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Recherche, innovation et développement en agriculture : quel(s) avenir(s) ?

Les incertitudes et les crises planent au-dessus de l’agriculture aujourd’hui. Pour mieux les comprendre et surtout, aider l’agriculture à surmonter ces défis, une prospective a été conduite par l’Acta – Les instituts techniques agricoles à la demande du ministère en charge de l'agriculture, sous l'égide du GIS Relance agronomique et en partenariat avec l’Inra, l’Institut de l’élevage, Terres inovia, l’APCA. Ces travaux résonnent d’autant plus avec l’actualité des États généraux de l’Alimentation qui se déroulent en ce moment-même. À quoi ressemblera l’agriculture en 2040 ? Qu’allons-nous faire au niveau de la recherche et du développement agricole ? Quelques éléments de réponses dans cet article.

Publié le 11 septembre 2017

illustration Recherche, innovation et développement en agriculture : quel(s) avenir(s) ?
© INRAE

Créer et répartir la valeur et avoir une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous. Ce sont les deux chantiers principaux des États généraux de l’Alimentation lancés le 20 juillet dernier en France. Producteurs, industriels de l'agroalimentaire, consommateurs, élus, acteurs de l’économie sociale, solidaire et de la santé… tous se réunissent à cette occasion pour réfléchir à l’avenir de notre agriculture lors d’ateliers. La prospective « l’avenir du système de recherche et de développement agricole français à l’horizon 2025 », initiée en 2014 et publiée en 2016, est plus que jamais d’actualité, et permet d’éclairer les décisions qui pourraient être prises dans les mois à venir. Afin de mieux comprendre l’avenir du système de recherche et de développement agricole français à l’horizon 2025, il était essentiel pour les chercheurs de définir quatre scénarios proposant autant de visions des futurs possibles. Ils ont donc décidé de se projeter en 2040, et de dégager les grandes tendances de l’agriculture de demain.

Où va notre agriculture ?

Sandrine Petit, ingénieure de recherche à l’Inra qui faisait partie de l’équipe-projet de cette prospective, nous explique que « l’originalité de cette démarche de prospective, c’est d’avoir questionné la recherche et le développement agricoles. Nous ne nous demandons pas, au quotidien, à quel modèle agricole nous contribuons avec nos recherches : est-ce que, dans les faits, ce sont les recherches qui déterminent l’agriculture, ou est-ce que nous suivons simplement les évolutions ? ». Quatre scénarios se sont ainsi dégagés de cette prospective : un scénario vert, avec une autonomie locale, un scénario « agriculture européenne de qualité », avec une dimension "export", un scénario sur une agriculture européenne au service de la bio-industrie et enfin, un scénario libéral.

Quatre contextes, un seul avenir

Dans le premier scénario, suite à des crises environnementales, les politiques, alertés, décident de basculer vers un monde écologique. Les investissements sont orientés vers une croissance verte et les aides vers de nouveaux modèles de production. Des synergies entre agriculture et élevage apparaissent, et les petites et moyennes exploitations prennent une place croissante, favorisant les circuits courts et la recherche écologique. « Nous ne sommes pas en autarcie complète non plus pour autant, il y a aussi des échanges, surtout européens » explique Sandrine Petit. Les consommateurs sont très attentifs à ce qu’ils mangent, sont sensibles à la santé et à l’environnement. Dans le deuxième scénario, la politique européenne est forte. Un véritable travail est fait sur la qualité, qu’elle soit gustative, environnementale ou de nature éthique… Un label export qualité Europe est créé. L’investissement se fait dans la traçabilité et la typicité des produits. L’Europe (bio)industrielle est le paysage du troisième scénario. L’agriculture devient une industrie comme les autres. La biomasse, l’énergie, les biotechnologies, le biomimétisme sont des usages qui se développent. Enfin, le dernier scénario évoque un monde libéral : le marché de l’agriculture est de plus en plus volatile, l’internationalisation et la spéculation sont les maîtres-mots. Les consommateurs cherchent des produits bon marché, et ce sont les firmes qui prennent le contrôle.

R&D : repenser les formes de coopération entre les acteurs

« Le but n’est pas de dire qu’un scénario est meilleur qu’un autre. L’exercice de prospective est une façon de penser, cela aide à organiser les débats, mais aussi à savoir où mettre ses forces : doit-on concentrer ses efforts sur un seul thème, sur tous les thèmes ? Finalement, nous mettons des éléments dans le futur pour pouvoir débattre d’aujourd’hui. Mais ce n’est pas non plus une boule de cristal » analyse Sandrine Petit. De ces différents scénarios découle la deuxième partie de l’étude : les évolutions du système de la R&D agricole français.

La prospective aide à organiser les débats

Le modèle économique, les échelles de travail, les principaux acteurs, leur façon de collaborer entre eux, la place des innovations du numérique et les thématiques couvertes par le système de R&D sont les six grands enjeux à prendre en compte. « Travailler sur ce secteur n’était pas simple car il y a une réelle complexité organisationnelle, avec une myriade d’acteurs, publics comme privés. Il faut repenser les formes de coopération et de concurrence entre les différents acteurs. Les sphères publique et privée peuvent travailler ensemble » précise-t-elle. Les États généraux de l’Alimentation, avec notamment l’atelier transversal « Préparer l’avenir : quels investissements, quel accompagnement technique, quelle recherche pour une plus grande performance environnementale, sanitaire, sociale et économique », que Philippe Mauguin, PDG de l’Inra, copréside, seront l’occasion pour réutiliser cette prospective et alimenter les débats.

 

Et le numérique dans tout ça ?

Dans chacun des scénarios, les innovations du numérique dans le monde agricole ont été étudiées. Quelles technologies seront utilisées ? Et pour quels usages ? Les réseaux sociaux permettront de mettre en relation les agriculteurs et les citoyens ainsi que de créer des circuits innovants de commercialisation et d’échanger de l’information scientifique et technique.

Les données massives et ouvertes (Big Data et open data) peuvent être utilisées pour différents usages : récupérer des données pour une traçabilité plus fine, mais aussi pour maîtriser les coûts, sécuriser les filières, créer des plateformes d’échanges de données, voire même, pour diminuer les risques selon l’agriculture vers laquelle nous nous dirigerons.

 

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