Agroécologie Temps de lecture 4 min
Douleur, souffrance, conscience : mieux les identifier chez les animaux
A la lumière des connaissances scientifiques internationales, deux expertises collectives d’INRAE ont permis de mieux définir la douleur et la conscience chez les animaux. Les chercheurs s’emploient aussi à évaluer le niveau de douleur pour ajuster les traitements antalgiques et à étudier des alternatives pour supprimer les pratiques douloureuses.
Publié le 08 août 2021

Expertise scientifique collective sur la douleur animale
INRAE a conduit, à la demande des ministères en charge de l’Agriculture et de la Recherche, une expertise scientifique collective sur la douleur chez les animaux de ferme. Cette expertise, restituée en 2009, a permis de définir la douleur par rapport à des notions voisines telles que la souffrance ou le stress et de recenser les outils pour l’identifier et la mesurer. L’expertise identifie aussi des solutions pour supprimer ou au moins soulager les douleurs dans une démarche qualifiée de "3S", pour supprimer, substituer, soulager les douleurs. La douleur au moment de l’abattage a fait l’objet d’une analyse spécifique.
Lire l’article : Douleurs animales : les identifier, les comprendre, les limiter chez les animaux d’élevage
Expertise scientifique collective sur la conscience animale
INRAE a réalisé une expertise scientifique collective sur la conscience animale, à la demande de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA). Restituée en 2017, cette expertise éclaire et actualise les connaissances sur un périmètre que n’avait pas pu prendre entièrement en compte l’expertise sur la douleurs animale. La conscience pourrait être décrite comme le produit émergent de plusieurs compétences : percevoir, mobiliser de l’attention, mémoriser, éprouver des émotions et évaluer une situation. Les connaissances accumulées au niveau international témoignent de formes de conscience animale complexes, particulièrement chez les vertébrés, dont les primates, corvidés, rongeurs et ruminants. Ces derniers disposent d’une mémoire autobiographique – ou épisodique - et peuvent ainsi avoir des désirs et des objectifs qui concernent le passé ou l’avenir.
Lire l’article : Conscience animale : des connaissances nouvelles
Savoir distinguer et évaluer les états mentaux des animaux
Les expertises scientifiques collectives conduites par INRAE sur la douleur et la conscience animale ont permis de mieux différentier des états mentaux proches tels que stress, douleur, souffrance, conscience, à partir de leurs manifestations physiologiques et/ou comportementales.
Stress | Douleur | Souffrance | Conscience |
Réaction non spécifique de l’organisme à tous types d’agressions (froid, maladie, menace…) |
Expérience sensorielle et émotionnelle aversive, associée à une lésion tissulaire | Etat émotionnel de détresse associé à une menace physique ou psychique (frustration, inconfort) | Conscience sensorielle : état d’éveil qui permet la perception du monde extérieur. |
Ne s’accompagne pas forcément de douleur |
Douleur = nociception* + émotion + conscience |
Ne s’accompagne pas forcément de douleur physique | Permet de percevoir la douleur et d’essayer de s’y soustraire |
Signes :
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Signes :
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Signes :
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Conscience de soi : Reconnaissance dans un miroir (singes, oiseaux, dauphins, éléphants) Appréciation de son propre état de connaissance (rat) |
* La nociception est la première perception d’une douleur physique.
Les conséquences négatives du stress sur le comportement et la santé des animaux
Des travaux d’INRAE (1) ont montré que si des brebis sont stressées pendant leur gestation (par des manipulations ou des bruits, par exemple), leur comportement maternel sera moins prononcé et leurs agneaux seront plus craintifs et présenteront des déficits d’apprentissage. Ces effets pourront être atténués si les agneaux bénéficient de conditions enrichies après sevrage : accès à des brosses, ajout de jouets, contacts positifs avec l’homme, etc.
D’autres études INRAE (2) montrent que des expériences stressantes peuvent altérer la santé des animaux, en plus de leur comportement. Par exemple, la plupart des fonctions immunitaires sont perturbées chez un porcelet qui est introduit parmi des congénères non familiers, ce qui le rend plus vulnérable aux infections.
Evaluer le niveau de douleur pour la soulager
Il n’est pas toujours facile d’évaluer le niveau de douleur chez un animal malade (mammite, boiterie, infection, …). C’est pourtant indispensable pour définir le traitement antalgique le plus approprié. Certains indicateurs, comme la sécrétion de cortisol ou la tachycardie, ne sont pas spécifiques et peuvent indiquer un état de stress sans qu’il y ait douleur. Pour les rongeurs, les chiens, les chats et les chevaux, il existe déjà des grilles qui combinent un grand nombre d’indicateurs comportementaux et qui permettent d’évaluer le degré de douleur. Des chercheurs d’INRAE (3) ont développé chez les ruminants une approche qui combine l’information d’indicateurs de natures différentes (physiologique, comportementale, métabolique). Elle permet de différencier les états d’inconfort et les états douloureux et d’adapter le traitement antalgique. Basée sur 28 indicateurs, elle nécessite encore d’être simplifiée. Elle débouchera ensuite sur des recommandations destinées aux vétérinaires, éleveurs ou expérimentateurs.
- Référence : Coulon M et al. 2014. Mild effects of gestational stress and social reactivity on the onset of mother-young interactions and bonding in sheep. Stress 17(6): 460-70.
- Référence : E. Bacou et al. 2017. Acute social stress-induced immunomodulation in pigs high and low responders to ACTH. Physiology & Behavior 169, 1-8.
- Faure M et al. 2017. A multiparametric approach to discriminate the impacts of different degrees of invasiveness of surgical procedures in sheep. Animal 1-10. https://doi.org/10.1017/S1751731117000805
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