Agroécologie Temps de lecture 4 min
Les abeilles hygiéniques plus résistantes face à un redoutable parasite
Publié le 26 janvier 2021

L’acarien Varroa destructor est un parasite de l’abeille domestique originaire d’Asie qui s’est répandu quasiment dans le monde entier. Les abeilles domestiques Apis mellifera y sont particulièrement sensibles : le parasite peut causer la perte des colonies en quelques mois seulement, et provoque des pertes économiques importantes pour les apiculteurs. Si des traitements médicamenteux existent depuis les années 1980, ils présentent plusieurs inconvénients, notamment l’apparition de résistance du parasite, des effets indésirables sur les abeilles et la persistance de certains composés dans le miel ou la gelée royale. On a déjà observé que certaines colonies d’abeilles sont capables de survivre à l’acarien en l’absence de traitement, montrant ainsi des capacités de résistance au Varroa destructor. Pour se reproduire, ce parasite loge dans les alvéoles de la ruche où grandissent les larves et nymphes d’abeilles. En analysant leur comportement, les scientifiques ont remarqué que certaines abeilles sont capables de détecter le parasite dans les alvéoles où il est présent. Ces abeilles, dites hygiéniques, ouvrent alors les alvéoles contaminées pour les nettoyer, sacrifiant la nymphe en cours de développement mais permettant de contrôler la propagation du parasite et de préserver la colonie. Mais comment font ces abeilles pour détecter le parasite caché dans les alvéoles ?
Pour y répondre, les chercheurs ont analysé et comparé des alvéoles parasitées et non parasitées par le Varroa. Ils ont pu identifier 6 molécules spécifiques dans les alvéoles parasitées qui n’avaient jamais été décrites chez les abeilles. Ils ont alors synthétisé1 ces molécules et effectué différents tests comportementaux pour savoir si ce cocktail de molécules déclenchait bien le comportement hygiénique des abeilles.
Ils ont d’abord comparé le comportement des abeilles face à des alvéoles parasitées et des alvéoles où le cocktail de molécules avait été injecté. Dans les deux cas, il y avait une réaction positive des abeilles qui nettoyaient les alvéoles. Par la suite, ils ont étudié le comportement de différentes colonies qui avaient différents niveaux d’hygiène vis-à-vis du Varroa. Dans les colonies avec un haut niveau d’hygiène, les abeilles repèrent et nettoient les alvéoles contenant des larves malades ou mortes, ce qui est fait moins systématiquement dans les colonies avec une hygiène moyenne. Les résultats montrent que les colonies les plus hygiéniques ont la plus forte réaction face aux alvéoles contenant le cocktail de molécules. Dans les colonies, les abeilles ont différents rôles et fonctions, et seule une partie d’entre elles adoptent ce comportement hygiénique de nettoyage des alvéoles. Dans un dernier test, les scientifiques ont comparé le comportement des abeilles hygiéniques et des abeilles non hygiéniques face au cocktail de molécules. Résultat : si toutes les abeilles sont capables de détecter les molécules au niveau de leurs antennes, seules les abeilles hygiéniques vont pouvoir intégrer les informations au niveau central dans le cerveau et ainsi adopter un comportement de nettoyage des alvéoles contaminées.
La découverte de ce cocktail de molécules spécifique aux alvéoles contaminées par Varroa destructor ouvre de nouvelles perspectives pour les apiculteurs dans la lutte contre ce parasite. Cela leur permettrait de pouvoir repérer et sélectionner les colonies qui seront plus résistantes face au parasite en étudiant leur réaction face au cocktail de molécules. INRAE et l’université d’Otago ont déposé un brevet sur ces molécules et leur application. Des recherches sont actuellement en cours pour développer des tests fiables et utilisables par les apiculteurs pour sélectionner les colonies résistantes à Varroa destructor.
1 Reproduction des molécules identifiées à l’identique en laboratoire après leur analyse.
Référence Mondet F., Blanchard S., Barthes N. et al. (2021). Chemical detection triggers honey bee defence against a destructive parasitic threat. Nature Chemical Biology, 17, 524-530. https://doi.org/10.1038/s41589-020-00720-3 |