de nos aînés. Cette valeur éthique, nous l’avons partagée avec l’ensemble de l’équipe et Virginie.

Le vrai-faux de la dénutrition

Patricia LéveilléRédactrice

Contacts

Claire Sulmont-RosséCentre des Sciences du Goût et de l'Alimentation

Virginie VanwymelbekeCHU Dijon

Le centre

Le département

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