Alimentation, santé globale 4 min
De nouvelles espèces de tiques et de pathogènes trouvés en France
Si Ixodes ricinus est l’espèce de tique la plus abondante en France, elle cohabite avec d’autres espèces que l'on trouve aussi dans différentes régions du monde. Ces tiques sont aussi potentiellement porteuses d'agents pathogènes pour les animaux et les humains et il est important de les connaître et de les surveiller.
Publié le 15 mai 2020
Une tique infectée n’est pas forcément vectrice
Connaître les espèces de tiques présentes en France est très important car ces tiques sont potentiellement porteuses de nouveaux agents pathogènes pour les animaux et les humains. Il n’est cependant pas aisé de prouver qu’une tique est vectrice d’un agent pathogène donné. En effet, il ne suffit pas de trouver un agent pathogène dans une tique pour en déduire que la tique est vectrice : il peut s’agir simplement d'une tique ayant réalisé son repas de sang sur un hôte infecté. Pour que la tique soit vectrice à son tour (transmission de la tique vers l’hôte), il faut encore qu’elle permette à l’agent pathogène de survivre et de traverser la paroi de son tube digestif, puis de migrer vers ses glandes salivaires pour être transmis lors de son repas de sang suivant. La mise en évidence des agents pathogènes dans les glandes salivaires d’une tique avant son repas de sang est donc un meilleur argument en faveur de sa compétence vectorielle. Établir cette preuve est un travail long et fastidieux, mais nécessaire pour évaluer les risques de transmission des maladies à tiques.
Une nouvelle espèce de tique détectée en Camargue
Plusieurs campagnes de collectes de tiques organisées de 2007 à 2015 en Camargue ont permis de détecter la présence de Hyalomma marginatum, une espèce de tique commune en Afrique du Nord et Europe du Sud (Espagne, Portugal, Corse)1.
Cette tique est reconnaissable à sa grande taille et à ses pattes rayées. Parmi les pathogènes que cette tique peut véhiculer, on s’intéresse particulièrement au virus de la fièvre hémorragique Crimée-Congo (CCHF), qui sévit en Afrique et en Asie, mais aussi en Europe2. Cependant, il n’existe pour l’instant aucun argument en faveur d’une circulation du virus CCHF en France. Les chevaux sont des hôtes préférentiels pour cette tique, mais ils ne seraient a priori pas de bons transmetteurs pour le virus. Les chevaux infectés ne présentent pas de symptômes mais produisent de forts taux d’anticorps, ce qui fait d’eux des animaux sentinelles pour surveiller le virus. Un réseau3 a été mis en place entre des vétérinaires et des éleveurs de chevaux en Camargue.
Des tiques porteuses d’un nouvel agent pathogène trouvées en abondance dans des parcs de cervidés
Dans le parc de la Haute Touche (Indre), des chercheurs d’INRAE4 en collaboration avec le Museum national d'histoire naturelle ont mis en évidence la présence d’Haemaphysalis concinna, une tique abondante en Chine.
Dans ce parc, qui concentre une grande quantité de cervidés de plusieurs régions du monde, les animaux présentaient des signes de fatigue et un amaigrissement. Des prélèvements de sang ont révélé la présence d’au moins 8 agents pathogènes différents, jusqu’à 4 par animal. Parmi ces pathogènes, la bactérie Anaplasma capra, connue pour l’instant seulement en Asie, a été identifiée. Cette bactérie, transmissible à l’être humain, occasionne des symptômes fiévreux. La présence concomitante d’une tique et d’un pathogène tous deux inhabituels en France suggère naturellement un lien entre les deux, mais ce lien reste à prouver. De fait, les chercheurs ont démontré la présence de la bactérie Anaplasma capra dans les glandes salivaires de tiques Haemaphysalis concinna prélevées sur la végétation dans le parc, un argument fort pour supposer que la tique est bien le vecteur d'Anaplasma capra. Par la suite, les chercheurs ont trouvé cette bactérie dans un autre parc de daims et étendent leurs investigations.
Des tiques responsables de piroplasmose et d’encéphalite à tiques
La tique Demacentor (marginatus et reticulatus) elle aussi est bien présente en France.
Beaucoup moins étudiée qu'Ixodes ricinus, elle transmet pourtant plusieurs agents pathogènes responsables de maladies d'importance en santé animale (anaplasmose des ruminants, piroplasmose du chien et du cheval) et humaine (encéphalite à tiques, TIBOLA). Pour mieux connaître ces tiques, un projet de science participative appelé PiroGoTick5 vise entre autres à identifier les tiques présentes sur des chevaux sentinelles sur l'ensemble du territoire français.
1. Contact scientifique : Gwenaël Vourc’h.
2. Un cas humain de CCHF autochtone a été répertorié en Grèce en 2008 et 2 cas en Espagne en septembre 2016, dont l’un est décédé.
3. Ce réseau est déjà actif pour la surveillance de maladies telles que le West Nile, la fièvre Q, les piroplasmoses ou l’anaplasmose granulocytique équine.
4. Contact scientifique : Laurence Malandrin.
5. Projet PiroGoTick. Collaboration INRAE, (L. Malandrin), CISCO (Centre international de la santé du cheval d'Oniris), RESPE (Réseau d'épidémiologie surveillance en pathologie équine).