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CiTIQUE, une contribution irremplaçable des citoyens

CiTIQUE est un programme de recherche participative destiné à mieux connaître l’écologie des tiques et des maladies qu’elles transmettent, dans un but de prévention. Il est lauréat 2021 de la première édition du Prix de la recherche participative d’INRAE dans la catégorie Crowdsourcing.

Publié le 21 février 2022

illustration CiTIQUE, une contribution irremplaçable des citoyens
© INRAE B. Nicolas

Concrètement, CiTIQUE comprend une application sur laquelle les citoyens signalent leurs cas de piqûres, ainsi que celles de leurs animaux, une tiquothèque unique en Europe où sont conservées les tiques piqueuses envoyées par ces mêmes citoyens à des fins d’analyse, et une banque de données qui fait le lien entre les différentes informations. L’ensemble de ces données permet notamment de savoir où et quand ont lieu les piqûres et quels sont les agents pathogènes (virus, bactéries) portés par les tiques piqueuses.

Ce que les citoyens apportent à la recherche

Par leur geste de collecter et d’envoyer les tiques qui les ont piqués, les citoyens apportent une contribution unique à la connaissance des risques liés aux tiques. « Ce sont des données que nous ne pouvons pas obtenir autrement », souligne Pascale Frey-Klett, à l’origine du projet avec Jean-François Cosson1. « Nous savons récolter des tiques dans la nature, mais nous ne pouvons pas avoir de renseignements sur les piqûres autrement que par la participation des citoyens. Depuis le début du projet en 2017, des résultats très importants pour la prévention ont été obtenus. En particulier, nous avons pu déterminer que 25 % des piqûres signalées ont lieu dans les jardins, et 4 % dans les maisons. Ces risques de proximité sont actuellement sous-estimés et peu de personnes pensent à se protéger des tiques au sein même de leur foyer ».

Une autre façon de faire de la recherche

Mais l’apport des citoyens se poursuit bien au-delà du signalement et de l’envoi des tiques. Depuis le début du projet CiTIQUE, les scientifiques accueillent des participants de tous horizons dans un laboratoire dédié 2, pour des stages de recherche en conditions réelles conduisant à de nouveaux résultats scientifiques. C’est ainsi par exemple qu’à l’issue de plusieurs stages, les résultats ont montré l’influence probable des animaux domestiques dans les risques de piqûres de proximité. « C’était une question soulevée par les stagiaires eux-mêmes », précise Jonas Durand, qui encadre ces stages depuis 2019. « Et ils y ont répondu, en suivant une démarche scientifique rigoureuse et exigeante. Ils ont d’abord identifié les espèces de tiques piqueuses de chiens et chats sur des échantillons de la tiquothèque, et constaté que ces mêmes espèces étaient capables de piquer l’être humain. Ils ont ensuite recherché la présence dans les tiques de la bactérie responsable de la maladie de Lyme. Les résultats de plusieurs stages (21 stages, plus de 300 personnes accueillies) ont permis d’estimer qu’environ 6 % des tiques piqueuses de chiens et 15 % des tiques piqueuses de chats portaient la bactérie responsable de la maladie de Lyme. C’est une information importante qui incite à être particulièrement vigilant sur la protection des animaux domestiques contre les tiques et qui va donner lieu à une publication scientifique. »


« Je ne pensais pas que ça prenait autant de temps et que ça épuisait autant de trouver des réponses… »  Marie, 11 ans

Les citoyens sont pourvoyeurs d’idées nouvelles, et beaucoup sont motivés par l’expérimentation. « Nous avons des contacts personnalisés avec les citoyens et essayons de répondre à leurs questions, reçues par email ou par courrier, poursuit Pascale Frey-Klett. Nous avons ainsi collaboré avec une personne qui souhaitait tester dans son jardin un système de tube contenant de la ouate imprégnée de répulsif contre les tiques, afin d’éviter leur propagation via les petits rongeurs. Nous avons mis au point avec elle un protocole de dénombrement rigoureux des tiques pour tester l’efficacité du procédé. »

D’autres résultats importants ont été obtenus grâce à l’ampleur de la collecte suscitée par CiTIQUE (plus de 70 000 signalements et 50 000 tiques congelées dans la tiquothèque) : 30 % des tiques piqueuses d’humains sont porteuses d’au moins un agent pathogène. À noter que cela ne signifie pas que les personnes piquées seront malades. En effet, le processus de transmission de l’agent pathogène par piqûre via la salive de la tique est complexe, il dépend en particulier de la durée du repas de sang.

Une première cartographie des risques de piqûres en France a également été établie (lire l’article : Cartographier le risque de piqûre de tique en France).

Ce que les scientifiques apportent aux citoyens

« Parce que les informations transmises sont fiables et que je les ai comprises et expérimentées, je suis armée pour les transmettre à d’autres » Corinne, 48 ans 

« Nos échanges avec les citoyens leur apportent une écoute et des informations scientifiques claires sur les tiques, de nature à les apaiser dans un contexte d’inquiétude et de controverses, en particulier sur la maladie de Lyme3 », analyse Pascale Frey-Klett. « Nous allons à l’encontre de certaines idées reçues, par exemple celle qui voudrait que l’analyse de la tique permette de savoir si l’on a été infecté4. En effet, ce n’est pas parce qu’une tique porte un agent pathogène qu’elle le transmet automatiquement. Inversement, ne pas trouver d’agents pathogènes ne permet pas de rassurer complètement la personne piquée, car nous ne pouvons pas tous les analyser. C’est pourquoi nous ne faisons pas de retour personnalisé aux personnes qui envoient leur tique. Par contre, nous donnons des conseils de prévention clairs : enlever sa tique sans attendre, ne pas utiliser de produits (alcool, éther, savon) qui stressent la tique et peuvent déclencher la transmission d’agents pathogènes - si la tique est porteuse bien sûr ».

CiTIQUE est avant tout un observatoire sur le long terme de l’écologie des tiques et de leurs agents pathogènes, de leur répartition en France et de leur évolution avec le changement climatique. La progression d’espèces envahissantes, comme Hyalomma marginatum, du sud vers le nord, est particulièrement surveillée, en collaboration avec le Cirad (lire l’article : De nouvelles espèces de tiques et de pathogènes trouvés en France).

Par les données qu’il génère, CiTIQUE est aussi un tremplin pour de nombreux autres projets de recherche. Il peut par exemple permettre un suivi des symptômes de la maladie de Lyme grâce à la constitution d’une cohorte de personnes potentiellement exposées et l’établissement d’un questionnaire de suivi (voir le projet Ohticks). Dans un autre domaine, CiTIQUE apporte une contribution aux sciences sociales. Une étude de master a ainsi mis en évidence l’apport de CiTIQUE à des adolescents d’une moyenne d’âge de 12 ans, concernant l’« empowerment » (prise de conscience du pouvoir d’agir sur son environnement) et la construction d’une identité sociale positive.

Des relais et des partenariats : les clés du succès

« Au début du projet (2017-2019), avec Jean-François Cosson, nous avons suivi une démarche volontariste pour faire connaître le projet, en participant à des évènements associatifs, au Salon de l’agriculture, via la presse, etc. Nous nous sommes également appuyés sur le CPIE5 de Nancy-Champenoux pour assurer cette diffusion », se souvient Pascale Frey-Klett. « Et puis le projet est très rapidement monté en puissance, et maintenant ce sont les partenaires qui viennent à nous ».

Irene Carravieri, issue d’INRAE et maintenant rattachée au CPIE Nancy-Champenoux, gère la tiquothèque et les contacts avec les multiples partenaires de CiTIQUE : « C’est un réseau en étoile impressionnant. Nous avons par exemple conclu un partenariat avec le CNPF (Centre national de la propriété forestière) et l’ONF (Office national des forêts) pour la prévention des forestiers particulièrement exposés aux piqûres de tiques. Nous travaillons aussi avec les professionnels de santé : pharmaciens, médecins et vétérinaires pour faire connaître CiTIQUE et favoriser la prévention. Enfin, nous formons des bénévoles relais de CiTIQUE dans différentes régions françaises. »

Un programme en constante évolution

Initié et financé au niveau régional, CiTIQUE est maintenant un programme de portée nationale. Son intérêt a été souligné lors d’un rapport parlementaire sur le Plan national Lyme en 2021  et sa dimension d’appui aux politiques publiques de santé est reconnue. « Nous sommes en contact avec le ministère de la Santé pour stabiliser les moyens nécessaires à la poursuite et à l’amplification de cette dynamique qui dépasse maintenant les seuls enjeux de recherche », conclut Pascale Frey-Klett.

1. Jean-François Cosson est décédé en 2019.
2. Laboratoire Tous Chercheurs du centre INRAE Grand Est-Nancy, créé en partenariat avec l’association « Tous chercheurs ».
3. Lire l’article : La maladie de Lyme en 10 questions.
4. Lire l’article dans The Conversation.
5. CPIE : Centre permanent d’initiatives pour l’environnement. Environ 80 CPIE organisent en France des actions de sensibilisation à l’environnement.

Quelques étapes clés
  • Juillet 2017 : lancement de CiTIQUE et de l’application smartphone Signalement TIQUE
  • Juillet 2018 et septembre 2021 : Convention de partenariat respectivement avec l’ONF (forêt publique) et le CNPF (forêt privée) pour la prévention des risques liés aux tiques chez les professionnels de la forêt
  • Mars 2019 : premiers stages de recherche pour les scolaires et les citoyens au laboratoire Tous Chercheurs du centre INRAE Grand Est-Nancy
  • Mai 2020 : nouvelle version de l’application Signalement TIQUE, plus ergonomique. Cette version fait le lien entre le signalement de la piqûre (lieu, date) et la tique archivée dans la tiquothèque
  • Partenariats en cours avec des entreprises pour tester l’efficacité de répulsifs contre les tiques
  • Réception quotidienne de signalements, d’échantillons de tiques et de courriers de partage d’expériences

Pilote : INRAE et le laboratoire d’excellence ARBRE. Partenaires et acteurs associés : université de Lorraine, ANSES, CPIE Nancy-Champenoux, association Tous Chercheurs, collectivités, grand public, professionnels soumis au risque, professionnels de santé humaine et vétérinaire.

À propos du prix

Le Prix de la recherche participative a été lancé par INRAE en 2021, sous l’égide du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, dans le cadre de la nouvelle loi de programmation de la recherche. Ce prix met en lumière des projets de recherche dans lesquels sont engagés scientifiques et non scientifiques, que ce soit pour collecter des données ou au travers d’une implication plus grande dans le processus même de recherche. Lire l’article.

Pascale MollierRédactrice

Contacts

Pascale Frey-KlettCoordination de CiTIQUEUMR Interactions Arbres/Micro-organismes

Gwenaël Vourc’hCo-coordination de CiTIQUEUMR Epidémiologie des maladies animales et zoonotiques

Irene Carravieri Partenariats hors recherche de CiTIQUE Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement Nancy-Champenoux

Annick Brun-JacobCoordination du laboratoire Tous ChercheursUMR Interactions Arbres/Micro-organismes

Jonas DurandValorisation scientifique des données et animation des stages CiTIQUEUMR Interactions Arbres/Micro-organismes

Philippe LecomtePartenariats scientifiques de CiTIQUEUMR Epidémiologie des maladies animales et zoonotiques

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