Société et territoires 3 min

Compensation écologique : comment proposer des mesures efficaces pour favoriser l’agroécologie

COMMUNIQUE DE PRESSE - En France, tout projet d’aménagement du territoire doit mettre en œuvre des mesures pour limiter, et si nécessaire compenser les impacts générés sur l’environnement. Le programme ANR CompAg, coordonné par INRAE et impliquant le Cerema, le CNRS*, et Université Côte d’Azur, ainsi que la Fédération des Conservatoires d’espaces naturels, l’entreprise Agrosolutions et le réseau Terre de liens, explore comment proposer des mesures de compensation écologique pour favoriser la transition agroécologique. Les résultats, publiés dans un rapport en janvier 2022, proposent plusieurs pistes d’amélioration pour favoriser cette transition. Il s’agit notamment de mieux prendre en compte la nature dite ordinaire, dont font partie les terres agricoles, dans les projets d’aménagement du territoire et d’appliquer une gouvernance territoriale de la compensation écologique et de la transition agroécologique.

Publié le 01 février 2022

illustration Compensation écologique : comment proposer des mesures efficaces pour favoriser l’agroécologie
© INRAE - Michel Meuret

Inscrite dans la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, la séquence ERC (éviter, réduire, compenser) s’applique aux projets susceptibles de causer une dégradation importante de l’environnement. Il s’agit avant tout d’éviter au maximum toute perte écologique et de réduire autant que possible l’impact des projets d’aménagement sur l’environnement. Mais si le projet génère des dommages à l’environnement qui ne peuvent être évités, il doit proposer des mesures pour compenser de manière au moins équivalente les dommages engendrés qui consistent en des opérations de restauration écologique à proximité des impacts, dites « mesures compensatoires ». CompAg est parti de l’idée que la compensation écologique peut constituer un levier pour, d’un côté, inciter et financer la transition agroécologique de l’agriculture et, de l’autre, fournir des offres de compensation écologique à la hauteur des impacts des projets d’aménagement du territoire.

Mieux prendre en compte la nature ordinaire pour dépasser les limites de la compensation écologique

La séquence ERC ne porte pas sur tous les impacts environnementaux d’un projet, mais seulement sur les impacts les plus notables, entendus comme ceux sur des espèces ou écosystèmes protégés comme des zones humides par exemple. Ainsi, seules les atteintes susceptibles d’être causées à ces espèces et sites feront l’objet de mesures compensatoires. Ce calcul conduit à négliger les impacts sur le reste des espèces et écosystèmes non spécifiquement protégés et considérés comme la « nature ordinaire » dont font partie les agroécosystèmes. Pourtant ils sont aussi vecteurs de services écosystémiques comme la régulation du cycle des nutriments, la pollinisation, la séquestration du carbone ou la lutte contre les ravageurs. Afin d’atteindre les objectifs d’absence de perte nette de biodiversité de la loi Biodiversité 2016, l’équipe de recherche propose de prendre en compte la nature ordinaire dans les mesures compensatoires, ainsi que d’autres critères ou indicateurs pour mesurer le gain écologique de ces surfaces à protéger et /ou restaurer. L’objectif est ainsi d’accompagner et d’inciter les agriculteurs à une démarche de transition agroécologique.

Renforcer les services écosystémiques fournis par les agroécosystèmes en encourageant la transition agroécologique

L’étude bibliographique menée sur 189 articles scientifiques, montre que même les espaces de nature les plus ordinaires cultivés en agriculture conventionnelle peuvent fournir des services écosystémiques. Dès lors, un changement de pratiques vers l’agroécologie, dans le cadre d’une opération de compensation écologique, peut offrir un gain écologique significatif en améliorant les fonctions et services écosystémiques apportés par les parcelles agricoles. L’analyse de près de 50 cas d’étude dans six régions françaises a permis de mettre en lumière deux situations types lorsque les mesures compensatoires sont portées par le secteur agricole. La première est celle qui a lieu dans des espaces délaissés, souvent mis à disposition par les communes, et qui profite à des exploitants agricoles en élevage extensif1, pour beaucoup déjà engagés dans une démarche agroécologique. La seconde vise des espaces agricoles de production lorsque la compensation n’a pu être réalisée ailleurs. Dans ce cas, le changement de pratique est important et peut fournir des gains écologiques, mais pour une durée généralement courte liée à la difficulté pour les agriculteurs de s’engager sur le long terme, ce qui impliquerait de lourds changements de pratiques et une perte de production. Un autre constat est que les mesures compensatoires sont pensées à l’échelle des parcelles, ou de ses bordures, alors que les gains écologiques impliquent de se projeter à l’échelle de l’exploitation, voire du territoire.

Pour une gouvernance territoriale de la compensation écologique et de la transition agroécologique 

Les travaux menés en modélisation montrent que c’est à l’échelle du paysage que les mesures de compensation écologique sont les plus efficaces. Cela conduit à penser et pratiquer les mesures compensatoires à l’échelle territoriale, voir régionale comme c’est le cas de certains projets d’aménagement comme les lignes de train à grande vitesse. En Occitanie par exemple, un consortium d’acteurs régionaux, dont la Chambre d’agriculture, s’est formé et répond à la plupart des demandes de compensation écologique des aménageurs. Dans la suite de CompAg, le projet TerCo – Vers des politiques territoriales de compensation écologique – a pour objectif d’initier des démarches territoriales collaboratives similaires pour proposer des mesures de compensation écologique afin de favoriser la transition agroécologique.

 

*Institut méditerranéen de biodiversité et d'écologie marine et continentale (IMBE, AMU/Avignon Université/CNRS/IRD), Centre d'écologie et des sciences de la conservation (CESCO, CNRS/MNHN/Sorbonne Université), Institut de l'Ouest : droit et Europe (IODE, CNRS/Université Rennes 1) et Centre international de recherche sur l'environnement et le développement (CIRED, CNRS/École des Ponts ParisTech/Cirad/AgroParisTech).

 [1] L’élevage extensif est une méthode d’élevage qui ne recherche ni une forte productivité individuelle par animal, ni par unité de surface. Ce type d’élevage est caractérisé par une faible densité d’animaux et essentiellement fondé sur l’utilisation des ressources naturelles disponibles : eau, pâturage, etc.

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