Agroécologie 3 min

WeedElec, de la « haute couture » à la pointe du désherbage

Initié au début de l’année 2018 sous l’égide de cinq partenaires - dont l’UMR EMMAH d'INRAE - le projet WeedElec associe robot et drone dans la détection et l’élimination des mauvaises herbes par l’électricité. Chargé de recherche à INRAE, Claude Doussan en détaille ici la genèse et le développement.

Publié le 16 décembre 2019

illustration WeedElec, de la « haute couture » à la pointe du désherbage
© Weedelec

Quelles observations et circonstances ont suscité la mise en œuvre du projet WeedElec et quelles en ont été les étapes ?

Claude Doussan : Le concept est apparu au fil des recherches conduites par des collègues d’Irstea qui avaient entrepris de travailler sur l’usage de l’électricité dans le désherbage. Les premiers prototypes ont été élaborés dans les années 90 sur des outils à main, à une époque où la problématique liée aux pesticides commençait à mobiliser les esprits. Cette problématique se pose toujours mais des technologies comme la robotique ou la reconnaissance d’images ont nettement évolué. Il était intéressant de poursuivre l’effort à ce titre. L’autre intérêt, plus scientifique, était d’améliorer l’état des connaissances alors très faibles sur les propriétés des plantes face à l’électricité. Comment les plantes réagissent-elles quand on les foudroie ? Quels sont leurs critères de sensibilité ? WeedElec s’inscrit dans un ensemble de quatre projets développés en France offrant une alternative au désherbage chimique, mais il est le seul à proposer une solution autre que l’arrachage mécanique.

 

Comment s’établit l’interaction entre les supports du projet, autrement dit le robot et le drone ? Quel est le rôle dévolu à chacun ?

 

C.D : Ce qu’on appelle ici robot constitue la pièce maîtresse. Il s’agit d’une plateforme, autonome et montée sur roues. Son itinéraire est planifié par GPS et elle est dotée d’une caméra, posée sur sa partie supérieure et reliée à une intelligence artificielle, qui reconnait les mauvaises herbes ou adventices. Un portrait de la population des plantes est dressé. C’est du robot que part la détection et c’est également de lui que vient la phase d’action, c’est-à-dire celle du désherbage. Le drone, quant à lui, intervient pour obtenir une vision plus large de la culture concernée. Il opère dans un but d’optimisation de la plateforme, donc du robot qui est à lui seul capable de tout faire.

 

Concrètement, le robot enjambe un ou deux rangs de culture à une vitesse d’environ 2 kilomètre/heure. Rechargé par des panneaux solaires, il dispose d’une autonomie complète d’une journée en phase diurne et peut poursuivre son activité la nuit sur batteries. Durant ses trajets, il détecte les adventices par imagerie hyper-spectrale. Dès qu’une mauvaise herbe est perçue, l’image est traduite en temps réel et le robot envoie un ordre à son bras équipé pour injecter du courant électrique à haute tension. C’est de la haute couture. La fenêtre de tir concerne des plantes relativement jeunes, sinon, il est trop tard. Par ailleurs, le procédé ne permet pas de désherbage entre les rangs pour lequel d’autres solutions existent. Au Pays-Bas, un projet nommé Zasso de désherbage électrique sur tracteur, mais non robotisé, rend possible une action inter-rangs.

 

 

Constate-t-on des effets négatifs de ce recours à l’électricité sur les sols, susceptibles de compromettre à terme la mise en production de WeedElec à large échelle ?

C.D : L’intervention du robot a le mérite d’être extrêmement précise. Le courant injecté ne passe qu’à travers la plante visée et n’atteint pas les autres. Rien ne prouve, en l’état des connaissances, que la vie des sols en soit affectée. Ensuite, le procédé génère bel et bien des champs électriques dans les sols, mais il est récent et nous manquons de données sur les effets d’un usage à long terme.

 

Les obstacles à une mise en production large ne viendront pas d’abord de ces facteurs. Ils reposent plutôt sur un changement total de paradigme. Moi, exploitant, vais-je lâcher dans mes champs un robot capable d’effectuer tout le travail ? Se pose alors, dans ce contexte, la question du débit de chantier qui est une notion importante en agriculture. Quelle quantité de surface le robot va-t-il couvrir et en combien de temps ? Il est vrai que les solutions que nous proposons ne sont pas très rapides. Les technologies sont certes de moins en moins chères et de plus en plus accessibles au grand public. Sont-elles pour autant rentables ? L’exploitant est en droit de s’interroger. 

 

 

Lire le dossier en intégralité :

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Benoit HervieuRédacteur

Contacts

Thierry CaquetDirecteur Scientifique EnvironnementINRAE

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