Agroécologie 3 min

Détection satellitaire : de la photo au film

Développée depuis la fin des années 70, la télédétection satellitaire appliquée à l’agriculture s’est longtemps traduite par une lecture surplombante des surfaces. Elle acquiert une dimension nouvelle, à la faveur d’une meilleure résolution, dans l’accompagnement et l’anticipation des performances. Sans aller jusqu’à remplacer la proxi-détection.

Publié le 16 décembre 2019

illustration Détection satellitaire : de la photo au film
© INRAE

La gouvernance orbitale des récoltes et des rendements tient peut-être de la science-fiction. Elle prend pourtant l’envergure d’une perspective concrète au fil des progrès de la télédétection spatiale appliquée à l’agriculture. « L’imagerie spatiale tient ses promesses. Aujourd’hui, certains l’utilisent pour déterminer les carences en azote du blé », note Thierry Caquet, directeur scientifique environnement d'INRAE, dont le partenariat de longue date avec le Centre National d’Études Spatiales (CNES) s’affermit avec l’accord-cadre signé le 22 juillet 2019. Le binôme de satellites de la mission Sentinel 2, lancé en juin 2015 et mars 2017 dans le cadre du programme Copernicus de l’Union européenne, offre une résolution de dix mètres dans l’observation des sols. Entre 2020 et 2022, la constellation des quatre satellites de la mission Pléiades Neo d’Airbus devrait permettre d’atteindre la résolution centimétrique, « à raison de 30 centimètres sur une surface de 14 km2 », précise Thierry Chapuis, expert en applications spatiales du CNES. « Mais attention », prévient Thierry Caquet. « Tout n’est pas résolu parce qu’on prend une photo depuis l’espace. » L’historique du processus le rappelle et les challenges à relever restent importants.

 

Simulation des observations satellite par le radiomètre EMIRAD sur un grue sur le site INRAE d’Avignon.

Nouvelle focale

Ancienne, la coopération entre l’Inra, devenu INRAE le 1er janvier 2020 après la fusion avec Irstea, et le CNES s’est établie en 1986 sous l’impulsion des premières missions SPOT pour la caractérisation des surfaces folliaires. « Plusieurs problèmes se posaient alors, et notamment celui de la répétitivité, autrement dit la revisite des surfaces concernées permettant de suivre leur évolution. », souligne Philippe Maisongrande, directeur de recherches au CNES. « Il s’agissait d’une observation “one shot” et s’il n’y avait ni nuage ni conflit de programmation, il était au mieux possible d’établir une synthèse par mois. C’était insuffisant. » Les missions SPOT-Végétation 4 et 5 initiées en 1998 et 2001 auront comblé la lacune grâce à la résolution kilométrique, un monitoring des cultures devenu quotidien et le surgissement de l’imagerie 3D. Or, l’observation ne constitue plus le seul enjeu. « Auparavant, on scrutait les terres et les récoltes », reprend Thierry Chapuis. « Désormais, toute la question est d’accompagner et d’anticiper les performances en tenant compte de l’adaptation des récoltes au changement climatique ou en mesurant les indices de pollution de façon à limiter les engrais ou pesticides. »

 

Or, une fois de plus, la course technologique à l’augmentation de la résolution spatiale, temporelle et spectrale est loin d’avoir réglé toute l’équation. D’une part, remarque Philippe Maisongrande, la gestion de la volumétrie impose toujours d’évaluer la meilleure résolution. « Nous devons trouver la bonne acuité. » D’autre part, un effort technologique reste à fournir pour accéder à des données plus précises sur « ce qui est resté le parent pauvre de la télédétection spatiale, à savoir le thermique ». Pilotée par INRAE auprès du CNES, la mission SMOS (pour Soil Moisture and Ocean Salinity) a déjà permis d’améliorer l’information sur l’humidité des sols et la mesure de leur épaisseur électromagnétique. Un projet SMOS haute définition d’une résolution de 10 kilomètres à l’horizon 2030 devrait encore affiner les données. En matière d’estimation du stress hydrique, les attentes se portent sur la mission franco-indienne Trishna, annoncée pour 2024 et capable d’offrir une résolution de 50 mètres à raison d’une revisite tous les trois jours.

 

« Sandwich informationnel »

En gagnant du terrain et une précision quasi microscopique au vu de son amplitude, la détection satellitaire pourrait a priori faire craindre pour l’utilité d’une télédétection de plus faible altitude voire pour celle de la proxi-détection. Les spécialistes démentent l’hypothèse. « Un drone pourra procéder au comptage des plantes et pas un satellite, qui dépend toujours de la couverture nuageuse. Les atouts ne sont pas les mêmes selon les techniques utilisées et elles gardent en cela leur complémentarité », fait valoir Philippe Maisongrande.

 

Les dernières télédétections spatiales ont réussi à promouvoir une nouvelle temporalité d’observation. « On est passé de la photo au film », se félicite Philippe Maisongrande. Encore faut-il, insiste son collègue Thierry Chapuis, que « l’information réponde au mieux au besoin de l’utilisateur en s’intégrant à un système de données ». La multiplicité des données appelle leur croisement dans une chaîne d’information accessible et ouverte aux requêtes, un « sandwich informationnel », selon le mot de Philippe Maisongrande, désigné à INRAE par Thierry Caquet comme « lieu stratégique » de la réflexion. 

  

 

 

Lire le dossier en intégralité :

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Benoit HervieuRédacteur

Contacts

Thierry CaquetDirecteur Scientifique EnvironnementINRAE

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